International

L’évasion parfaite d’un milliardaire russe agite l’Italie

Une dispute internationale

Pour la justice américaine, Artem Uss, quarante ans, serait à la tête d’un trafic de composants électroniques qui aurait permis à la Russie de produire des avions de chasse, des missiles et des drones même après l’invasion de l’Ukraine. Voilà pourquoi les États-Unis ont émis un mandat d’arrêt international contre un criminel capable selon eux de déplacer des millions de dollars dans le but de contourner les sanctions occidentales.

Le 17 octobre 2022, le Russe est arrêté à l’aéroport milanais de Malpensa. Dès son arrestation, il fait l’objet d’une étrange dispute judiciaire. Les États-Unis et la Russie demandent son extradition. Moscou justifie sa demande en accusant Artem Uss de blanchiment d’argent, sans doute un prétexte pour tenter de le ramener en mère patrie car il est le fils du richissime gouverneur de la région Kraïs de Krasnoïarsk en Sibérie, un ami du président Vladimir Poutine.

Récit d’un pasticcio judiciaire

Le 29 novembre dernier, l’ambassade américaine envoie une note au ministre de la Justice italien, Carlo Nordio, pour demander qu’Artem Uss reste en prison pendant la procédure d’extradition afin d’éviter tout risque d’évasion. La cour d’appel de Milan ne reçoit ce document que vingt jours plus tard, quand le prisonnier est déjà rentré chez lui, certes muni d’un bracelet électronique à la cheville, mais avec en poche ses deux téléphones portables et ses cartes de crédit. Artem Uss a donc téléphoné pendant trois mois sans contrôle, y compris à une douzaine de personnes en Russie.

Bons baisers de Russie

Le 21 mars 2023, la Cour d’Appel de Milan autorise son extradition vers les États-Unis. Un jour plus tard, Artem Uss coupe son bracelet électronique. Quatre voitures de grosses cylindrées l’attendent hors de son domicile ; trois pour dépister les policiers, la dernière pour le conduire hors du territoire italien. L’alarme est lancée avec retard, quand les Carabiniers arrivent toute sirène hurlante, ils ne peuvent que constater la fuite. Le domicile du prisonnier russe n’était en effet pas surveillé en permanence.

Les enquêteurs pensent que cette fuite a été organisée par les services secrets russes avec l’aide de complices. Pour éviter l’interception possible de la part d’avions américains, la voiture a sans doute rejoint la Serbie ou la Turquie pour prendre un avion de ligne vers Moscou, muni de faux documents. Début avril, Artem Uss annonce qu’il est rentré en Russie. “Je ne me fie pas au système judiciaire italien” dit-il. Quelques jours plus tard, son père Alexander, publie un message vidéo pour remercier Vladimir Poutine “un homme au cœur grand et généreux !” Des bons baisers de Russie aux Américains.

Crise diplomatique

Dès l’annonce de la cavale, un froid sibérien s’est abattu sur les relations diplomatiques entre l’Italie et les États-Unis. “C’est un fait grave, il y a des anomalies à éclaircir”, a déclaré Giorgia Meloni à la presse qui l’interpellait sur ces événements, “notamment la décision des magistrats de l’envoyer aux arrêts domiciliaires avec des motifs assez discutables et de maintenir cette décision alors qu’une demande d’extradition existe ce qui rend le risque de fuite plus qu’évident !”

De son côté, le ministère de la Justice pointe du doigt les magistrats. L’Italie affirme ne pas avoir été informée de l’importance du personnage, mais pour les Américains la fuite parfaite d’Artem Uss n’est pas seulement le résultat d’une série de négligences… L’enquête est en cours.