Suisse

Micheline Calmy-Rey: «J’aurais aujourd’hui beaucoup de mal à gouverner le Kosovo»

Micheline Calmy-Rey lors d’un discours à Lausanne en 2021. L’ancienne ministre suisses des Affaires étrangères s’exprimait sur son thème de prédilection: la neutralité active. Keystone / Salvatore Di Nolfi
Série Le Kosovo en Suisse, la Suisse au Kosovo, Épisode 3:

Entre 2003 et 2011, l’ancienne conseillère fédérale socialiste Micheline Calmy-Rey a impulsé une politique active aux Affaires étrangères helvétiques. Dans une interview à swissinfo.ch, elle revient sur cette période où, avec la déclaration d’indépendance du Kosovo, le continent a vu naître son plus jeune État.

Ce contenu a été publié le 19 novembre 2023 – 08:45




une centaineLien externe à avoir franchi le pas.

Albin Kurti est le Premier ministre du Kosovo depuis 2021. Copyright 2023 The Associated Press. All Rights Reserved.

Que pensez-vous du chef du gouvernement Albin Kurti? Son mouvement Vetëvendosje se présente comme un contre-pied aux partis politiques qui dominaient jusqu’ici le Kosovo.

J’ai bien travaillé avec tous les interlocuteurs du Kosovo, qu’il s’agisse d’Albin Kurti, de Hashim Thaçi ou d’autres.

L’ex-chef du gouvernement Hashim Thaçi est jugé à La Haye pour de possibles crimes contre les droits de l’homme. Quelle a été votre expérience en tant que ministre des Affaires étrangères avec lui?

Je ne me permets pas de jugement sur mes interlocuteurs politiques. Il était Premier ministre du Kosovo. Il connaissait très bien la Suisse, son suisse allemand est également très bon.

La personnalité politique qui m’a le plus impressionnée au Kosovo est le président pacifiste Ibrahim Rugova, le père de l’indépendance. Sous l’égide des Nations Unies, dans les années 2000, j’ai eu beaucoup de satisfaction à travailler avec les interlocuteurs du Kosovo. Cela a bien fonctionné.

La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey et le président kosovar Ibrahim Rugova lors d’une conférence de presse commune à Priština, capitale du Kosovo, le 1er août 2005. Keystone / Visar Kryeziu

Aujourd’hui, avec le nouveau contexte géopolitique, où se situent les défis du Kosovo?

Je dirais que la guerre en Ukraine a changé la donne. Les pays des Balkans occidentaux ont pris davantage d’importance sur le plan stratégique. Et ces pays sont des États jeunes, leur relation avec la Russie est asymétrique et pas toujours simple.

Dans ce contexte, le Kosovo a besoin de la reconnaissance d’autres États pour accéder aux organisations internationales. Il souhaite être membre de l’Union européenne et de l’OTAN, l’alliance de défense.

Le gouvernement suisse s’est prononcé en faveur d’une indépendance formelle du Kosovo en 2005 déjà.

Oui, nous avons commencé très tôt, quelques années après la guerre, à aborder la question du statut du Kosovo. La Suisse a été le premier pays à considérer son indépendance.

La situation apparaissait compliquée. La position internationale était que le Kosovo devait d’abord satisfaire aux standards internationaux en matière de droits humains et de gouvernance.

Pour la partie kosovare, cela semblait difficile; il n’y avait alors ni gouvernement ni État.

Au nom de la Suisse, nous nous sommes prononcés pour une nouvelle approche: clarifions d’abord le statut du pays et au moment où un gouvernement kosovar entamera son travail, nous pourrons le juger à l’aune de sa responsabilité en matière de droits humains.

Ce fut la déclaration de la Suisse au Conseil de sécurité de l’ONU. C’est alors qu’ont commencé les discussions sur l’indépendance du Kosovo dans le cadre des Nations Unies.

La Suisse a donc joué un rôle important. Elle avait aussi intérêt à ce que le Kosovo soit indépendant.

Pourquoi?

Du fait de l’importante communauté kosovare dans le pays. Après l’Allemagne, c’est en Suisse que vit la plus grande part de la diaspora kosovare – cela en fait naturellement, rapportée à la population, une communauté beaucoup plus importante en Suisse qu’en Allemagne. Il était de notre intérêt que les tensions s’apaisent dans les Balkans occidentaux.

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