France

Réforme des retraites : Les trois phrases qui fragilisent la com de l’exécutif

En politique aussi, le diable se niche dans les détails. Depuis la présentation de son projet de loi de sur les retraites, le 10 janvier dernier, le gouvernement tente de défendre une réforme « de justice sociale ». Mais à la veille d’une nouvelle journée de mobilisation dans la rue, l’exécutif peine à convaincre. D’autant que sa communication a été mise à mal, ces derniers jours, sur trois thématiques : l’égalité hommes-femmes, l’équilibre financier du système et l’employabilité des seniors. L’opposition a même déniché des punchlines venues du camp présidentiel pour égratigner l’argumentaire des marcheurs. Emmanuel Macron lui-même a fait les frais de cet effet boomerang.

Punchline 1 : « Les femmes sont un peu pénalisées »

Franck Riester a eu la mauvaise idée de lâcher cette petite bombe, la semaine passée, lors d’une émission sur La Chaîne parlementaire et Public Sénat. Interrogé sur l’allongement de 62 à 64 ans, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a reconnu que la réforme aurait un impact plus important sur les femmes. « Evidemment, si vous reportez l’âge légal, elles sont un peu pénalisées. On n’en disconvient absolument pas », a-t-il estimé. Derrière cet aveu, le rapport d’impact du projet de loi gouvernemental dont les conclusions montrent que les femmes devront, en moyenne, repousser leur départ à la retraite de sept mois, contre cinq pour les hommes. Un exemple de ce décalage : les femmes qui avaient acquis assez de trimestres pour partir à 62 ou 63 ans (grâce aux trimestres obtenus par la maternité, jusqu’à huit par enfant) devront désormais continuer de travailler jusqu’au nouvel âge légal, soit 64 ans. Une « inégalité » dont l’opposition s’est rapidement saisie, dénonçant « une réforme anti-femmes ».

Elisabeth Borne et ses ministres ont bien tenté d’éteindre l’incendie, en insistant sur le fait que le projet de loi contribuait surtout « à réduire les écarts de pensions » entre les deux sexes. « Plusieurs dispositifs viennent lutter contre les inégalités qui existaient déjà dans le système actuel : la prise en compte des congés parentaux ou des congés proche-aidant, des carrières longues, la valorisation de retraites minimales ou le maintien des 67 ans sans décote… Tout cela bénéficiera en majorité aux femmes », insiste Benjamin Haddad, député de Paris et porte-parole du groupe Renaissance.

Punchline 2 : « Les dépenses de retraites ne dérapent pas »

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale jeudi 19 janvier, le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Pierre-Louis Bras, a évoqué l’équilibre financier du système, dans les différents scénarios imaginés. « Les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées, dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme. Et dans celle retenue par le gouvernement, elles diminuent très, très peu mais un peu à terme », a-t-il indiqué. Si Pierre-Louis Bras indique aussi que le solde du système devrait se creuser « parce qu’il va y avoir des évolutions négatives sur les ressources », il ne semble pas épargner l’action de l’exécutif. « Les dépenses de retraites ne dérapent pas, mais elles ne sont pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du gouvernement ».

Du pain béni pour l’opposition, alors que la majorité cite à l’envi le rapport du COR pour justifier sa réforme et combler les « 100 milliards de dettes » à l’horizon 2030. Elisabeth Borne s’est donc montrée agacée par cette sortie, lors de ses vœux à la presse. « Il y a beaucoup d’hypothèses dans le rapport du COR […] Peut-être que ça peut nuire à la lisibilité des conclusions, voire conduire le président du COR à avoir une position assez personnelle », a lâché la Première ministre.

Punchline 3 : « Bon courage déjà pour aller à 62 ans »

Mais Emmanuel Macron n’a-t-il pas, par le passé, été le meilleur opposant à cette réforme ? Une vidéo du grand débat national, en avril 2019, le montre balayer l’allongement du départ à la retraite. « On va vous dire  »il faut maintenant aller à 64 ans ». Vous ne savez déjà plus comment faire après 55 ans, les gens vous disent :  »les emplois, c’est plus bon pour vous ». C’est ça la réalité, c’est le combat qu’on mène. On doit d’abord gagner ce combat avant d’aller expliquer aux gens  »mes bons amis, travaillez plus longtemps ! » » L’extrait vidéo a été largement relayé sur les réseaux sociaux et utilisé par les adversaires du chef de l’Etat pour dénoncer les difficultés d’employabilité des seniors (55 à 64 ans). En 2021, leur taux d’emploi en France (56 %) reste inférieur à celui de la moyenne de l’Union européenne, à 60,5 %.

Pour y remédier, le gouvernement compte mettre en place un index pour mieux connaître « la place des salariés en fin de carrière » dans les entreprises de plus de 300 salariés, sans toutefois installer de mesures incitatives ou coercitives. « Reculer l’âge de départ aura mécaniquement un impact sur le taux d’emploi des seniors, comme cela s’est vu chez nos voisins européens », assure Benjamin Haddad. Le gouvernement se dit par ailleurs « très ouvert à des propositions » sur cette question lors des futurs débats parlementaires.