Suisse

«Je ne veux pas sacrifier la prospérité du pays juste pour avoir bonne conscience»

Michael Graber est membre de l’Union démocratique du centre et siège au Conseil national (chambre basse du parlement) depuis 2021. © Keystone / Alessandro Della Valle

La nouvelle loi sur le climat aura un prix exorbitant pour la Suisse mais son impact au niveau planétaire sera quasiment nul. C’est ce qu’affirme Michael Graber, député de l’Union démocratique du centre, qui plaide pour son rejet dans les urnes le 18 juin. Entretien.

Ce contenu a été publié le 26 avril 2023




La transition énergétique de la Suisse se décide dans les urnes

Michael Graber, membre de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) à la Chambre du peuple (Conseil national), est co-président du comité qui a lancé avec succès un référendum contre la nouvelle loi.

swissinfo.ch: La Suisse est particulièrement touchée par le changement climatique et les températures y augmentent deux fois plus vite qu’en moyenne mondiale. Pourquoi s’opposer à une loi qui prévoit de renoncer aux énergies fossiles, qui sont l’une des causes principales du réchauffement climatique?

Michael Graber: Tout d’abord, il faut rappeler que la loi est un contre-projet à l’initiative sur les glaciers, qui a été promue par des personnes issues de milieux écologiques ayant des vues extrémistes sur le climat et l’environnement. Elle n’est pas le résultat d’un large consensus au sein de la société.

Le changement climatique existe et est également influencé par l’homme. Toutefois, la nouvelle loi sur le climat n’aura aucune incidence sur le réchauffement de la planète, puisque la Suisse n’est responsable que de 0,1% des émissions mondiales de CO2. La Chine, par exemple, émet en une demi-journée ce que la Suisse émet en une année. Je me demande quel est l’intérêt d’une loi qui nous fera dépenser beaucoup d’argent, mais qui n’aura pratiquement aucun effet au niveau mondial.

Si nous voulons renoncer aux combustibles fossiles, nous devrons remplacer l’essence et le diesel par de l’électricité. Or, aujourd’hui déjà, il n’y en a pas assez et le gouvernement fédéral a lancé une campagne pour réduire la consommation d’électricité.

Votre parti se bat pour l’indépendance et la protection du modèle suisse de démocratie directe. Mais en important de grandes quantités de gaz et de pétrole, ne risquons-nous pas d’être dépendants de pays autoritaires, souvent peu respectueux des droits humains?

Pour le gaz, nous sommes en partie dépendants de la Russie, c’est indéniable, et la situation a été compliquée par les sanctions contre Moscou. Mais le problème existait déjà avant la guerre. La cause de notre dépendance réside dans la stratégie énergétique 2050 du gouvernement fédéral, qui prévoit l’abandon progressif de l’énergie nucléaire et la production d’une partie de notre électricité par des centrales à gaz.

La seule source pour laquelle nous sommes indépendants sur le plan énergétique est l’énergie hydraulique. En ce qui concerne l’énergie nucléaire, nous pourrions réduire notre dépendance vis-à-vis des pays autoritaires, par exemple, en achetant de l’uranium au Canada. En revanche, si nous devions nous concentrer sur l’énergie solaire, nous devrions nous tourner vers le principal producteur, la Chine, un pays qui n’est pas vraiment connu pour sa démocratie.

Quel sera selon vous l’impact de la loi sur le climat sur l’indépendance énergétique de la Suisse?

La loi ne dit rien sur l’indépendance énergétique. Elle est très perfide à cet égard, car elle ne fait que définir des objectifs, mais ne dit pas comment on va les atteindre. La seule chose que l’on sait, c’est que la réalisation de ces objectifs avec la technologie dont nous disposons coûtera un prix exorbitant.

Selon une étude du groupe de conseil en stratégie Boston Consulting, près de 400 milliards de francs devront être investis pour que la Suisse atteigne la neutralité climatique d’ici 2050. Et selon une étude de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, les coûts énergétiques par habitant pourraient passer de 3000 à 9600 francs par an.

Plus de 130 pays dans le monde, dont ceux de l’Union européenne et les États-Unis, ont annoncé leur intention d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 ou 2060. Pourquoi la Suisse ne ferait-elle pas de même, sachant qu’un niveau d’émissions nettes nulles est essentiel pour atteindre les objectifs climatiques adoptés au niveau international?

L’Accord de Paris sur le climat, qui n’a jamais été soumis au vote populaire, ne parle pas de neutralité climatique. Il stipule seulement que l’augmentation de la température moyenne mondiale d’ici 2100 doit être maintenue en dessous de 2 degrés Celsius.

Les techniques actuelles doivent être améliorées et les émissions réduites, cela va de soi. Cependant, je ne comprends pas pourquoi la Suisse devrait être le premier pays à inscrire la neutralité climatique dans une loi, avec le risque que d’autres lois contenant des interdictions suivent à l’avenir, peut-être sur la consommation de viande. Je le répète: la loi est un contre-projet à une initiative populaire, pas une obligation internationale.

Si l’on considère également les émissions liées aux importations, les investissements de la place financière dans les énergies fossiles et l’impact climatique des entreprises internationales basées en Suisse, la Suisse se situe dans la catégorie des «poids lourds» avec des pays comme le Japon ou le Brésil, selon une étude du cabinet de conseil McKinsey. Est-il justifié de ne rien faire?

Les émissions indirectes de la Suisse sont élevées parce que nous sommes un pays qui a des liens partout dans le monde grâce à notre secteur financier et bancaire. L’alternative serait de devenir un pays du tiers-monde qui génère quelques émissions directes, mais pas d’émissions indirectes. Mais est-ce vraiment ce que nous voulons? Je ne veux pas sacrifier la prospérité du pays juste pour avoir la conscience tranquille.

«Nous devons mener une politique réaliste, de manière tempérée, sans nous laisser emporter par l’hystérie climatique»

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La Suisse a déjà entrepris beaucoup de choses sur une base volontaire. Depuis les années 1990, nous avons réduit les émissions de CO2 par habitant de plus de 30%. Cependant, toute la discussion sur le climat, l’accord de Paris, les objectifs climatiques, etc. concernent le pays et non les individus. L’année dernière, si l’on inclut le secteur de l’asile, la population suisse a augmenté de 200’000 personnes. Je me demande quel est l’intérêt de réduire les émissions par habitant lorsque la population augmente autant.

Nous devons mener une politique réaliste, de manière tempérée, sans nous laisser emporter par l’hystérie climatique, comme c’est le cas actuellement.

Le peuple suisse a décidé d’abandonner progressivement l’atome. Mais de nombreuses voix, tant à l’étranger qu’en Suisse, affirment que l’énergie nucléaire, en tant que source d’électricité peu ou pas polluante, ne peut être négligée dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’énergie nucléaire a-t-elle encore un rôle à jouer dans la crise climatique?

Si nous voulons produire suffisamment d’électricité sans générer d’émissions de CO2, tout en conservant une certaine indépendance énergétique, l’énergie nucléaire est certainement une option à considérer.

Jacqueline de Quattro, conseillère nationale du Parti libéral radical, explique pourquoi elle est favorable à la nouvelle loi sur le climat:

Traduit de l’italien par Samuel Jaberg

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