Tunisie

Berlin fait part de « sa plus grande inquiétude » pour le sort de Rached Ghannouchi

« Les acquis démocratiques depuis 2011 en Tunisie ne doivent pas être perdus », a mis en garde ce vendredi la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, après le placement jeudi sous mandat de dépôt de l’opposant Rached Ghannouchi.

Berlin, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a déclaré ce vendredi que « Les acquis démocratiques depuis 2011 en Tunisie ne doivent pas être perdus ».

Les propos de la cheffe de la diplomatie allemande interviennent après le placement en détention, jeudi, de Rached Ghannouchi, chef de file du mouvement tunisien d’obédience islamique « Ennahdha ».

En réponse à une question posée lors d’une conférence de presse à Berlin, Annalena Baerbock, a fait part de « sa plus grande inquiétude » pour le sort du président du parti « Ennahdha ».

Le président tunisien Kaïs Saïed avait fermement rejeté dans une vidéo diffusée par la présidence de la République, jeudi soir, « toute ingérence dans les affaires intérieures de la Tunisie », après les réactions internationales concernant le placement en détention de Rached Ghannouchi.

« Certaines capitales ont exprimé leur inquiétude. Pourquoi le font-ils alors qu’il s’agit d’un appel à la guerre civile et la loi a été appliquée par des magistrats intègres », a-t-il affirmé.

« Cette ingérence flagrante dans nos affaires est inacceptable. Nous sommes un pays indépendant et souverain et nous n’acceptons pas que quiconque s’ingère dans nos affaires (…) Nous ne sommes ni un Etat colonisé ni sous mandat », a-t-il soutenu, avant d’ajouter : « Qu’ils arrêtent d’essayer de s’immiscer dans nos affaires (…). Nous n’avons pas exprimé notre inquiétude quant aux arrestations qui ont eu lieu dans un certain nombre de pays, y compris des pays européens ».

Le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Tunis a émis jeudi un mandat de dépôt contre le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, après des heures d’audition dans le cadre de l’affaire des déclarations qui lui sont attribuées et qui relèveraient de « l’incitation contre la sûreté de l’Etat ».

Ghannouchi est l’une des figures éminentes du Front de salut national (FSN), une coalition de l’opposition en Tunisie qui rejette les mesures d’exception décrétées par le chef de l’Etat Kaïs Saïed depuis le 25 juillet 2021, dont entre autres, la destitution du gouvernement, la nomination d’un nouvel Exécutif, la dissolution du Conseil supérieur de la magistrature et du Parlement, la promulgation de lois par décrets présidentiels, l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum le 25 juillet 2022, ainsi que la tenue d’élections législatives anticipées boycottées par l’opposition.

Le chef de file d’Ennahdha, 81 ans, a été arrêté par des policiers à son domicile à Tunis, lundi, et conduit à la caserne de la Garde nationale d’El Aouina, sur instruction du parquet près le pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, selon les médias locaux.

Selon le mouvement d’obédience islamique, l’arrestation de son chef de file survient sur fond de son intervention lors une conférence politique organisée par le FSN, le 15 avril courant. Dans son intervention publiée sur la page Facebook du FSN, Ghannouchi a mis en garde contre l’exclusion de toute partie, déclarant en ce sens qu’ « imaginer la Tunisie sans tel ou tel parti, sans Ennahdha, sans islam politique, sans la gauche est un projet de guerre civile ».

Les autorités tunisiennes procèdent, depuis le 11 février 2023, à une vague d’arrestations de personnalités de renom, dont des dirigeants de partis, des journalistes, des magistrats, un homme d’affaires influent, des avocats, des militants politiques, et des syndicalistes.

Le 14 février dernier, Kaïs Saïed a accusé certains des prévenus d’être impliqués dans un complot contre la sûreté de l’Etat, les tenant, en outre, pour responsables de la pénurie des produits de base et de la flambée des prix.

Discussions avec le FMI dans l’impasse

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE continuent de suivre intensément la situation et « nous faisons part de nos inquiétudes à la Tunisie », a-t-elle ajouté. Reconnaissant que la Tunisie était dans une situation difficile aussi bien sur le plan économique que social, Annalena Baerbock a affirmé : « Nous ne voulons pas, en tant qu’Européens, laisser la population tunisienne toute seule ». Selon elle, il est essentiel que le programme d’aides entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) soit finalisé.

La Tunisie, endettée à environ 80 % de son PIB, a obtenu un accord de principe du FMI à la mi-octobre pour un nouveau prêt de près de 2 milliards de dollars, afin de l’aider à surmonter sa grave crise financière. Mais les discussions sont dans l’impasse, faute d’engagement ferme de Tunis à restructurer les plus de 100 entreprises publiques lourdement endettées et à lever les subventions sur certains produits de base.