Belgique

La pandémie de Covid-19 pourrait-elle affecter durablement l’espérance de vie des Belges ?

En Belgique, le Covid-19 a causé la mort de 33 885 personnes. La majorité de ces décès sont survenus en 2020 et 2021, lorsque les premières vagues se sont déclarées et que la vaccination n’était pas encore possible ou peu répandue, impactant grandement la mortalité. “Les courbes de la mortalité en 2020 et 2021 ont été fortement affectées par les différentes vagues de l’épidémie de Covid-19 et la vague de chaleur d’août 2020”, confirme Sciensano à La Source.

Une hausse significative de la surmortalité a été observée pour ces deux années. L’Institut de Santé Publique estime en effet qu’il y a eu 16,6 % de décès supplémentaire en 2020 et 4,9 % décès en plus en 2021. “À titre de comparaison, lors des années 2015 à 2019, la surmortalité s’élevait à un pourcentage moyen de 2 % par an”, précisait l’Institut de Santé Publique dans un communiqué.

Les courbes de mortalité en Belgique entre janvier 2020 et janvier 2023.
Les courbes de mortalité en Belgique entre janvier 2020 et janvier 2023. ©Sciensano

En 2022 et 2023, les courbes de la mortalité semblent en revanche retrouver des niveaux plus habituels et redescendent par rapport à 2021. Elles reprennent aussi leurs variations habituelles, c’est-à-dire “un effet saisonnier avec plus de décès durant les mois d’hiver (avec de la surmortalité durant les épidémies de grippe) et des pics de surmortalité en lien avec les périodes de chaleur”, précise l’Institut de Santé Publique.

L’année dernière, la surmortalité observée était de 5,1 %, avec un pic important de surmortalité durant le mois de décembre. “Une mortalité de cette ampleur a été observée pour la dernière fois durant les deux premières vagues de l’épidémie de Covid-19 et pendant l’épidémie de grippe et la vague de froid de mars 2018”, relève Sciensano, qui souligne le rôle joué par le Covid-19 mais aussi par les vagues de chaleur qui ont touché la Belgique cet été.

Retour à des niveaux prépandémie

Un autre facteur permet d’évaluer la santé publique d’une population et l’impact du coronavirus sur la mortalité : l’espérance de vie. Elle fournit une estimation moyenne de la durée de vie d’un individu, en fonction de son année de naissance.

En Belgique, l’espérance de vie a augmenté de près de deux ans entre 2010 et 2019, passant de 80,05 ans à 81,83 ans. L’année 2020 a quant à elle été marquée par un recul de l’espérance de vie à 80,79 ans, “conséquence directe des conditions de mortalité en 2020” selon Statbel. “L’impact de la pandémie de COVID-19 sur la mortalité belge était nettement plus faible en 2021 qu’en 2020 mais est resté malgré tout présent. Cela se traduit par une espérance de vie à la naissance de 81,7 ans, qui est pratiquement égale à celle de 2019”, précise l’office belge de statistique.

“La Belgique a connu une année 2020 plutôt difficile en termes d’évolution de l’espérance de vie. Mais comme dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale, en 2021, ces mesures sont revenues à la normale, toutefois beaucoup plus près de 2019 qu’elles ne l’étaient en 2020”, confirme Jonas Schöley, chercheur à l’Institut Max Planck pour la recherche démographique (Allemagne) et auteur de nombreuses études sur le sujet.

“Si nous examinons ces mesures pour l’année 2022, ce que nous pouvons déjà commencer à faire, nous constatons une situation similaire dans toute l’Europe : la plupart des pays européens se rapprochent de leur niveau d’espérance de vie d’avant la pandémie. Certains plus, d’autres moins”, poursuit-il, prenant l’exemple de la Suède qui s’en rapproche parfaitement.

Une bonne nouvelle relative, car ces chiffres détonnent. “On aurait pu s’attendre à une augmentation assez régulière de l’espérance de vie d’une année à l’autre”, assure en effet Jonas Schöley. “Tous les pays européens qui approchent des niveaux de 2019 sont encore en retard par rapport à ce qui aurait été attendu en termes d’espérance de vie sans la pandémie”, explique-t-il.

Mais un possible ralentissement de la tendance

De son côté, Statbel prévoit que les effets de la pandémie de Covid-19 sur l’espérance de vie s’estompent dans les prochaines années. Mais pour le chercheur allemand, ces années seront décisives et permettront de déterminer si la pandémie était un choc périodique lié à un événement qui entraîne beaucoup de décès sur une période donnée – comme une guerre – ou si le virus a réellement changé la tendance en termes d’allongement de la durée de vie. “Il est trop tôt pour le dire, mais avec ce que nous savons de 2022, les chercheurs, moi y compris, commencent à penser que l’augmentation de l’espérance de vie avant la pandémie pourrait s’être ralentie”, note Jonas Schöley.

Le chercheur explique que pendant les deux premières années de la pandémie, les décès excédentaires observés étaient liés aux vagues de Covid-19. Mais, dans de nombreux pays, ce n’est plus le cas pour l’année 2022. “Au lieu de cela, nous avons constaté une augmentation considérable du taux de mortalité tout au long de l’année, de l’ordre de 10 %, à peu près”, poursuit-il.

“Pour 2022, on peut toujours trouver des excuses pour expliquer ce phénomène. Mais si nous le constatons deux années de suite, à un moment donné, nous devrons peut-être envisager l’idée qu’en raison de l’arrivée de cette nouvelle maladie dans la population, les équations ne sont plus les mêmes qu’auparavant”, constate le chercheur. “Nous avons une nouvelle maladie qui, même en cas de vaccination, représente un risque et un fardeau supplémentaires pour la population”, ajoute-t-il, citant les effets du virus sur le système cardiovasculaire.

“Il n’est pas encore possible pour nous de trancher sur cette question”, répond Sciensano, interrogé à ce sujet. “Les données pour l’espérance de vie en Belgique dont nous disposons vont jusqu’en 2021, année pour laquelle on observait encore une surmortalité liée au Covid-19”, précise l’Institut de Santé Publique.

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La Source ©R. Batista

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