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En Turquie, le pouvoir fait tout pour exclure le parti HDP

Le HDP (Parti démocratique des peuples) est menacé d’interdiction à l’élection du 14 mai. Un juge d’instruction l’accuse d’avoir des liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre l’État turc. Le parti avait demandé que la décision de la Cour constitutionnelle soit postposée après les élections. Celle-ci a refusé. Le parti boycotte dès lors ce nouvel épisode judiciaire visant à faire taire la troisième force politique du pays.

Des restrictions en cascade

En 2018, le parti prokurde avait remporté 10,76 % des voix et obtenu 67 sièges. Bien qu’incarcéré en prison, son président Selahattin Demirtas avait réussi à récolter le suffrage de 8,40 % des électeurs dans la course à la présidence. Mais le Parti de la Justice et du Développement (AKP) d’Erdogan, malgré ses pertes, avait glané 42,56 % des voix et s’était associé au parti ultranationaliste MHP (11,10 %) pour former une majorité à la Grande Assemblée Nationale de Turquie.

Après avoir neutralisé en 2016 les deux vice-présidents du parti prokurde, après avoir condamné en 2022 à deux ans de prison le très populaire maire d’Istanbul Ekrem Imamoglu, membre du Parti républicain (CHP), après avoir privé temporairement en janvier le HDP de subventions publiques, la justice turque continue donc de travailler pour la coalition au pouvoir, en cherchant à écarter qui peut faire obstacle au président Erdogan. Ce dernier veut à tout prix obtenir un troisième mandat, qui sera couronné en octobre de cette année par le centième anniversaire de la République turque.

La Cour constitutionnelle a décidé mardi de confier à un rapporteur le soin de faire la synthèse entre le réquisitoire du juge d’instruction et les remarques écrites du HDP. On ignore quand la décision sur une éventuelle interdiction du parti sera prise.

Co-leader of the People's Democratic Party (HDP) Pervin Buldan speaks during a meeting where the Green Left Party's election manifesto was announced, in Ankara on March 30, 2023. (Photo by Adem ALTAN / AFP)
La co-présidente du HDP Pervin Buldan le 30 mars à Ankara où a été annoncé le manifeste du parti de la gauche verte (YSP). ©AFP or licensors

Pas de menace la sécurité nationale, selon Amnesty

Dans un communiqué publié lundi, Amnesty International note que le HDP est, depuis 1993, le huitième parti de gauche ayant des racines kurdes à être confronté à une menace d’interdiction. S’appuyant sur la Cour européenne des droits de l’Homme, l’organisation non-gouvernementale estime que le “lien organique entre le PKK et le HDP provient d’une définition vague et très large du terrorisme dans la loi turque”, appliquée “de façon arbitraire et sur base de faibles preuves”.

Pour Amnesty, il n’y a pas de “menace claire et imminente à la sécurité nationale ou à l’ordre public”, justifiant l’interdiction de ce parti.

Un appui aux autres partis d’opposition

Craignant l’interdiction, le HDP a déjà annoncé que ses candidats se présenteront de toute façon sous la bannière du petit parti écologiste, le Parti de la gauche verte (YSP), ce qui vaut un début de polémique sur la présence ou non d’observateurs du HDP dans les bureaux de vote à l’Est de la Turquie. Dans cette région à majorité kurde, le HDP est généralement opposé à l’AKP d’Erdogan. Le HDP se rallie également, pour la présidentielle, à la candidature de Kemal Kiliçdaroglu (CHP), pressenti par six partis d’opposition pour tenter de faire “tomber” Erdogan.