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France – pays de Galles : Ces Bleus sont-ils partis pour battre tous les records du rugby tricolore ?

Sauf miracle ce samedi, autrement dit une victoire bonifiée face au pays de Galles (probabilité : 90 %) combinée à un succès anglais en Irlande (probabilité : 0,5 %), le XV de France ne remportera pas un deuxième Tournoi des VI Nations d’affilée. Cependant, sur le chemin vers le Graal – un titre mondial à domicile cet automne – les Bleus de Fabien Galthié ont déjà semé quelques records. Et ce n’est qu’un début. Antoine Dupont et ses collègues ont ainsi porté le nombre historique de victoires d’affilée des Tricolores de 10 à 14, avant de trébucher en Irlande (32-19).

« C’est extraordinaire, énormissime, bravo ! s’enflamme l’immense Philippe Sella, premier joueur du monde à dépasser les 100 sélections (111 au total entre 1982 et 1995). Les records sont faits pour être battus. Ces joueurs nous régalent. Beaucoup sont encore jeunes ou très jeunes. »

Fabien Pelous lors de pays de Galles - France au Millenium Stadium de Cardiff, le 26 août 2007.
Fabien Pelous lors de pays de Galles – France au Millenium Stadium de Cardiff, le 26 août 2007. – Matt Dunham / AP / Sipa

« Cette génération va porter tous ces records à un autre niveau », prophétise aussi Fabien Pelous, le Bleu le plus capé de l’Histoire (118), pas plus inquiet que ça de perdre un jour son Graal. « Ça fait partie de la vie post-carrière. Et puis c’est plutôt un bon signe. Ça veut dire que l’équipe nationale fonctionne bien. La génération d’avant, elle n’a battu aucun record. » Petit passage en revue des performances en question.

Essais : Damian Penaud court derrière Serge Blanco

Grâce à son doublé lors de la plus large victoire française de tous les temps face à l’Angleterre à Twickenham (10-53), Damian Penaud (26 ans) est devenu le meilleur marqueur d’essais tricolore dans le Tournoi (12 réalisations) devant Vincent Clerc (11). Avec un total de 24, il se rapproche à vitesse grand V de la barre des 38 de Serge Blanco, indépassable depuis l’ère Mitterrand. « Damian a tout le potentiel et la dynamique, individuelle et collective, pour aller chercher ce record », assure Clerc, qui s’est à peine rendu compte que ses 11 essais dans la vénérable compétition continentale faisaient désormais partie de l’histoire ancienne.

« Je savais que j’étais bien placé au niveau du total des essais [34], mais dans le Tournoi, je ne savais pas, sourit le consultant pour France Télévisions. Je trouve ça super. On sent que Damian prend énormément de plaisir. Quand on est ailier, qu’on touche des ballons, qu’il y a une certaine forme d’euphorie collective, c’est là qu’on marque, généralement. De plus, il est très opportuniste. »

Nombre de points dans le Tournoi : Thomas Ramos à la poursuite de Gérald Merceron

Promu arrière titulaire des Bleus depuis cet automne, le Toulousain réussit un tournoi de haute volée, malgré un coup de moins bien en Irlande. Avec 68 points en 4 rencontres, soit une jolie moyenne de 17 par match, il peut raisonnablement espérer effacer ce samedi Gérald Merceron des tablettes. Surtout face à des Gallois qui ne font plus peur qu’aux Italiens… L’ancien ouvreur clermontois en avait planté 80 lors du Grand Chelem 2002.

« On peut penser que Thomas Ramos, buteur et en cannes, peut aller chercher le record, juge Vincent Clerc. Ça ne doit pas être un objectif, mais les points peuvent venir rapidement dans la partie. La seule chose qui peut freiner les ambitions offensives de cette équipe, c’est l’orage et la pluie annoncée. » Certes. Mais après tout, il pleuvait aussi samedi dernier à Twickenham…

Nombre de sélections : Gaël Fickou rattrapera-t-il Fabien Pelous ?

Pour le nombre de matchs dans le Tournoi des VI Nations, c’est plié, le centre du Racing en compte (43), plus que tout autre Français. Si l’on remonte au XXe siècle, et donc aux V Nations, Fabien Pelous (49) et Philippe Sella (50) restent devant. Pour le total de capes, Fickou (78) compte encore 40 unités de retard sur Pelous. Mais le capitaine de la défense tricolore fêtera seulement ses 29 ans le 26 mars, même si on a l’impression parfois qu’il a commencé à l’époque de Jean-Luc Sadourny et Philippe Bernat-Salles.

 40 sélections de différence ? Ça fait trois ou quatre ans, calcule Pelous. Je ne vois pas comment Gaël ne continuerait pas sa carrière jusque-là, même si les blessures peuvent entrer en jeu. J’ai toujours eu un esprit plutôt collectif. Je me réjouis qu’il y ait des joueurs qui viennent titiller ce record. Et il faut espérer qu’il sera battu. Et si c’est par plusieurs joueurs, c’est encore mieux ! »

Uini Atonio (49 sélections à bientôt 33 ans), Antoine Dupont, Baptiste Serin, Cyril Baille, Romain Taofifenua (42 chacun) ou Damian Penaud (41) sont quand même encore loin du grand Fabien. Et on ne parle même pas du record mondial détenu par Alun-Wyn Jones, le 2e ligne gallois, qui fêtera ce samedi au Stade de France sa 157e sélection, à 37 ans, par la grâce de son talent et du manque de réservoir de la Principauté.

Mais jusqu’où ira la paire Dupont – Ntamack ?

La charnière toulousaine fêtera face aux Gallois sa 26e titularisation commune, et a déjà laissé dans le rétro la doublette des années 2010 Parra – Trinh-Duc (21). Etant donné que Dupont n’a que 26 ans et Ntamack à peine 23, le duo peut marcher sur les traces de l’association irlandaise de vétérans Murray – Sexton (68 matchs ensemble, série en cours). Surtout que le sélectionneur Fabien Galthié n’est pas adepte du chamboule-tout au moindre coup de mou, à la différence de la plupart de ses prédécesseurs.

Antoine Dupont et Romain Ntamack, unis au Stade Toulousain comme en équipe de France.
Antoine Dupont et Romain Ntamack, unis au Stade Toulousain comme en équipe de France. – J.E.E / Sipa

« Les changements se font plus sur des blessures que sur des contre-performances, comme avec l’émergence d’Ethan Dumortier [à la place du poissard Gabin Villière], observe Clerc. On a vu des joueurs être plus en dedans et être malgré tout maintenus. Les résultats ont donné raison à l’encadrement. » C’est le cas notamment pour Ntamack, dans le dur en novembre et au début du Tournoi, mais indéboulonnable dans l’esprit du staff.

Quelques records qui seront plus durs à aller chercher

Aucun joueur actuel n’apparaît dans le top 10 des buteurs du XV de France, dominé par Frédéric Michalak avec 436 points. Il faut dire que depuis le début de l’ère Galthié, en 2020, Romain Ntamack, Matthieu Jalibert, Melvyn Jaminet ont tour à tour fait chauffer le tee, une charge aujourd’hui confiée à Thomas Ramos.

Les quatre Grands Chelems réussis par Fabien Pelous (oui, toujours lui) et son contemporain Olivier Magne en 1997, 1998 (V Nations), 2002 et 2004 (VI Nations) seront aussi coton à égaler, puisque toute la génération actuelle en compte un seul à ce jour, l’an dernier.  « On se rend compte qu’un Grand Chelem, ce n’est pas facile à faire finalement, s’esclaffe Pelous. On le gagne en 1997 et en 1998, puis en  99 on finit 3es ou 4es [en fait 5e et derniers à la différence de points]. C’était un autre rugby. Cette équipe-là me semble un peu plus à l’abri. »