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Affaire Galtier : « Il y a embrouille »… Le transfert de Brahimi aux origines de la guerre entre Galtier et Fournier

Depuis le début de l’affaire Galtier, deux camps – plus ou moins bien informés et plus ou moins impliqués – s’opposent. Il y a d’un côté ceux qui défendent l’ancien entraîneur des Aiglons et qui parlent à visage découvert, et ils sont nombreux, et les autres, ceux qui se taisent de manière plus ou moins forcée, et qui semblent avoir des choses à dire au sujet de Galtier et de sa vision des joueurs de confession musulmane pratiquant le ramadan. Alors qu’une enquête judiciaire ouverte par le parquet de Nice est en cours et que les principaux intéressés, joueurs, dirigeants et employés de l’OGC Nice réservent leurs témoignages aux enquêteurs, impossible pour l’heure de dénuer le vrai du faux.

A ce stade, en effet, rien ne permet d’affirmer que Christophe Galtier ne s’est pas rendu coupable des mots qui lui sont reprochés par Julien Fournier dans le mail envoyé à Dave Brailsford en fin de saison dernière. Et les nombreux témoignages de soutien au Marseillais, arguant qu’il n’avait jamais eu le moindre problème en trente ans de carrière sur ce sujet ne valent pas preuve que celui-ci ne s’est pas mis en faute lors de son passage à Nice.

Galtier avait demandé (et obtenu) la tête de Fournier

En attendant que les langues se délient, ou pas, 20 Minutes a choisi de creuser un événement particulier dans la saison de 2021-2022 de Nice qui, selon plusieurs sources concordantes, marque la scission définitive des relations entre Christophe Galtier et Julien Fournier : le transfert du jeune Billal Brahimi, arrivé du SCO d’Angers dans les derniers jours du mercato hivernal 2022, pour une somme avoisinant les sept millions d’euros.

Le contexte de l’époque ? En course pour la qualification en Ligue des champions à la mi-saison (Nice est deuxième du championnat à la trêve), Christophe Galtier, dont les relations s’étaient déjà tendues avec Julien Fournier lors du premier mercato estival, réclame un ou deux joueurs d’expérience pour compléter sa ligne d’attaque et continuer de rêver à la qualif en C1 en fin de saison. Au lieu de ça, c’est donc un joueur au profil totalement opposé, comptant en tout et pour tout neuf petits matchs en Ligue 1 (dont trois titularisations) et 334 minutes de jeu effectives au plus haut niveau, qui pose son baluchon dans le sud.

Du côté du clan Galtier, comme révélé par Nice-Matin, la nouvelle fait grimacer, surtout à ce prix-là pour un joueur au CV si léger. « Un remplaçant d’Angers (…) pour huit millions d’euros, il fallait y penser », ironise-t-on alors dans l’entourage du Marseillais. qui n’a eu de cesse depuis le début de l’affaire de brandir ce transfert en guise de contre-feu aux accusations de racisme lancées par Fournier. C’est aussi ce qui fait tiquer l’une de nos sources proches de l’entraîneur parisien :

C’est tout de même extrêmement troublant. Vous avez un garçon qui arrive en janvier à Nice, Brahimi, acheté par Angers quelques mois plus tôt pour 1,3 million à Reims, qui n’est pas titulaire à Angers et qui est revendu quatre mois plus tard pour 7 millions d’euros. C’est magnifique ! Acheter un joueur qui n’a rien prouvé à ce prix-là, faut quand même être sacrément costaud. Or, c’est Fournier qui gère cette affaire tout seul, et c’est là que commencent les véritables tensions avec Galtier. »

Interrogé sur le prix étonnement élevé de ce transfert lors de la conférence de presse de présentation du joueur, le 4 février 2022, Julien Fournier précise que le montant évoqué par le journaliste ne « regarde que (lui) » : « Le marché, sur ces postes-là, est extrêmement compliqué, justifie-t-il. Ces joueurs-là, avec des qualités assez rares, sont extrêmement chers. Je sais, enfin, je pense que l’investissement qu’on a fait, ce n’est pas cher. » Ils sont pourtant quelques-uns dans le milieu à se demander où est l’entourloupe : « Il y a une embrouille claire et nette dans cette affaire », souffle un agent bien informé.

Enquête ouverte par le parquet de Bobigny

Un avis partagé par les magistrats. Selon nos informations, le transfert de Billal Brahimi d’Angers à Nice est dans le viseur de la justice. Il fait partie de l’enquête de grande ampleur (ne concernant pas uniquement le SCO) lancée par le parquet de Bobigny pour des soupçons d’exercice illégal de la profession d’agent sportif et de blanchiment d’argent en bande organisée. Concrètement, les enquêteurs se demandent, entre autres choses, si le prix du joueur n’a pas été gonflé pour permettre, à travers un savant jeu de rétrocommissions, de faire croquer les nombreux intermédiaires rôdant autour du jeune Brahimi. Une pratique vieille comme le foot business, mais qui n’en reste pas moins illégale.

Cette enquête a conduit à la perquisition des locaux du club angevin à deux reprises, le 14 juin 2022 et le 3 janvier 2023, et au placement en garde à vue de l’ancien président d’Angers Saïd Chabane. Quatre autres prévenus ont de leur côté été entendus par les enquêteurs dont l’un d’eux, Jalal Benalla, aurait permis, selon Saïd Chabane lui-même, la venue de Brahimi de Reims à Angers.

Billal Brahimi sous le maillot niçois lors de la finale de la Coupe de France contre Nantes, le 7 mai 2022.
Billal Brahimi sous le maillot niçois lors de la finale de la Coupe de France contre Nantes, le 7 mai 2022. – AFP

La relation entre les deux hommes est trouble, à l’image du rôle exact de Benalla au sein du SCO. Conseiller sportif, il est soupçonné par la justice d’avoir joué les intermédiaires dans ce transfert et plusieurs autres alors qu’il ne possédait aucune licence d’agent. Il avait été intégré à la cellule de recrutement du club angevin le 1er septembre 2022 « pour clarifier la situation », avait justifié le club à l’époque, avant de démissionner trois mois plus tard. Malgré ce départ précipité de l’organigramme angevin, aurait-il aussi participé d’une quelconque manière au transfert de Brahimi d’Angers à Nice ? Ce sera à la justice de trancher.

Interrogé par 20 Minutes, celui-ci se défend d’avoir joué un rôle quelconque dans l’affaire. « J’ai été entendu car j’étais proche d’Angers, mais il n’y avait rien de spécial contre moi, assure Jalal Benalla. Ils ne sont pas venus pour moi, ils sont venus pour Angers. » Une version à l’opposé de celle du directeur juridique du club angevin, Pierry Fumanal. Lors d’une conférence de presse organisée le 4 janvier, au lendemain de la deuxième perquisition, ce dernier affirmait que Benalla était l’une des deux personnes visées, avec l’ancien directeur juridique Valentin Harribey (licencié pour fautes graves début novembre), comme le rappelle un article d’Ouest-France publié début avril. Contacté, Pierry Fumanal n’a pas répondu à nos sollicitations.

Un entourage bien encombrant pour le jeune attaquant

Benalla, ancien judoka de l’équipe de France puis sparring-partner de Teddy Riner, nie toute implication dans les transferts du SCO. « J’étais plus sur la préparation physique, la nutrition, l’accompagnement, tout ce qui a rapport à la performance », assure-t-il. Il affirme également qu’il ne fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire depuis qu’il a été entendu par les policiers. Selon nos informations, il a pourtant bien été convoqué le 6 avril pour une audience de fixation devant la 15e chambre du tribunal correctionnel, prévue le 7 juin prochain.

Dans son livre Ce n’est pas que du football, paru en 2022, le président du Stade de Reims Jean-Pierre Caillot a pour sa part décrit par le menu l’entourage compliqué de Brahimi, avec lequel Julien Fournier et l’OGC Nice ont dû avoir à traiter. Les mots du président rémois sont intéressants ici pour comprendre l’environnement de Billal Brahimi et la manière dont ses conseillers fonctionnent. Il évoque ainsi « un garçon pétri de talent, mais dont les agents sont difficilement contrôlables ». « Quand le temps de jeu n’est pas en adéquation avec leurs attentes, c’est harcèlement et menaces. On est obligé de leur demander une porte de sortie, d’où ce transfert à Angers », poursuit-il. Malgré de nombreuses relances, le club de Reims et son président n’ont pas souhaité répondre à nos demandes d’informations complémentaires.

La réputation « très, très sulfureuse » de Fournier

Selon l’entourage du coach parisien, le début des problèmes de Galtier avec son vestiaire pour des questions possiblement liées au ramadan, lors la deuxième partie de saison dernière, correspond exactement au moment où la relation s’est tendue avec Fournier à cause de l’épisode Brahimi. « Fournier avait la main sur un certain nombre de joueurs qu’il avait fait venir avant Christophe et, par le plus grand des hasards, c’est au moment où celui-ci a demandé la tête de Fournier à Ineos que ça a commencé à se tendre entre lui et une partie de ses joueurs », décrypte un intime de « Galettte », précisant que, « dans le milieu, la réputation de Fournier est, très, très sulfureuse ».

C’est aussi ce qu’a laissé entendre la semaine dernière l’actuel coach de Brest Eric Roy, ancien directeur sportif et entraîneur du Gym. « Je connais bien les deux protagonistes pour avoir joué avec l’un (Galtier) et travaillé avec l’autre (Fournier), le lanceur d’alerte. C’est moi qui l’ai fait venir à l’OGC Nice et je connais ses méthodes, a-t-il déclaré. Je ne suis pas surpris que Christophe Galtier, s’il a été en conflit avec lui, se retrouve au milieu d’une telle affaire. Connaissant les deux personnages, je mettrai donc plus un doute sur le lanceur d’alerte. » Très discret depuis que l’affaire a éclaté, Julien Fournier ne tient peut-être pas non plus à ce que l’on s’attarde sur certains vieux dossiers.