France

Mont-Blanc, acte militant… L’affaire Christophe Profit ou les pieux de la discorde

Jeudi 20 avril, Christophe Profit était jugé devant le tribunal correctionnel de Bonnevilleen Haute-Savoie, pour le vol de deux pieux sur l’un des passages permettant l’ascension du Mont-Blanc. Un acte militant qu’il revendique au nom de la « liberté de bivouac de l’alpinisme ». Mais le sujet fait débat. 20 Minutes fait le point.

Qui est Christophe Profit ?

Agé de 62 ans, Christophe Profit, ancien membre du GMHM (Groupe militaire de haute montagne), est l’un des plus célèbres alpinistes français. Il s’est fait connaître en 1982 par son ascension en solitaire d’une paroi de 900 mètres sur la face ouest des Drus, dans le massif du Mont-Blanc. Ou encore pour son ascension hivernale des trois faces nord des Alpes les plus réputées : L’Eiger, le Cervin et les Grandes Jorasses.

Il a aussi fait partie des grands noms de l’alpinisme qui avaient difficilement ouvert des voies glacières au-dessus de 3.850 mètres, entre 1980 à 1985. Il est aujourd’hui membre de la compagnie des guides de Chamonix.

Pourquoi a-t-il été jugé ?

L’alpiniste était poursuivi pour le vol, en juin et juillet 2022, de quatre pieux sur l’une des voies permettant l’ascension du Mont-Blanc, dont deux sur le territoire français. Disposés autour d’une crevasse formée sur l’arête des Bosses, à la suite d’un glissement du glacier, ces piquets de fer avaient pour objectif de sécuriser l’ascension et sécuriser le passage délicat. C’est la compagnie des guides de Saint-Gervais et de Chamonix, dont fait partie Christophe Profit, qui les avait installés.

Après les avoir arrachés, l’homme avait envoyé un mail au maire de la commune de Saint-Gervais pour revendiquer son geste. Une provocation à laquelle le maire Jean-Marc Peillex a immédiatement répondu en déposant plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui » et « vol ». La première qualification n’a toutefois pas été retenue par le parquet.

Pourquoi a-t-il arraché ces pieux ?

Si l’alpiniste récuse le terme de « vol », il préfère mettre en avant un acte militant et « politique » : « J’ai retiré ces pieux pour éviter que des alpinistes amateurs sans expérience puissent prendre des risques inutiles, alors qu’il y avait un itinéraire alternatif possible », a-t-il justifié à la barre. A savoir « un chemin très facile qui monte doucement » et qui aurait permis d’éviter le passage en question. L’homme a précisé avoir informé les guides de haute montagne et les maires de Saint-Gervais et de Chamonix de cette « variante ». Sauf que ces courriers sont restés sans réponse.

Selon lui, l’installation de ces équipements était susceptible « d’encourager tout le monde à emprunter ce passage » et ainsi voir « 200 personnes chaque jour sur cette pente raide où il est difficile de se croiser », confiait-il au Dauphiné Libéré avant le procès. L’essence même de l’alpinisme, a-t-il rappelé, c’est de pouvoir suivre divers chemins en s’adaptant aux aléas de la montagne. Mais cette perception de la pratique de l’alpinisme n’est pas partagée par tous, à commencer par le maire de Saint-Gervais, dénonçant « une vision élitiste de la montagne ».

« La sécurité est quelque chose d’essentiel, surtout quand il y a de plus en plus de personnes dans la nature. Moi, j’ai fait mon job, j’ai fait ce que m’ont demandé les guides et ce n’est pas parce que l’on sécurise un endroit avec une crevasse de 16 mètres de haut qu’on augmente la fréquentation. On améliore la sécurité », rappelle-t-il dans les colonnes de la Croix.

Jeudi, Anne-Sophie Vilquin, la présidente du tribunal correctionnel, n’a pas souhaité rentrer dans le débat. Mais elle a estimé qu’il « n’est pas acceptable qu’un homme s’arroge le droit d’imposer sa propre vision du métier de guide et de l’alpinisme au mépris de toutes les autres », avant de requérir 4.000 euros d’amende, dont 3.000 euros avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au 5 juin.