France

Le Syndicat des eaux d’Île-de-France promet une eau sans pesticides grâce à une nouvelle technologie

Le timing est à propos. Le 6 avril dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail annonçait avoir détecté des taux de métabolite du chlorothalonil, un pesticide interdit depuis 2020, supérieurs au seuil réglementaire dans un prélèvement d’eau potable sur deux lors de sa dernière campagne nationale.

Deux semaines plus tard, le Syndicat des Eaux d’Ile-de-France (Sedif) lance, ce jeudi 20 avril, une grande consultation publique sur l’eau potable en Île-de-France. Si cette consultation est prévue depuis 2022, la concordance des deux événements tombe à pic pour les organisateurs.

Une eau de surface plus polluée que celle des nappes phréatiques

« Les résultats de l’Anses renforcent notre volonté d’améliorer la qualité de l’eau en Île-de-France » commente André Santini, Maire d’Issy-Les-Moulineaux (92) et président du Sedif. Car c’est bien là le sujet de cette consultation. Le syndicat souhaiterait lancer la transformation de ses trois usines de traitement d’eau potable en Île-de-France : Méry-sur-Oise (95), Choisy-le-Roi (94) et Neuilly-sur-Marne (93) afin de les équiper des dernières technologies en la matière.

Les 135 communes que couvre le territoire du Sedif ne peuvent s’abreuver qu’avec des eaux « de surface », de la Seine, la Marne et l’Oise. Des eaux issues de bassins versants, plus susceptibles de transporter les pesticides issus de l’agriculture, les résidus médicamenteux, les perturbateurs endocriniens et les micropolluants, que les eaux issues des nappes phréatiques.

La décantation lamellaire, première étape de l'assainissement, permet d'éliminer les résidus d'algues ou de matières qui stagnent dans l'eau prélevée dans l'Oise.
La décantation lamellaire, première étape de l’assainissement, permet d’éliminer les résidus d’algues ou de matières qui stagnent dans l’eau prélevée dans l’Oise. – R.Le Dourneuf / 20 Minutes

« L’eau potable fournie par le Sedif à ses quatre millions d’usagers est aujourd’hui d’excellente qualité selon les critères actuels malgré la matière brute de pauvre qualité que nous permettent nos ressources, très vulnérables, se félicite l’ancien ministre, mais les mesures indiquent que les trois usines actuelles ne peuvent retenir certains des nouveaux polluants, comme les pesticides et polluants éternels découverts récemment. »

Une nouvelle technologie capable de filtrer les particules de pesticides

Pour cela, le syndicat souhaite transformer ses usines pour les doter d’une nouvelle technologie issue de la filière membranaire. Enfin, pas tout à fait nouvelle puisque c’est déjà cette technologie qui équipe le site de Méry-sur-Oise depuis 1999. « L’eau est filtrée à travers des rouleaux composés de 28 membranes dont les pores ont un diamètre inférieur à un milliardième de mètre, c’est jusqu’à 100.000 fois plus fin qu’un cheveu », explique Sylvie Thibert, ingénieure Qualité de l’eau et gestion des risques sanitaires. Ces membranes piègent ainsi les particules indésirables. C’est la technique dite de « nanofiltration ».

Une technologie de pointe qui assure l’approvisionnement en eau potable de 800.000 personnes et qui intéresse à l’étranger : « Nous recevons régulièrement des visiteurs européens et asiatiques qui s’intéressent à cette technologie », confirme Adrien Richet, ingénieur filière haute performance, en charge de l’usine de Méry-sur-Oise.

L'eau doit passer au travers de 28 membranes enroulées qui la filtre.
L’eau doit passer au travers de 28 membranes enroulées qui la filtre. – R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Mais ces membranes ont une espérance de vie de sept ans et les dernières utilisées expirent en 2025. Or, la filière membranaire a réussi à améliorer ce principe grâce à la technique de l’Osmose inversée basse pression (OIBP). Sans entrer dans un fastidieux, mais intéressant, développement, il s’agit de la même technique mais les pores des membranes sont encore plus petits (jusqu’à mille fois plus fin) et permettraient de filtrer de 80 à 99% les molécules des nouveaux polluants constatés dernièrement, dont le chlorothalonil.

Moins de calcaire pour l’électroménager, moins de goût « chloré » pour l’usager

Mais pas seulement. Outre l’amélioration de la qualité de l’eau, l’OIBP améliorerait également la dureté de l’eau, en réduisant de 2,5 à 3 fois la teneur en calcaire et permettrait de limiter l’utilisation du chlore à une infime quantité, imposée par l’Agence régionale de santé (ARS), à titre préventif (Élimination totale de traces de matière organique et de virus).

Des avantages non négligeables sur la durée de vie des appareils d’électroménagers et une amélioration significative du goût de l’eau selon les membres du Sedif. « Nous avons dépanné nos amis de Cergy-Pontoise lors de travaux récents sur leur propre réseau et depuis les habitants ont demandé à retrouver notre eau estimant qu’elle avait meilleur goût », s’enorgueillit Pierre-Edouard Éon, Maire de Méry-sur-Oise et vice-président du Sedif.

Si l’usine du Val-d’Oise n’a pas d’autre choix que de passer à la technologie supérieure, l’actuelle n’étant plus proposée par les fabricants, le syndicat souhaiterait en profiter pour transformer les deux autres usines, de Choisy-le-Roi et de Neuilly-sur-Marne qui utilisent encore la filière conventionnelle. Des améliorations qui coïncideraient avec le nouveau contrat de délégation, actuellement avec Veolia, qui doit débuter en 2025 pour une durée de 12 ans.

Une note salée…

Bien entendu, ce gap technologique a un coût, et non des moindre. Selon le Sedif, la facture totale s’élèverait à 870 millions d’euros. Le gros de la note serait dédié à la construction des nouvelles usines à Choisy-le-Roi (environ 377 millions d’euros) et de Neuilly-sur-Marne (373 millions d’euros). Les dix millions restants serviraient au changement de membranes à l’usine de Méry-sur-Oise.

C’est l’une des principales raisons de cette consultation, sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Si l’objectif premier avancé par le Sedif est d’informer la population de ces transformations et de répondre aux questions et inquiétudes, le syndicat concède également que la consultation est imposée : « La CNDP impose un débat public pour tout projet d’équipement industriel d’un montant supérieur à 300 millions d’euros », explique André Santini. Quoiqu’il en soit, cette consultation n’inclut pas d’aspect contraignant « comme ce fut le cas pour les trottinettes à Paris », précise l’élu.

…Mais compensée

Selon le Sedif, la somme investie serait avancée par le nouveau concessionnaire et amortie sur les quarante prochaines années et bien sûr répercutée sur la facture des usagers : « Il s’agirait d’une augmentation de 30 à 40 centimes par m3, soit entre 3 et 4 euros mensuels par foyer », avance Luc Strehaiano, Maire de Soisy-sous-Montmorency (95) et vice-président du syndicat.

Un coût supplémentaire pour les Français, déjà touchés par l’inflation, mais qui sera vite compensé selon le Sedif qui avance les chiffres du cabinet IEIC d’une économie de 124,6 euros en moyenne par foyer en raison des économies réalisées en consommation d’énergie et de durée de vie, d’achat de produits d’entretien, de bouteilles d’eau et d’adoucissant.

Tous les travaux devraient commencer en 2027. S’il ne faudra que quelques semaines à l’usine de Méry-sur-Oise pour remplacer ses membranes, les deux autres usines devraient être terminées et mises en service entre 2030 et 2032.