Belgique

Coût des prisons : “Il faut envoyer une facture aux détenus”, lance Georges-Louis Bouchez

Après de nombreux mois de travail de fond en justice et sécurité, après avoir auditionné de nombreux magistrats, on a une batterie de propositions, rapporte Georges-Louis Bouchez. La situation en matière de sécurité en Belgique est beaucoup plus inquiétante et alarmante que ce que l’on peut imaginer. Il y a un laxisme institutionnalisé dans notre pays. On voit ce laxisme dans les dispositions politiques telles qu’elles sont pensées, mais aussi dans leur mise en œuvre.

Par exemple ?

En Belgique, quand vous êtes détenu avec un bracelet électronique à la maison, vous recevez toutes les semaines 100 euros du SPF Justice. Donc 400 euros par mois… car vous n’êtes pas en prison. Par ailleurs, un contrôle des revenus de ces personnes est réalisé pour vérifier si elles ont accès ou pas à cette allocation mais leur patrimoine n’est pas pris en compte. Donc, des condamnés qui ont plusieurs biens immobiliers – qui sont parfois le fruit du crime – mais n’ont pas de revenu auront droit à cet accompagnement. Cela n’a aucun sens….

Le but de cette mesure est aussi de vider les prisons qui sont surpeuplées…

Cela ne peut pas être une fin en soi. La prison est la pire des solutions à l’exception de toutes les autres. Il y a certaines personnes qui mènent de véritables carrières criminelles et dont la seule place ne peut être qu’en prison. Il faut avoir le courage de dire que ces personnes sont un danger pour la société, qu’elles ne pourront pas être réinsérées. Il faut durcir le système.

Trois détenus logés dans une cellule de 8 mètres carrés à la prison de Bruges: « Une situation inhumaine »

Que proposez-vous ?

Les 100 euros par semaine, vous ne les donnez plus. Il faut supprimer cela. Si la personne n’est pas capable de se prendre en charge à la maison, pas de bracelet électronique.

Cela coûtera plus cher aux finances publiques.

Oui, bien sûr. La prison coûte plus cher. Mais protéger les gens, la société, cela coûte de l’argent. En Belgique, pour se retrouver en prison, il faut avoir commis des faits d’une certaine gravité. Vous vous rendez compte du signal envoyé aux victimes ? La personne qui vous a agressé est à la maison, donc dans un relatif confort, et le SPF Justice lui donne 100 euros par semaine… La Justice a besoin de moyens et on file du pognon à des détenus. C’est hallucinant. Aux Pays-Bas, on paie sa détention. Les détenus condamnés reçoivent une facture. Le MR considère qu’il faut envoyer une facture aux détenus.

guillement

La Justice a besoin de moyens et on file du pognon à des détenus. C’est hallucinant.« 

Sous quelle forme ?

On peut en faire une dette imprescriptible, par exemple. Pas de revenus ? Pas grave. Si vous travaillez dans 5 ans, vous commencerez à rembourser à ce moment-là. Je ne vois pas pourquoi ce sont les contribuables qui doivent payer pour les méfaits des autres. Et on ne doit pas regarder que les sources de revenu des détenus : il faut examiner leur patrimoine. En Belgique et à l’étranger. Il n’est pas rare d’avoir des détenus qui touchent le CPAS ou l’allocation du SPF Justice mais qui ont trois ou quatre maisons en Albanie, au Maroc, en Belgique… On doit vérifier cela et faire payer la prison sur la base du patrimoine des condamnés.

Comment calculer ces paiements ? Faut-il une proportionnalité ?

Il ne faut pas être radical. Il faut travailler sur une base proportionnelle à la condamnation et raisonner sur des bases réalistes : cela ne sert à rien de créer une dette telle qu’elle sera impossible à rembourser. Il faut une marge de manœuvre. En Belgique, on parle beaucoup du trafic de drogue : l’argent obtenu par ce trafic est bien arrivé quelque part. Il devrait servir à payer le séjour en prison.

guillement

En Belgique, on parle beaucoup du trafic de drogue : l’argent obtenu par ce trafic est bien arrivé quelque part. Il devrait servir à payer le séjour en prison.« 

L’argent qui serait obtenu de cette manière alimenterait le budget général de l’État ou pourrait être affecté à certaines dépenses des départements Justice/Intérieur ?

Tout retourne en effet au budget général. C’est la même chose, par exemple, en matière de saisies. Mais, moi, je n’ai pas d’opposition à ce qu’une partie des fruits des enquêtes reviennent automatiquement au budget Justice. Par exemple, dans le dossier Sky ECC (opération policière contre le milieu de la drogue rendue possible par le décodage de messages cryptés, NdlR), il y a 150 millions de saisies en matière de stup. Ce ne serait pas anormal que 10 ou 20 millions reviennent à la gestion de la sécurité.

Examiner le patrimoine des détenus et les faire payer leur séjour en prison va susciter des critiques alors que le MR est réticent à l’idée que l’État regarde dans le patrimoine des contribuables… C’est paradoxal.

Quand on a gagné son argent honnêtement, on a le droit de ne pas mettre son patrimoine sur la place publique. Mais quand on a commis un acte de délinquance, pourquoi pourrait-on se prévaloir du droit au secret sur le patrimoine ? Les droits fondamentaux doivent être respectés. Mais certains actes font que l’on a une position qui est moins forte qu’un autre citoyen. C’est normal, vous vous êtes mis vous-même en marge de la société en commettant un acte contre elle.

Le MR se démarque des autres partis francophones sur ces mesures en matière de sécurité. Un peu plus sur la droite.

Beaucoup de gens disent que la prison n’est pas un bon choix, que ce n’est pas la meilleure solution pour les personnes qu’on y met. Mais c’est la meilleure solution pour la société. Oui, il faut renforcer la réinsertion, respecter les droits fondamentaux… Mais je prends l’exemple des Pays-Bas : un acte, une décision rapide, une sanction exécutée… et ils ont moins de gens dans les prisons. En Belgique, ce n’est vraiment pas cela.

Richard Miller Memoires burlesques au MR preface de Georges louis Bouchez
Georges-Louis Bouchez en interview dans son bureau au 9e étage du siège du MR à Bruxelles. ©Bernard Demoulin

”Il y a un shopping criminel en Belgique”

Quelles sont les autres propositions du MR ? De manière générale, Georges-Louis Bouchez voudrait durcir le régime appliqué aux détenus. Un exemple : “En Belgique, si on introduit illégalement des objets en prison, par exemple un GSM, il n’y a pas de sanction prévue pour cette tentative en tant que telle. En France, c’est sanctionné. Du coup, des gens continuent leur trafic depuis les téléphones qu’ils ont en prison. J’ai connaissance d’un cas où un type téléphonait à sa femme depuis la prison pour lui donner des instructions afin de blanchir de l’argent. De qui se moque-t-on ?

De leurs consultations menées “sur le terrain”, les libéraux estiment qu’une réforme de la détention préventive est nécessaire. “Aujourd’hui, quand vous êtes en détention préventive, tous les mois, vous devez passer devant la chambre du conseil. Prenons le cas d’un prévenu en matière de terrorisme sans domicile légal en Belgique : vous croyez qu’on va le libérer avant la tenue d’un procès ? Pourquoi cette personne doit-elle sortir tous les mois de prison ? Cela mobilise des policiers, des agents pénitentiaires, des auxiliaires au palais de justice, des magistrats… Tout cela pour une audience de quelques minutes où l’on recopie les conclusions du mois précédent ! Aucun sens. Le ministre de la Justice a même tendance à vouloir augmenter la cadence de ce genre de rendez-vous…

Que faire alors ? Le président du MR est inspiré par le modèle français. “Il faut laisser la possibilité aux magistrats, dans certains cas, de délivrer des billets de détention préventive qui vaudraient pour 6 mois ou un an. Les avocats peuvent ensuite déposer des requêtes en libération s’ils ont des éléments à faire valoir. C’est le système appliqué en France. Quand j’étais avocat, j’ai connu cela : tous les mois, c’était le même sketch… On enchaîne des audiences totalement inutiles.

guillement

Quand j’étais avocat, j’ai connu cela : tous les mois, c’était le même sketch… On enchaîne des audiences totalement inutiles.« 

Georges-Louis Bouchez voudrait remettre sur le tapis le dossier des libérations conditionnelles. “Sous le gouvernement précédent, la “suédoise”, il avait été décidé qu’il ne pourrait pas y avoir de libération conditionnelle avant les 2/3 de la peine. Mais la cour constitutionnelle a annulé cette disposition. Depuis lors, il n’y a pas eu de loi réparatrice… Il faut renforcer le système.

Il faut que la petite délinquance soit immédiatement sanctionnée, lance-t-il encore. “Aux Pays-Bas, vous êtes jugés très rapidement et vous purgez votre peine tout de suite. Chez nous, il existe un sentiment d’impunité. En Belgique, il y a un shopping criminel car le système est moins sévère. Il ne faut pas regarder le niveau des peines prononcées mais la manière dont elles sont effectivement exécutées. Avec tout le système de bracelets électroniques, de congés pénitentiaires, de libérations anticipées, etc., pour la grosse criminalité, c’est mieux de venir en Belgique qu’ailleurs. Le laxisme qui s’est institutionnalisé devient dangereux pour notre pays.

guillement

Avec tout le système de bracelets électroniques, de congés pénitentiaires, de libérations anticipées, etc., pour la grosse criminalité, c’est mieux de venir en Belgique qu’ailleurs. »

Enfin, le MR veut prévoir une détention provisoire automatique pour les personnes qui n’ont pas de résidence légale en Belgique. “Je vous donne un cas que j’ai dû traiter comme avocat : un type est arrêté pour trafic de drogues, il n’a pas de résidence légale en Belgique et ne parle pas une des langues nationales. Il faut traduire les écoutes téléphoniques, ce qui prend une bonne année. Si cette personne élit domicile au cabinet de son avocat, comme cela se fait, est-ce suffisant pour libérer la personne ? Non. Il faut exiger qu’il ait un domicile légal et réel en Belgique. Sinon, comment fait-on pour retrouver cette personne ?

Richard Miller Memoires burlesques au MR preface de Georges louis Bouchez
Le président du MR a de nombreuses idées pour le volet « sécurité/justice » du futur programme électoral du MR. ©Bernard Demoulin