France

Hérault : Des associations saisissent la justice pour faire interdire le retour de la corrida à Pérols

Et si c’était dans les tribunaux que les anticorridas portaient l’estocade ? Deux mois après que Jean-Pierre Rico (Nouveau Centre), le maire de Pérols (Hérault), a annoncé qu’une novillada, un combat opposant de jeunes taureaux à d’apprentis toreros, se tiendra le 15 juillet dans ses arènes, les associations qui militent pour la protection animale n’ont pas baissé pas la garde. Ils ont manifesté, tracté, et leur pétition, sur Mesopinions, a dépassé les 53.000 signataires, devenant l’une des plus paraphées de la plate-forme.

Mais c’est désormais devant la justice que l’offensive se poursuit. L’Alliance anticorrida, soutenue dans sa démarche par des habitants de Pérols, a introduit une requête, devant le tribunal administratif de Montpellier, visant à faire tomber la délibération prise par le conseil municipal, le 11 avril dernier, qui a entériné l’organisation, cet été, du spectacle taurin. Une deuxième action en justice, devant le tribunal judiciaire de Montpellier cette fois, sera également lancée dans les prochains jours par l’association.

« M. Rico risque d’avoir des surprises, confie Claire Starozinski, la présidente de l’Alliance anticorrida. Nous allons apporter la preuve que la corrida, les Péroliens n’en veulent pas, et donc que la tradition n’est plus vivace. » Car c’est bien sur ce point que les pros et les anticorridas risquent de s’écharper, devant les tribunaux. En France, la loi punit sévèrement « le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal ». Sauf, dit le Code pénal, pour les « courses de taureaux, lorsqu’une tradition locale ininterrompue peut être invoquée ». A Pérols, aucun taureau n’a été mis à mort dans les arènes depuis, au moins, vingt ans. Affaire classée ? Ce n’est pas si simple.

D’autres associations dont la SPA en soutien

La justice a, plusieurs fois, statué sur la légalité de corridas, car la tradition tauromachique peut être vue, aussi, de manière plus élargie, à une région par exemple, et non au sens strict de la commune. Par ailleurs, la jurisprudence stipule que même s’il n’y a pas eu de corridas depuis longtemps dans ce village, le simple fait que cette culture existe, et qu’elle soit partagée par un grand nombre d’habitants suffit à justifier d’une « tradition locale interrompue ». C’est le sens de plusieurs décisions de justice, depuis les années 2000. Mais à l’Alliance anticorrida, on a réuni de très nombreux témoignages d’habitants, visant à démontrer que cette tradition est massivement rejetée. « Nous ne parlons pas de trois ou quatre témoignages, reprend Claire Starozinski. Mais de plusieurs centaines. »

Et, quoi qu’il arrive, la militante ira « jusqu’au bout », confie-t-elle. « Et si jamais on ne réussit pas à faire interdire cette corrida avant qu’elle n’ait lieu, dès lors que la première goutte de sang sera versée, dans les arènes de Pérols, nous irons au pénal. » L’Alliance anticorrida n’est pas toute seule, à porter cette bataille dans l’arène judiciaire. Le Comité radicalement anticorrida (Crac) Europe a, lui aussi, saisi le tribunal administratif pour faire entendre sa voix. La jurisprudence, « ce n’est pas gravé dans le marbre, pointe Didier Bonnet, le président de l’association. Ça se change, une jurisprudence. » La SPA, et d’autres associations qui militent pour la protection des animaux en France, planchent, elles aussi, sur la possibilité d’introduire une requête devant le juge.

Le maire a « accepté de réveiller cette tradition »

Mais ces associations ne font pas rougir Jean-Pierre Rico, le maire de Pérols. « C’est une brochette, là ! », se marre-t-il. « Est-ce que l’on va gagner ? Alors, je ne veux pas encore que les écologistes me fassent un procès, mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, confie l’élu, à 20 Minutes. Nous préparons notre défense. J’estime que Pérols se situe dans une zone géographique où cette culture [de la corrida] existe. Et c’est une commune dans lesquelles les traditions taurines, quelles qu’elles soient, sont très marquées. L’année dernière, nous avons élevé une statue de taureau de 6,50 mètres de haut. A Pérols, il y a des taureaux qui paissent dans les champs. »

La corrida, dans ce village de l’Hérault, elle a été « mise en sommeil pendant vingt ans, par mon prédécesseur, qui a jugé qu’il n’y avait pas d’économie pour ce type de manifestation », reconnaît Jean-Pierre Rico. « Mais il y a, à Pérols, des arènes qui ont 63 ans, et qui n’ont jamais cessé de fonctionner. Un club taurin qui a 101 ans, et qui n’a jamais cessé de fonctionner. Et les membres du club taurin vont voir, régulièrement, des manifestations de tauromachie espagnole à Béziers, à Nîmes, en Arles, à Alès, à Pampelune, à Séville, etc. On m’a proposé de réveiller cette tradition, j’ai accepté. »

Un groupe d’élus de l’opposition a, par ailleurs, décidé de saisir le préfet de l’Hérault, pour qu’il annule le vote du conseil municipal de Pérols du 11 avril dernier, qu’ils jugent insincères. Entre les pros et les anticorridas, le mano à mano promet d’être musclé.