France

Que faut-il faire pour sécuriser davantage le métier de livreur à vélo ?

« Un mort de trop au travail. » Par ces mots, Ludovic Rioux, livreur à vélo et secrétaire général de la CGT deux roues de Lyon, résume le combat que le syndicat mène depuis six ans pour sécuriser le métier. Mercredi 5 avril, à 00h10, un homme de 46 ans, à vélo, est décédé après avoir été percuté par un automobiliste, dans le centre-ville de Lyon. Deliveroo a confirmé, « après des échanges avec les enquêteurs », qu’il était « en prestation avec la plateforme au moment de l’accident tragique dont il a été victime ».

« Un décès supplémentaire qui s’ajoute à la longue liste de morts en livraison », rappelle la CGT dans un communiqué. Même s’il est « impossible » de savoir combien ils sont exactement, comme le rappelle Ouest-France, car ces statistiques n’existent pas.

« En colère », le représentant de la branche précise : « Il y a deux ans, on s’était déjà mobilisé à la suite d’un accident mortel d’un de nos collègues. Et depuis ? Rien. Aucune action n’a été pensée pour éviter de nouveaux drames. » Le livreur reproche aux plateformes de ne pas avoir fait évoluer les conditions de travail. Il exige des réponses « immédiates » pour « enfin prendre en compte la santé de ses travailleurs » qui sont autoentrepreneurs. « Ce statut évite aux entreprises de porter une quelconque responsabilité en cas de problème », lâche Ludovic Rioux.

Un classement selon les conditions de travail

« A l’origine, on ne pense pas que livrer des repas est un métier dangereux », reprend le représentant syndical. Pourtant, ces cyclistes prennent de nombreux risques pour remplir leur mission. C’est ce qu’a mis en lumière le premier rapport Fairwork sur le sujet, un projet international de classement de plateformes, publié en juin 2022. Just eat, Coursier nantais, Uber eats, Deliveroo, Naofood et Stuart ont été analysées. Les quatre dernières ont reçu 4 sur 10.

« Les pires notes reviennent aux sociétés qui ne proposent pas de contrat de travail, affirme André Sobczak, auteur de l’étude portée par Audencia en France. Nos recherches ont largement démontré que les livreurs salariés étaient mieux protégés que les autres. C’est l’élément déterminant, la solution pour plus de sécurité. Il est donc impératif d’imposer la mise en place d’une présomption de salariat aux plateformes. »

La plupart des firmes aujourd’hui basent la rémunération en fonction des missions. « Vous avez donc tout intérêt d’en faire un maximum, en un minimum de temps. Ces critères créent une pression énorme sur les livreurs », analyse-t-il. Avant d’ajouter : « Actuellement, les coursiers paient eux-mêmes leurs accessoires de sécurité comme des lumières, des vêtements visibles mais aussi l’entretien de leur vélo. » Et tout ça, ça a des coûts. « Sachant que la rémunération est très faible, les livreurs ont une grande tentation de ne pas faire ces investissements. S’il y a un contrat, c’est à la boîte de les prendre en charge », affirme le rapporteur de l’étude.

Se constituer en collectif

Et s’il y a un souci, là aussi, les plateformes sont aux abonnées absentes. « Dans l’accord actuel, tout est fait pour que le livreur pense que c’est de sa faute », explique-t-il. Dans le cas de l’accident mortel survenu à Lyon, Deliveroo a « engagé les démarches avec l’assurance » afin d’apporter « un soutien matériel à la famille », a assuré la société par mail. Concernant un changement de statut de « ses livreurs partenaires », elle répond que c’est leur volonté de « rester flexibles ». Ce que réfute pourtant le rapport Fairwork réalisé avec de nombreux témoignages.

Pour André Sobczak, une autre solution pour sécuriser davantage le métier est « de se constituer en collectif ». Une façon de « prendre conscience de leurs droits » et « de se mobiliser », insiste-t-il.

« Ce n’est pas un robot qui va vous livrer »

Le rapporteur de l’étude conclut : « Il faut faire changer les choses. Et pour ça, chacun doit s’impliquer car la sécurité des livreurs, c’est la responsabilité de tous. Se soucier des conditions de travail des livreurs, c’est accepter parfois de payer le service plus cher. »

Il ajoute : « Ce n’est pas un robot qui va vous livrer, c’est un être humain. Si la livraison ne coûte quasiment rien, c’est que la personne risque de se mettre en danger car elle est payée à la tâche. Ça peut conduire jusqu’à la mort. Elle mérite qu’on la respecte, en la rémunérant correctement et en assurant sa sécurité. C’est la base. »

Le spécialiste espère « une prise de conscience » telle celle qui s’est faite ces dernières années au sujet de la fast fashion et des tee-shirts confectionnés en Asie à très bas prix.