Suisse

Huit choses à retenir de ces élections fédérales 2023

Gerhard Pfister, le président du Centre, a vécu un dimanche électoral faste: son parti dépasse pour la première fois de son histoire le PLR et devient la troisième force politique du pays derrière l’UDC et le PS. Peter Klaunzer/Keystone

L’écologie politique à la peine, la migration comme moteur du succès de l’UDC, Le Centre pour la première fois devant le PLR en termes de sièges*: voici les principaux enseignements à tirer de ce dimanche électoral. Notre analyse.

Ce contenu a été publié le 23 octobre 2023 – 08:26




les critiquesLien externe de la Commission fédérale contre le racisme. Reste que ce discours très clair a eu un effet mobilisateur auprès de la base du parti en cette période d’insécurité sur le plan international.

L’UDC a également trouvé en Elisabeth Baume-Schneider, la nouvelle ministre socialiste en charge de l’immigration, un bouc émissaire idéal. Cette tactique gagnante et déjà plusieurs fois expérimentée par le passé permet à l’UDC d’effacer sa défaite de 2019 et de se rapprocher à nouveau ce dimanche de son niveau record de 2015.

3) Le PLR n’a pas su convaincre sur l’immigration

Sous le slogan «ferme, mais juste», le Parti libéral-radical (PLR / droite) a également fait de la politique migratoire l’un de ses thèmes prioritaires durant la campagne électorale. Contrairement à l’UDC, le PLR a insisté sur la nécessité de maintenir la libre circulation des personnes pour attirer une main-d’œuvre européenne qualifiée, tout en martelant vouloir lutter contre le «tourisme social» et le «chaos de l’asile»Lien externe.

Avec cette prise de position et des attaques étonnamment virulentes à l’égard d’Elisabeth Baume-Schneider, le PLR ne voulait pas laisser le champ libre à la droite isolationniste sur cette thématique. Reste que les électeurs et électrices ont visiblement accordé davantage de crédibilité aux solutions proposées par l’UDC.

En cette période de plein-emploi, le PLR n’a pas non plus pu compter sur un autre thème mobilisateur fort. Quant à la mauvaise gestion de Credit Suisse, rachetée par sa rivale UBS, elle a certainement contribué à prétériter l’image des libéraux-radicaux, historiquement très liés à la place financière helvétique.

Résultat: le parti fondateur de la Suisse moderne perd quelques plumes lors de ces élections et ne réussit pas à inverser la tendance à la baisse sur le long terme. Alors qu’il séduisait encore près d’un quart de l’électorat au début des années 1980, le PLR ne convainc aujourd’hui qu’un peu plus d’un électeur sur 7. 

>> Les résultats détaillés de l’élection au Conseil national et au Conseil des Etats:

4) Le Parti socialiste n’a profité que légèrement du mécontentement social

Pour sa campagne électorale 2023, le Parti socialiste est revenu à ses bases: la lutte pour le pouvoir d’achat des ménages. Le retour de l’inflation et l’annonce d’une nouvelle hausse substantielle des primes de l’assurance maladie tout juste un mois avant les élections fédérales ont remis les thématiques sociales au cœur des enjeux. Le PS a ainsi pu récupérer quelques voix aux Vert-e-s dans le camp de la gauche.

Mais alors que les primes d’assurance maladie sont à nouveau le premier thème de préoccupation des Suisses, devant l’immigration, le PS n’a, finalement, profité que marginalement du mécontentement qui gronde chez une partie des électeurs et électrices de la classe moyenne. 

Contrairement à l’UDC sur la question de l’immigration et aux Vert-e-s sur celle du réchauffement climatique, le Parti socialiste n’est en effet pas forcément considéré comme la force politique la plus compétente dans le domaine complexe de l’assurance-maladie.

Dans un pays qui mise beaucoup sur la liberté individuelle, les propositions pour une caisse maladie unique et des primes selon le revenu sont considérées comme une étatisation excessive par la majorité des électeurs et électrices. Le PS est certes prophète au sein de la gauche, mais peine toujours à recruter au-delà de ses terres traditionnelles.

5) La poussée du Centre remet la formule magique en question

Même si tout ne s’en trouve pas bouleversé, il s’agit d’un moment important de la politique suisse: Le Centre dépasse le PLR au Conseil national sur la base du nombre de sièges et devient la troisième force politique du pays. Il pourrait donc légitimement prétendre à un deuxième siège au Conseil fédéral. C’est ce que prévoit la formule magique pratiquée depuis 1959, selon laquelle les trois plus grands partis détiennent chacun deux sièges au sein du gouvernement suisse, et le quatrième un siège.

Le ministre des Affaires étrangères suisse, Ignazio Cassis, lanterne rouge dans le classement de la popularité des conseillers fédéraux, ne doit pas pour autant trembler pour son mandat. Un principe veut que les membres du Conseil fédéral en fonction ne soient pas destitués; cette règle non écrite n’a été enfreinte que trois fois au cours des 175 dernières années.

Le PDC, dont Le Centre est l’émanation, en a d’ailleurs lui-même profité il y a quatre ans, quand les Vert-e-s l’ont dépassé de justesse en nombre de voix. En 2021, le PDC a fusionné avec le PBD sous le nouveau nom du Centre et a redressé les comptes.

Une chose est sûre: dans la constellation actuelle, Le Centre va se montrer encore plus entreprenant et s’établir comme la force politique incontestée au centre de l’échiquier politique. Sous la direction de son président Gerhard Pfister, il s’est débarrassé de sa proverbiale discrétion passée.

Au Conseil national, il reste un partenaire de coalition important du PLR et de l’UDC, qui n’ont pas de majorité à eux deux. Au Conseil des États, il devrait demeurer la force la plus importante à l’issue du deuxième tour qui aura lieu dans plusieurs cantons au mois de novembre. 

6) Malgré les crises mondiales, ces élections n’ont pas attiré la foule aux urnes

La Suisse, démocratie modèle, est fatiguée de la politique. C’est ainsi que l’on pourrait analyser le taux de participation à ces élections. Avec un taux de 46,6%, la participation à ces élections est certes légèrement supérieure à celles de 2019 (45,1%). Mais comme toujours au cours des dernières décennies, plus de la moitié des électeurs et électrices ne se sont pas rendus aux urnes. Ceci à une époque où les crises ne cessent de se succéder à travers le monde.

Comment expliquer ce silence de la majorité de l’électorat? La cause principale de l’abstention se trouve peut-être dans l’inertie inhérente au système suisse. Lorsqu’un parti gagne 3 points de pourcentage, cela est presque considéré comme un séisme politique. Or, les rapports de force restent presque toujours inchangés. A fortiori au gouvernement, un bastion de stabilité.

Et si le Parlement, qu’il soit un peu plus à gauche ou un peu plus à droite, s’aventurait à prendre une décision déplaisante, les abstentionnistes estiment qu’ils pourraient toujours le rappeler à l’ordre par référendum.

>> Un regard extérieur sur ces élections fédérales:

7) Le grand débat d’idées n’a pas eu lieu

La campagne électorale est restée loin des coûts d’éclat politiques ou des anthologiques passes d’armes qui s’observent à l’étranger. Les partis ont déroulé leur programme en s’appuyant sur leurs sujets de prédilection, sans trop empiéter sur les plates-bandes de leurs adversaires. Il n’y a pas non plus eu de véritables débats de fond sur les grands thèmes politiques du moment. La chute de Credit Suisse et les relations avec l’Union européenne ont été absents de la campagne.

Ce n’est toutefois pas une exception, mais plutôt la règle dans la paisible Suisse. Hormis des débats animés en 2015 autour de l’immigration et en 2011 à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima, les campagnes sont souvent fades. Une caractéristique inhérente à la démocratie directe helvétique: des votations populaires fédérales ayant lieu quatre fois par année, les partis bénéficient de nombreuses autres occasions d’expliquer leurs positions sur différents sujets.

Reste que, comme tous les quatre ans, cette campagne électorale a permis aux partis de créer du lien avec les citoyens et citoyennes. Chaque candidat a dû donner de sa personne et serrer des centaines voire des milliers de mains pour espérer pouvoir conserver ou conquérir un siège à Berne. Un moment somme toute rare et précieux, y compris dans une démocratie helvétique souvent érigée en modèle de proximité entre le peuple et ses représentants.

8) La Cinquième Suisse, un électorat de plus en plus courtisé

Plus de 220’000 Suisses de l’étranger sont inscrits sur un registre électoral. De plus en plus d’expatriés reviennent un jour au pays. En ce sens, il est légitime qu’ils participent aux votations et aux élections.

Cet électorat croît rapidement: il a plus que triplé au cours des 30 dernières années et a atteint une taille qui lui permettrait théoriquement d’occuper six sièges au Conseil national. Les partis se disputent donc de plus en plus les voix des Suisses de l’étranger. Le PS, l’UDC, le PLR et Le Centre sont actifs depuis longtemps auprès de la diaspora et possèdent des sections internationales. Celles-ci ont déjà permis par le passé à certains candidats d’obtenir les voix nécessaires à leur élection.

Le Parti vert’libéral est le dernier des six grands partis à avoir créé une section internationale en vue de ces élections. Un choix dicté par le fait que le profil politique des Suisses de l’étranger correspond en grande partie à celui du dernier né des partis helvétiques: ils sont en moyenne progressistes sur le plan écologique, défendent une société libérale et une politique étrangère ouverte.

Comme les Suisses de l’étranger votent davantage en fonction de valeurs, ils sont peut-être aussi plus fidèles à un parti. En cette année électorale, ils ont donc fait l’objet d’un bon nombre d’interventions au Parlement. Il y a même eu un véritable sprint final lors de la session parlementaire d’automne pour gagner leurs faveurs.

* Cet article a été légèrement remanié le 25 octobre, après que l’Office fédéral de la statistique (OFS) a corrigé les résultats en % des voix obtenus par chaque parti à l’élection au Conseil national. La répartition des sièges reste inchangée 

Édité par Mark Livingston

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