France

Paris : « Je renouvelle ma demande d’excuse »… Un homme jugé en appel pour un meurtre dans une station de lavage

« Approchez-vous du micro et articulez, on ne vous comprend pas ! » La présidente de la cour d’assises d’appel de Paris, Frédérique Aline, a bien du mal, ce mercredi, à entendre l’accusé dans son box. Aous Trabelsi prend le micro que lui tend l’huissier et l’approche aussi près que possible de sa bouche. Agé de 33 ans, il a été condamné le 18 mai 2022 à quinze ans de prison pour avoir tué un automobiliste avec lequel il s’était disputé au sujet d’une place dans la file d’attente d’une station de lavage. S’il ne conteste pas les faits, cet homme tout de noir vêtu, fine barbe et cheveux, estime que la peine prononcée est « démesurée » et a interjeté appel de la décision. Il se tourne vers le banc des parties civiles, où sont assis l’épouse, le frère et le neveu de la victime, Amadou Bah. « Je renouvelle ma demande d’excuse », leur lance-t-il d’une voix tremblotante.

Après avoir tiré au sort les neuf jurés qui décideront de la peine, la présidente rappelle les faits. Ce 11 février 2020, vers 15 heures, Aous Trabelsi se rend dans une station-service Total, avenue de Paris, aux Lilas (Seine-Saint-Denis), pour faire laver sa voiture, une BMW série 1 qu’il s’est décidé à vendre. Dans la file, il dépasse le véhicule de la victime, un chauffeur de VTC de 35 ans, qui est rentré dans la station pour acheter un ticket. Lorsqu’il en sort, il constate s’être fait doubler par l’accusé. Entre les deux hommes, le ton monte. Des coups sont échangés. Ils sont séparés une première fois par des témoins. Quelques minutes plus tard, une seconde altercation éclate. Aous Trabelsi se retourne vers Amadou Bah, sort le petit couteau qu’il garde avec lui et porte un coup au niveau de l’abdomen de la victime qui s’écroule.

« Je n’ai jamais été violent »

L’accusé, lui, prend la fuite en voiture. Grâce au numéro de sa plaque d’immatriculation, il est rapidement identifié par les enquêteurs qui se rendent dans la soirée à son domicile, à Romainville. Mais l’homme ne s’y trouve pas. Il est passé plus tôt dire à sa compagne enceinte de 5 mois qu’il avait fait « une grosse connerie ». Puis, il s’est allé chez un copain à lui où il a déposé un sac contenant notamment l’arme du crime. Enfin, il s’est rendu chez son avocat, à Paris, et a été interpellé par les policiers lorsqu’il est sorti de son cabinet. En garde à vue, il apprend que la victime, un réfugié politique guinéen arrivé en France en 2010, est décédée. « Sa femme et ses deux enfants s’apprêtaient à le rejoindre dans le cadre d’un regroupement familial », souligne la présidente.

Devant le juge d’instruction, ce père de deux enfants jure qu’il a voulu se « défendre » et qu’il n’a pas souhaité « faire de mal » à la victime. S’il a pris dans sa main un couteau, c’était simplement pour « impressionner » Amadou Bah. Mais ce dernier s’en serait pris à lui, et le coup serait alors parti. Le magistrat instructeur ne retient pas la légitime défense et le renvoie devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour meurtre. Il est finalement condamné à quinze ans de prison pour violences volontaire avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner en état de récidive légale. Une décision dont il a fait appel. « Je ne comprends pas la récidive légale, explique-t-il à la présidente. Je n’ai jamais été violent, je n’ai jamais tué personne auparavant. »

« Speed hair man »

La magistrate lui fait remarquer qu’il a deux anciennes condamnations inscrites à son casier judiciaire, toutes deux en lien avec les stupéfiants. « Ce sont des faits punis d’au moins dix ans de prison », reprend Frédérique Aline, ajoutant qu’il s’agit de « l’application de la loi ». Ce Tunisien, arrivé en France en 2010, a été mêlé par deux fois à des trafics de crack et a écopé de quelques mois de prison avec sursis. « J’avais des mauvaises fréquentations, assure-t-il. Je me suis fait interpeller, heureusement, car ça m’a remis sur le droit chemin. » Par la suite, il enchaîne les petits boulots, met un peu d’argent de côté et ouvre un salon de coiffure, nommé Speed hair man.

Aous Trabelsi rencontre sa compagne en 2016 et se marie religieusement avec elle à Rennes. Quelques mois après, il s’associe avec un ami, « embauche trois Chinois » et transforme son salon de coiffure en restaurant de sushis en livraison. Mais à l’époque, il est en situation irrégulière sur le territoire. « Sur le papier, le gérant c’était la femme de mon associé. » En janvier 2020, il se décide à vendre son commerce pour se lancer comme chauffeur VTC. « Je connais des gens qui gagnaient plus d’argent que moi en faisant moins d’effort », affirme l’accusé. La vente de son commerce lui rapporte 35.000 euros qu’il partage avec son associé. L’assesseur lui demande ce qu’il a fait de cet argent. « Les avocats, ça coûte cher », souffle-t-il.

Art martial brésilien

Quelques mois avant le drame, Aous Trabelsi avait commencé à pratiquer un art martial brésilien dans une salle du 20e arrondissement de Paris. « Je n’y allais pas souvent », clame-t-il. Il avait notamment appris à manier « des couteaux en plastique ». Mais « je ne suis pas violent, je suis pacifique », poursuit-il. Concernant sa consommation ancienne de cannabis, il explique avoir arrêté d’en fumer récemment durant sa détention. En prison, il ne « pose pas de problème », dit-il. Son procès se tient jusqu’au jeudi 13 avril. L’accusé encourt la réclusion criminelle à perpétuité.