France

Twitter : Chronologie d’un an de chaos d’Elon Musk à la tête du réseau social

On a d’abord cru à une blague, puis on s’est dit qu’il lâcherait l’affaire, avant de se faire à l’idée : oui, Elon Musk est bien le PDG de Twitter. Et ce depuis un an, jour pour jour. Mais depuis son rachat par le milliardaire, le 25 avril 2022, le réseau social n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était. Car les 52 semaines écoulées n’ont été qu’une longue succession de controverses, de polémiques, de transformations, de batailles judiciaires et – disons-le honnêtement – de chaos.

A 20 Minutes, quand on se trompe, on le dit. Si on avait prédit la mort de Twitter en 2023, un an après l’arrivée du milliardaire à sa tête, le réseau social n’a pas encore tout à fait les deux pieds dans le cercueil. Alors à l’occasion de ce mariage, pour le meilleur et pour le pire (mais essentiellement pour le pire), on revient sur les moments les plus marquants de la première année d’Elon Musk à la tête de Twitter.

Avril – octobre 2022 : une arrivée mouvementée

Il est environ 20h50, ce 25 avril 2022, quand Elon Musk provoque un séisme dans le monde des nouvelles technologies. Dans un communiqué de presse, il annonce avoir racheté Twitter pour 44 milliards de dollars. C’était pourtant loin d’être gagné dans les semaines qui ont précédé : après avoir acquis des millions d’actions Twitter, rejoint le conseil d’administration du réseau social, puis démissionné, le fantasque milliardaire avait finalement fait une proposition bien au-dessus du marché – le réseau social était valorisé à 38 millions d’euros à cette époque.

Mais la lune de miel est de courte durée. En mai, il menace de faire marche arrière, dénonçant des informations « fausses et trompeuses » sur l’entreprise dans l’accord qu’il a signé avec elle. Loin d’être d’accord – et estimant que le milliardaire a dévalorisé la valeur de l’entreprise – Twitter engage une action en justice pour forcer Elon Musk à aller au bout du processus de rachat.

Les semaines suivantes ne sont qu’une succession de passes d’armes entre Twitter et son nouveau/ancien PDG (on ne sait plus trop à force). Le retournement de situation arrive début octobre 2022. Contre toute attente, alors que les deux parties sont toujours en procès et qu’Elon Musk tire à balles réelles sur le réseau social quasi quotidiennement, le milliardaire accepte finalement de racheter la firme à l’oiseau bleu. Le 27 octobre 2022, après de longues semaines de batailles judiciaires, c’est enfin officiel : Elon Musk – déjà propriétaire de Tesla et de Space X – est le nouveau patron de Twitter. « L’oiseau est libre », tweete-t-il.

Novembre – décembre 2022 : Musk fait la pluie et le beau temps

Les décisions arbitraires arrivent plus vite que prévu. Dès le lendemain de sa prise de poste, Elon Musk commence par licencier le patron de l’époque, Parag Agrawal, le directeur financier, Ned Segal, la responsable des affaires juridiques, Vijaya Gadde et remercie par la même occasion les neuf membres du conseil d’administration. Il est donc seul capitaine à bord du navire Twitter. Il continue son ménage, mais cette fois-ci du côté des salariés de la plateforme : la moitié des 7.500 employés dans le monde sont renvoyés pour réduire les coûts. Et les conditions sont rudes : certains l’apprennent par mail, d’autres découvrent que l’accès à leur ordinateur est bloqué, quand les derniers constatent que leur badge d’entrée est désactivé.

En deux mois, Elon Musk sème le chaos sur la plateforme : il insulte des internautes sur le réseau social, renvoie publiquement un employé qui le contredit, réactive l’ensemble des utilisateurs suspendus, dont celui de Donald Trump et en ferme arbitrairement d’autres, comme celui qui suit son jet privé ou ceux de journalistes qui osent le critiquer.

Les initiatives controversées d’Elon Musk ne s’arrêtent pas là. Pour éponger les dettes de l’entreprise, le milliardaire lance Twitter Blue, un nouvel abonnement à huit dollars par mois permettant de faire certifier son compte, quelle que soit sa notoriété. Sur la plateforme, c’est la confusion. Des milliers de faux comptes sont créés. Parmi ces usurpations d’identité se trouvent des personnalités comme Georges W.Bush, Joe Biden, LeBron James ou même Elon Musk, lui-même. Le nouveau PDG fait marche arrière et renonce – temporairement – à cette formule. « Merci de noter que Twitter va faire beaucoup de choses bêtes dans les mois qui viennent. Nous garderons ce qui marche et changerons ce qui ne marche pas », explique-t-il dans un tweet.

Janvier – mars 2023 : Les annonceurs prennent peur

Mais début 2023, c’est déjà trop tard. Elon Musk perd la confiance des annonceurs. Inquiets de la réduction de la modération – l’équipe dédiée a quasiment disparu –, du manque de stratégie et des décisions fantasques du PDG, ils fuient la plateforme, refusant que leur image ne soit associée à celle de Twitter. Certains mettent en pause leurs campagnes publicitaires, d’autres conseillent à leurs clients de ne plus investir sur le réseau social. Une catastrophe Twitter qui tire 90 % de ses revenus de la publicité.

En mars, le couperet (et les chiffres) tombe : les revenus publicitaires ont chuté de 40 % depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk. Pire encore, plus de 70 % des 100 plus gros annonceurs ont cessé d’inclure Twitter dans leur stratégie. La situation du réseau social, qui n’a jamais été très rentable, est catastrophique. A tel point qu’Elon Musk lui-même avoue que la firme à l’oiseau bleu ne vaut plus que 20 millions de dollars, soit moins de la moitié du prix auquel il l’a acheté.

Mars – avril 2023 : Cacophonie des badges

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation n’est pas franchement à l’amélioration ces dernières semaines. Retour début février. Twitter lance différents badges pour classer ses utilisateurs : le coche bleu de compte « certifié » pour les abonnés à Twitter Blue, le coche gris pour les organismes gouvernementaux, le coche jaune pour les « entreprises officielles ». Mais du côté des médias, ce sont trois étiquettes distinctes : les médias « affiliés à un Etat », « financés par un gouvernement » ou « financés par des fonds publics ».

Certains médias publics se plaignent de s’être vus attribuer l’étiquette médias « affiliés à l’Etat », estimant que l’intitulé prête à confusion entre les médias d’Etat, comme Sputnik ou Russia Today par exemple, et des services publics d’information, comme Radio France. Résultat, plusieurs d’entre eux décident de quitter Twitter. C’est le cas du groupe médias public CBC/Radio-Canada, de la radio publique suédoise Sveriges Radio (SR) ou encore de la radio américaine NPR (National Public Radio). Une nouvelle fois, Elon Musk fait marche arrière et supprime les intitulés. Dans une interview accordée à la BBC, le milliardaire reconnaît « de nombreuses erreurs » et une gestion en « montagnes russes ».

Mais ces erreurs ne l’empêchent de mettre en place l’une de ses premières idées : la disparition des badges pour les comptes certifiés. Le 20 avril, les anciens badges bleus des comptes certifiés – c’est-à-dire dont l’identité avait été vérifiée – disparaissent. Le fameux coche est désormais réservé aux utilisateurs ayant souscrit à Twitter Blue. A la clef pour ces internautes, une visibilité accrue, moins de publicités et des privilèges techniques. Comme il fallait s’y attendre, la cacophonie reprend. Le système de certification devient incompréhensible, la plateforme attribuant des badges bleus à certains utilisateurs, sans leur consentement. Elon Musk reconnaît même avoir payé l’abonnement à des personnalités, comme l’écrivain Stephen King, le basketteur LeBron James, l’acteur William Shatner ou encore l’ancien président Donald Trump.

On vous avait prévenu : pour le meilleur et pour le pire, mais surtout pour le pire. Rendez-vous le 25 avril 2024 pour le bilan des deux ans d’Elon Musk à la tête de Twitter, s’il est encore là.