France

Européennes 2024 : Y aller ensemble ou séparément… Un test grandeur nature pour la Nupes ?

Il y a tout juste un an, ça négociait sec au siège de la France insoumise pour élaborer ce qui allait devenir la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Depuis, les avis de décès de l’alliance entre LFI, PS, EELV, PCF et Générations sont plus nombreux que les buts de Kylian Mbappé. Il faut reconnaître que cela a parfois tangué entre ces alliés mais jusqu’ici, la Nupes a résisté sans trop trembler. Reste que les secousses seront peut-être plus sérieuses au sujet des élections européennes.

Le scrutin, qui aura lieu dans un peu plus d’un an, sera le premier au suffrage universel direct depuis les législatives, et donc la naissance de la Nupes. Et depuis des mois, la question d’une éventuelle liste unique à ces élections occupe les discussions, le débat ayant rebondi dans les médias ces derniers jours. L’écolo Julien Bayou s’est ainsi dit ouvert à une liste commune « sur une ligne écologiste et fédéraliste », le socialiste Pierre Jouvet se dit prêt à « discuter ». Et l’insoumise Manon Aubry dit banco.

Forceurs

Dès l’été 2022, le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard, avait fait une offre assez improbable : une liste unique sur la base du rapport de force des élections européennes de 2019 – pas forcément favorable à LFI –, avec une tête de liste EELV, en tête de la gauche il y a quatre ans. L’accueil fut frais, alors que les trois alliés de LFI étaient en pleine campagne pour leurs congrès respectifs. En décembre, à peine élue à la tête d’EELV sur la promesse d’une liste autonome aux européennes, Marine Tondelier avait redit « non, c’est non » à une union. « Il faut arrêter de faire les forceurs », avait-elle ajouté. Les insoumis ont adoré.

On en était resté à peu près là. « De toute façon, la position des écolos bloque tout », expliquait récemment mi-dépité, mi-soulagé, un cadre du PS. Un Parti socialiste de toute façon bien empêtré dans ses divisions sans fin, visiblement pas prêt à aller vendre une liste unique aux anti-Nupes du parti. Ce cadre ne voit que des circonstances exceptionnelles pour faire bouger les choses, du genre attaque de la Russie sur les pays baltes. « On ne va de toute façon pas aller négocier seuls avec LFI alors que nous sommes les deux partis les plus éloignés de la Nupes sur l’Europe, cela n’a pas de sens. »

Divergences de fond

Et c’est d’abord sur ce point que ça pêche. Cela fait plus de trente ans que l’une, voire LA principale ligne de fracture à gauche, est l’Europe. D’un côté, des socialistes proeuropéens et des écologistes fédéralistes. De l’autre, des communistes et insoumis eurosceptiques voire souverainistes de gauche. Les différences sont importantes, même si cette fracture a pu être exagérée. Pêle-mêle : les socialistes ont parfois eu un rapport sinueux à l’Europe ; les écolos sont eux parfois critiques ; les communistes ont siégé sous Lionel Jospin dans un gouvernement qui a fait rentrer la France dans l’euro ; Jean-Luc Mélenchon a quant à lui clamé pendant la campagne de 2022 ne pas être un « Frexiteur », mise au point sérieuse vis-à-vis de sa campagne de 2017.

Paul Vannier, responsable des élections chez LFI, est enchanté par la proposition de Pierre Jouvet de discuter du fond. Et il relativise : « Est-ce qu’on va juste parler de nos conceptions de l’Europe ? Mais les eurodéputés ne votent pas sur l’architecture institutionnelle de l’Europe ! » Certes, mais ils s’expriment sur de grandes questions internationales, comme par exemple la situation des Ouïgours en Chine. « Il est vrai qu’on vote de manière différente sur les résolutions internationales… Mais on le fait déjà à l’Assemblée », fait-il remarquer. Lui croit la Nupes capable de s’entendre sur un « programme d’action », comme aux législatives.

« Franchement, sincèrement, sans acrimonie »

Pour LFI, la question demeure surtout stratégique : « En 2024, nous pouvons arriver en tête », croit Paul Vannier. Si cette perspective fait un peu réfléchir la direction du PS, chez EELV, elle n’a « aucun sens politique » pour le député européen David Cormand, défenseur de l’autonomie écolo et du caractère européen de l’élection. Mais là, les insoumis dramatisent : « Que ceux qui veulent à tout prix partir seuls aux européennes assument la grave responsabilité de la division et de voir la Nupes disparaître », cingle Paul Vannier. Dans le camp insoumis, on ne croit pas à la théorie de la parenthèse : alliés aujourd’hui, concurrents en 2024, et alliés au lendemain des européennes. « Si on a quatre listes, on va se taper dessus, il ne faut pas se raconter d’histoire », reprend Paul Vannier.

Mi-avril, Générations organisait un meeting pour fêter l’anniversaire de l’union. Sur place, Olivier Faure, le chef du PS, et Cyrielle Châtelain, présidente du groupe écolo à l’Assemblée, se sont bien gardés d’applaudir Manuel Bompard qui, donnant « franchement, sincèrement, sans acrimonie » ses pistes pour l’avenir, a déclaré : « La Nupes ne pourra être une alternative sérieuse et crédible que si elle apparaît comme une coalition politique stable, en se présentant ensemble aux municipales et aux européennes. » Malgré le « non, c’est non » de Marine Tondelier, les discussions sur les européennes ne font sans doute que commencer. Il en sera d’ailleurs sans doute question le 2 mai, lors d’une « réunion au sommet » de la Nupes, où doit prendre forme le fameux « acte II » de l’union.