Suisse

La détermination d’une femme à aider les services de santé ukrainiens

Helen Ramscar, auteure originaire d’Irlande du Nord et vivant aujourd’hui à Bâle, ne connaissait rien aux ambulances avant de lancer une initiative visant à envoyer des véhicules d’urgence en Ukraine. © Thomas Kern/swissinfo.ch

La guerre en Ukraine a suscité un élan de générosité parmi la population suisse. Helen Ramscar, qui vit à Bâle, a récolté suffisamment d’argent pour envoyer des ambulances en Ukraine. Les véhicules ont parcouru 2250 kilomètres à travers l’Europe jusqu’à leur destination finale.

Ce contenu a été publié le 13 juillet 2023




Ambulance ReliefLien externe». L’objectif d’envoyer une ambulance en Ukraine a vite été dépassé. Quinze mois plus tard, après avoir récolté près de 110’000 francs suisses, Helen Ramscar a acheté non seulement des véhicules d’urgence, mais aussi divers équipements médicaux. Du matériel dont elle a fait don au système de santé ukrainien en difficulté, que les forces russes sont accusées de cibler délibérément dans le cadre de leur stratégie militaire. À la fin de l’an passé, plus de 700 attaques contre des établissements de santé avaient été recenséesLien externe, dont 65 contre des ambulances.

«Presque chaque jour, non seulement des vies sont perdues, mais aussi du savoir-faire technique et du matériel», explique à swissinfo.ch Artem Rybchenko, ancien ambassadeur d’Ukraine en Suisse. Un jour avant cet entretien, un hôpital ayant reçu du matériel de la part d’Ambulance Relief a été touché par une roquette.

Les actes de générosité comme celui d’Helen Ramscar offrent à la population ukrainienne «un sentiment de solidarité, qui montre qu’elle n’est pas seule face à ses problèmes», ajoute-t-il. Depuis le début de la guerre, de nombreuses familles suisses ont accueilli chez elles des réfugiés et la Chaîne du Bonheur, bras humanitaire de la Société suisse de radiodiffusion et télévision, a récoltéLien externe plus de 130 millions de francs en faveur de l’aide à l’Ukraine.

«Acheter une ambulance en Suisse»

D’origine d’Irlande du Nord, Helen Ramscar est installée en Suisse avec sa famille depuis 2019. Elle n’avait aucune expérience préalable dans l’achat d’ambulances. Ces dernières années, elle a écrit des livres sur la sécurité britannique et travaillé dans le bureau privé de l’ancien prince de Galles, aujourd’hui le roi Charles III. 

Ce qu’Helen Ramscar savait, c’est qu’elle voulait aider. Avec d’autres parents de l’école de ses enfants, elle avait déjà collecté des médicaments et du matériel de premiers secours en faveur de l’Ukraine. Le jour de l’attaque de Marioupol, après avoir couché sa fille, elle a allumé son ordinateur portable et tapé ces quelques mots dans un moteur de recherche: «Acheter une ambulance en Suisse.»

Elle finit par trouver un garage dans le canton de Soleure, à 60 kilomètres au sud de Bâle, qui vend des ambulances d’occasion. ACT Special Car Center lui recommande un Sprinter Mercedes diesel, car les pièces de rechange pour ce modèle sont plus faciles à trouver en Europe de l’Est. L’entreprise propose en outre de livrer l’ambulance à l’ambassade d’Ukraine à Berne.

Helen Ramscar contacte l’ambassade, puis des fonctionnaires l’aident à remplir les formalités administratives: assurance pour le véhicule, inspection technique et procédures d’exportation, puis acheminement de l’ambulance jusqu’à sa destination finale en Ukraine, que l’ambassade décidera elle-même en fonction des besoins.

«Nous en avons tellement besoin»

Une fois tous ces éléments mis en place, Helen Ramscar a créé une page Internet permettant de faire des dons en ligne et lancé un appel sur Facebook. Rapidement, amis et inconnus se sont ralliés à la cause. Des promesses de dons, grandes et petites, ont été faites par la communauté de l’École internationale de Bâle, que fréquentent ses deux enfants aînés, et par d’autres personnes vivant en Suisse et à l’étranger.

En l’espace de deux semaines, Helen Ramscar a réuni suffisamment d’argent, soit 18’000 francs, pour acquérir l’ambulance Mercedes et payer les réparations nécessaires de manière à ce que le véhicule soit en parfait état. Puis est arrivé le moment de vérité: le 23 mars 2022, peu avant 11 heures, Helen Ramscar se retrouve à attendre anxieusement devant l’Ambassade d’Ukraine le véhicule que le garage doit livrer.

«À ce moment-là, j’ai eu un terrible sentiment d’impuissance: j’ai suscité des attentes autour de moi. Que vais-je faire si l’ambulance n’arrive pas?», s’inquiète-t-elle. «Je me tenais là, la gorge serrée, et je pouvais entendre mon pouls et mes tempes palpiter.»

Les minutes qui ont suivi restent inoubliables pour Helen Ramscar: «Lorsque l’ambulance est arrivée au coin de la rue, j’ai vécu un moment incroyable. Le fait que des personnes qui ne se sont jamais rencontrées puissent s’unir de manière aussi sensée et généreuse pour aider des gens quelque part à des milliers de kilomètres de là, c’était fabuleux.»

Helen Ramscar remet une ambulance à l’ambassadeur ukrainien en Suisse de l’époque, Artem Rybchenko (deuxième à partir de la gauche), à un fonctionnaire de l’ambassade (à droite), ainsi qu’au directeur de l’école internationale de Bâle, Bradley Roberts, en août 2022. Helen Ramscar

L’ambassadeur Artem Rybchenko s’est approché d’elle et lui a dit: «Nous en avons tellement besoin.» Helen Ramscar lui a aussitôt répondu qu’elle collecterait de nouveau de l’argent pour acheter d’autres ambulances.

En août 2022, Helen Ramscar a organisé la livraison de quatre ambulances à l’ambassade, qui s’est chargée d’organiser leur acheminement vers l’Ukraine. Plus d’un an après le début de la guerre, les besoins les plus urgents concernent les ambulances, selon le Département fédéral des Affaires étrangèresLien externe. Mais les types d’ambulances adaptés à l’Ukraine restent rares. En avril 2023, le canton de Bâle-Ville et la Ville de Zurich ont fait don de cinq ambulances d’occasion à des ONG locales en Ukraine, la plupart provenant des Pays-Bas.

Des appareils chirurgicaux qui sauvent des vies

Yevhen Kalenda, volontaire à Dnipro a livré 16 pièces d’équipement données par Ambulance Relief aux hôpitaux de la ville, dont cette unité électrochirurgicale pour le chirurgien Stepan Borzov et son équipe. Stepan Borzov

Les efforts d’Helen Ramscar n’ont pas cessé dès lors que l’argent destiné aux ambulances s’est épuisé. Elle a répondu aux demandes d’autres équipements médicaux, principalement par l’intermédiaire d’Ukrainiennes et Ukrainiens vivant en Suisse avec lesquels elle s’est liée d’amitié et qui connaissent les besoins de leur pays. Les demandes concernaient un spiromètre permettant de diagnostiquer diverses affections pulmonaires et des équipements d’audiologie pour examiner les lésions auditives causées par les bombardements, ainsi que plus de deux douzaines de générateurs et de centrales électriques.

«Je ne peux même pas décrire les émotions d’un médecin que j’ai rencontré quelques jours après lui avoir livré un appareil électrochirurgical qu’Helen a acheté pour nous», écrit dans un courriel Yevhen Kalenda, volontaire à Dnipro, dans l’est de l’Ukraine. «Il était très enthousiaste et m’a dit qu’il ne pouvait que rêver de l’avoir dans sa salle d’opération. Grâce à cette machine, il a déjà pu effectuer plusieurs opérations.»

Les appareils de ce type sauvent des vies, mais en Ukraine ils sont généralement trop chers ou il faut trop de temps pour se les procurer, explique un autre bénévole, Taras Patlatiuk.  Ce scientifique ukrainien installé à Bâle aide Ambulance Relief.

La démarche d’Helen Ramscar reste très pragmatique, avec la recherche d’équipements spécialisés en ligne et des passations de commandes auprès de fournisseurs à l’étranger. Avec sa fille cadette, elle se rend même dans sa quincaillerie locale pour acheter des articles plus courants, comme des groupes électrogènes, qu’elle stocke ensuite temporairement dans son salon.

Des signes de gratitude

Ses enfants et son mari, Nick, ont soutenu ses efforts avec enthousiasme. Mais il n’a pas été facile de jongler entre cette activité, entièrement bénévole et non rémunérée, et les exigences de la vie familiale. «Avec le recul, il y a eu des moments un peu absurdes», confie Helen Ramscar.

«Pendant un mois, personne ne trouvait la télécommande de la télévision, alors l’un de mes enfants a dit à l’autre: « Maman l’a donnée »», s’amuse Helen. Helen Ramscar

«Cela peut être très accaparant. Il n’est pas possible de maintenir le rythme effréné des dons, des collectes et des livraisons, parce que mes enfants constituent aussi ma priorité. [Mais] le travail de fond devait être fait.» Aujourd’hui, quinze mois après le début de l’opération, elle affirme avoir trouvé un bon équilibre.

Des signes de gratitude décorent la maison d’Helen Ramscar. Des certificats en ukrainien envoyés par une poignée de bénéficiaires des dons d’Ambulance Relief sont alignés en haut d’une étagère bien remplie. Sur son bureau, elle a déposé une peinture représentant des hortensias, cadeau d’un centre de réadaptation auquel elle a envoyé un groupe électrogène. Elle a également reçu deux prix de l’Ambassade de Grande-Bretagne en Suisse pour son travail caritatif.

Dans le bureau d’Helen, des certificats de remerciement de divers établissements de santé et d’enseignement ukrainiens qui ont reçu du matériel grâce à l’appel à l’aide de son organisation. © Thomas Kern/swissinfo.ch

La confiance d’Helen Ramscar en sa capacité à changer les choses a grandi au fil des succès. Elle est en train de fonder une association pour continuer à fournir une aide médicale d’urgence à l’Ukraine et à d’autres régions du monde.

Faire don d’ambulances, «c’est tellement loin de tout ce que j’ai fait auparavant», relève-t-elle. Cela montre que, même face à un conflit lointain, «nous ne sommes pas impuissants», déclare-t-elle. «Il est possible de faire des choses à petite échelle en partant de rien.»

Alors que la guerre s’éternise, sa motivation reste forte, l’image d’Irina Kalinina étant toujours présente dans son esprit: «Je ne cesse de m’y accrocher. C’est une partie de ma motivation. Je ne veux pas l’oublier.»

(Relu et vérifié par Virginie Mangin, traduit de l’anglais par Zélie Schaller)

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