France

Retraite à Nantes : « Je n’ai pas envie de m’en aller » affirme la plus vieille antiquaire de France à 96 ans

iPhone à la main, New Balance aux pieds, Monique Guillemot, 96 ans, ne fait pas son âge. Dans sa boutique d’antiquités du centre-ville de Nantes, elle accueille clients et curieux du mardi au samedi tous les après-midis. « Il faudrait que je me fasse écraser dans la rue pour que j’arrête de travailler ! » lance la nonagénaire d’un ton décidé. Elle exerce le métier d’antiquaire depuis plus de 50 ans et ne compte pas s’arrêter de si tôt : « Tant que j’ai toute ma tête, je ne vois pas pourquoi je m’en irais ! » Entre des tableaux du XVIIe siècle, des meubles anciens et des bibliothèques remplies de gros livres à la couverture en cuir, Monique se sent chez elle : « Quand j’ouvre la porte de mon magasin, je me dis “Ça y est, ma vie commence” ».

Si l’antiquaire peut continuer à travailler cinq jours sur sept à 96 ans, elle a conscience qu’elle est « privilégiée » par rapport à d’autres métiers. Repousser l’âge légal de départ à la retraite ? « C’est très bien pour ceux qui ont un travail très fatiguant. Mais il faut faire le tri entre ceux qui se fatiguent et ceux qui sont assis derrière un bureau. » Un sourire en coin, elle ironise : «  Si les gens qui travaillent dans les banques partent à 64 ans… vous ne pensez pas qu’ils vont s’ennuyer ? »

« Mes enfants sont ravis que je travaille encore »

Son emploi serait le secret de sa longévité. « Je marche une heure tous les jours pour me rendre à mon magasin », explique-t-elle avec fierté. Côté social, son activité lui permet aussi d’éviter la solitude : « Le contact humain est indispensable pour garder sa tête ! Ici, mes amis viennent me voir régulièrement. » Monique prend l’exemple des autres personnes de son âge, qui « s’ennuient à mourir dans les maisons de retraite » : elle, au contraire, est constamment « stimulée intellectuellement ». Entre les recherches sur ses articles, les expertises sur des meubles et les ventes quotidiennes, elle a toujours quelque chose à faire : « Ça me maintient en forme. Je n’ai pas envie de m’en aller ! »

Pour Monique, à 96 ans, son travail est ce qui la "maintient en forme".
Pour Monique, à 96 ans, son travail est ce qui la « maintient en forme ». – P.Quentin/20Minutes

Monique confie que son travail est également une façon d’être indépendante vis-à-vis de ses cinq enfants, vivant aux quatre coins du monde. « Mes enfants sont ravis que je travaille encore. Vous savez, ça coûte cher un parent âgé ! Là, ils n’ont pas de charges. » Elle poursuit en expliquant que si elle avait pris sa retraite à 62 ans, sa pension serait « toute petite ». La nonagénaire avoue tout de même que certaines tâches la fatiguent : « Hier, je suis restée quatre heures dans un château glacé pour expertiser des meubles. Quand je suis rentrée, j’étais épuisée ». Mais pesant le pour et le contre, elle admet qu’il y a plus de positif que de négatif. « Si j’arrêtais, on pourrait déjà retenir ma place au cimetière… »

« Je vends pratiquement tout sur Internet »

Un point de vue que partage Gyl, son coiffeur, installé en face de sa boutique. « Elle mourra dans son magasin, c’est sûr ! » Cela fait 14 ans qu’il coiffe la commerçante, qu’il décrit comme « un personnage hors du commun, qui ne se fait pas rouler, et encore très vive d’esprit pour son âge ». Selon lui, le magasin d’antiquités de Monique est « sa raison de vivre. »

C’est compréhensible : la vie de Monique a été rythmée par sa « passion » pour les antiquités. Elle a grandi en allant dans les musées avec son père, puis a entamé des études d’art à l’École du Louvre – qu’elle a dû arrêter quand elle s’est mariée. Elle est ensuite devenue vendeuse d’une boutique d’antiquités d’un ami à Nantes, place Viarme, qui lui a proposé d’en devenir propriétaire quatre ans plus tard. « Mon mari ne voulait pas que je travaille. J’ai dit : “C’est à prendre ou à laisser !” Alors on s’est séparés, parce que j’avais besoin d’une occupation intellectuelle. » Depuis, elle n’a jamais arrêté.

La nonagénaire a dû s’adapter aux changements de la société, y compris la révolution numérique. « Ça n’a pas été facile, mais je m’y suis mise ! Maintenant, je vends pratiquement tout sur Internet », explique-t-elle. Entre des clients au Japon, en Suède, en Norvège et en Belgique, Monique est obligée de correspondre en ligne dans le monde entier. Ce n’est pas un problème pour elle, qui y voit une grande liberté : « Je sais ce que je veux, et je fais ce que j’ai décidé », conclut l’antiquaire au fort caractère.