France

Sainte-Soline : Les marqueurs chimiques sur les manifestants de retour dans le débat

Les techniques de maintien de l’ordre et d’interpellation à Sainte-Soline sont toujours sous le feu des critiques. La manifestation anti-bassine qui s’est déroulée le 25 mars dernier a été le théâtre de violents affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants, et s’est terminée par deux personnes dans le coma côté contestation, dont un est toujours entre la vie et la mort, et 61 gendarmes blessés, selon Gérald Darmanin.

Parmi les personnes interpellées présentes à Sainte-Soline, deux ont été arrêtées par les autorités bien après la manifestation, avait annoncé le parquet de Niort le 27 mars, « à la suite de la découverte de produit de marquage codant ». Une technique qui était déjà apparue lors du mouvement des « gilets jaunes ».

Que s’est-il passé à Sainte-Soline ?

L’une des deux personnes interpellées grâce à ces produits de marquage codés (PMC) est un journaliste. Il a été placé en garde à vue pendant 28 heures sur la base de ces produits marquants à la suite d’un contrôle de gendarmerie le 26 mars, soit le lendemain de la manifestation. Il a confié à France Culture avoir été passé au détecteur lumineux. Le recours aux PMC à Sainte-Soline avait également été relevé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), qui évoquait l’utilisation d’ « au moins un fusil à type produit marquant ».

« Ce dispositif a été employé de manière limitée à Sainte-Soline dans le secteur où les gendarmes étaient la cible des violences les plus graves. Il a donné lieu à ouverture d’enquêtes judiciaires réalisées sous la direction et le contrôle d’un magistrat », a confirmé la gendarmerie.

C’est quoi ces produits de marquage ?

Les PMC sont des substances décrites comme inodores, incolores et non toxiques, pour repérer les personnes présentes lors de cette manifestation contre une retenue d’eau artificielle qui a dégénéré le 25 mars. « Par « invisible » il est entendu que les produits de marquage codés sont indétectables à l’œil nu, développe le site de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Ce n’est qu’une fois révélés sous une lampe spéciale, qu’ils émettent une fluorescence caractéristique détectable dans le domaine du visible. »

Il est alors possible d’identifier une personne des semaines plus tard. « Le marquage peut rester sur la peau pour plusieurs semaines, sur les cheveux pour six mois, et les habits sont quant à eux marqués à vie », explique au Figaro Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris.

A quoi servent ces PMC ?

Pour les professionnels comme des particuliers, ces produits servent notamment dans la lutte contre les contrefaçons ou les atteintes au bien comme lors des cambriolages. Dans le cadre du maintien de l’ordre, c’est Edouard Philippe et Christophe Castaner qui ont développé son utilisation. Une première expérimentation aurait été élaborée lors des manifestations du 1er mai 2018, rapportait L’Express.

Puis, en mars 2019, en pleine crise des « gilets jaunes », le Premier ministre de l’époque avait officiellement annoncé l’utilisation prochaine de « marquages codés » lors des manifestations. Le « marqueur transparent fait que quelques semaines plus tard, si l’enquête aboutit à penser que c’est vous qui êtes en responsabilité, que vous êtes interpellé, on va retrouver des traces », avait alors précisé le ministre de l’Intérieur. Après cette annonce du gouvernement de l’époque, aucune utilisation effective n’avait toutefois été remontée.

Pourquoi leur utilisation provoque-t-elle une polémique ?

Pour l’avocate du journaliste arrêté au lendemain du rassemblement à Sainte-Soline, Me Chloé Chalot, ce dispositif « pose évidemment des questions sur les libertés individuelles et l’identification des opposants politiques à un projet ». Me Chalot s’est dite « inquiète » d’un outil permettant aux forces de l’ordre « d’identifier ultérieurement les participants à un mouvement de liberté d’expression ». « Que fait-on de ces données, y a-t-il un fichier ? Se met-on à étiqueter les personnes ? », s’est-elle interrogée.

« Il y a une grande opacité sur le sujet. J’appelle les forces de l’ordre à plus de transparence. On ne sait quels produits sont utilisés ni comment ils sont utilisés », ajoutait à CheckNews cette fois l’avocat Thierry Vallat. Par ailleurs, comme le souligne Ouest-France, le marquage n’est pas très précis et peut alors toucher des personnes qui n’ont pas de lien avec les violences. Chloé Chalot assure ainsi que son client n’avait « pas pris part aux affrontements. »