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Le conflit israélo-palestinien ravive le débat sur le Hamas en Suisse

Les combattants islamistes du Hamas ont tué plusieurs centaines de personnes et en ont enlevé des dizaines en Israël lors des attaques du 7 octobre 2023. Il s’agit de l’incursion la plus meurtrière de ce type depuis des décennies. Copyright 2023 The Associated Press. All Rights Reserved.

L’attaque dévastatrice menée samedi 7 octobre par le Hamas contre Israël depuis la bande de Gaza a relancé en Suisse le débat sur la classification du groupe militant palestinien comme organisation terroriste.

Ce contenu a été publié le 10 octobre 2023 – 10:52




ReutersLien externe lundi. Pour l’heure, près de 700 personnes auraient été tuées côté palestinien.

L’Etat hébreu a aussi annoncé lundi la mise en place d’un «siège complet» de la bande de Gaza. «Pas d’électricité, pas de nourriture, pas de gaz», a asséné le ministre de la défense israélien, Yoav Galant.

Dimanche, les 15 Etats membres du Conseil de sécurité des Nations unies ont tenu une réunion d’urgence, au cours de laquelle les États-Unis ont demandé que tous condamnent fermement «ces attaques terroristes odieuses commises par le Hamas». Aucune mesure immédiate n’a toutefois été prise.

Lors de cette réunion, la Suisse, qui occupe un siège non permanentLien externe, a «condamné les attaques choquantes, y compris les actes de terreur et les tirs de roquettes du Hamas contre Israël», selon un communiquéLien externe publié dimanche.

Elle a appelé à la libération immédiate des personnes prises en otages à Gaza et à une désescalade de la violence, tout en déplorant toutes les pertes civiles et en appelant au respect du droit international humanitaire.

Pourquoi la Suisse ne classe-t-elle pas le Hamas parmi les organisations terroristes?       

Contrairement à l’Union européenne, aux États-Unis ou à la Grande-Bretagne, la Suisse, Etat neutre, ne désigne pas le Hamas comme organisation terroriste.

La Confédération ne dispose pas de sa propre liste nationale de terroristes et fait valoir qu’elle applique uniquement les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, lequel n’a pas classé le Hamas comme groupe terroriste.

Dans le cadre de ses activités de promotion de la paix au Moyen-Orient, la Suisse communique avec toutes les parties concernées afin de favoriser le dialogue entre Israël et l’autorité palestinienne, ainsi qu’entre les deux principaux mouvements palestiniens, le Hamas islamiste et le Fatah laïc. Désigner le Hamas comme organisation terroriste ne permettrait plus aucune communication directe avec le groupe.

Les autorités suisses entretiennent officiellement des contacts avec le Hamas et cette «politique de contact inclusive et de bons offices dans ce contexte est appréciée par les acteurs clés internationaux tels que les États-Unis et l’UE, en particulier pendant des crises. Israël est également régulièrement informé par la Suisse de ses contacts avec le Hamas», explique le Conseil fédéralLien externe.

Dans le cadre de sa stratégie de bons officesLien externe, la Suisse neutre représente actuellement les intérêts diplomatiques de l’Iran en Egypte et au Canada, des Etats-Unis en Iran, de l’Iran en Arabie Saoudite (et vice versa) et de la Russie en Géorgie (et vice versa).

Nouvel appel des organisations juives de Suisse

Les organisations juives de Suisse ont réclamé à plusieurs reprises que le Hamas soit déclaré organisation terroriste par la Confédération. De nouveaux appels en ce sens ont été lancés après l’attaque de samedi.

«Aujourd’hui et les jours à venir doivent être l’occasion pour les responsables de la politique suisse au Proche-Orient de reconsidérer leurs positions actuelles. Il s’agit notamment de ne plus refuser de déclarer le Hamas comme organisation terroriste, comme le font depuis longtemps l’UE, les Etats-Unis et d’autres Etats. Et nous devons nous demander sérieusement quels contacts la Suisse officielle veut continuer à entretenir avec le Hamas», écrit la Société Suisse-IsraëlLien externe sur son site.

Dans une déclaration communeLien externe, la Fédération suisse des communautés israélites et la Plateforme des juifs libéraux de Suisse relèvent que «sans interdiction claire, le Hamas conserve sa légitimité en tant qu’acteur politique normal, d’autant plus qu’il peut se déplacer librement en Suisse, collecteur des dons et vaquer à ses opérations financières.»

La Fondation contre le racisme et l’antisémitismeLien externe a également exhorté le gouvernement suisse à classer le Hamas comme organisation terroriste à la suite de l’attaque.

Qu’en pensent les parlementaires suisses?

Jusqu’ici, toutes les tentatives politiques de faire classer le Hamas comme groupe terroriste ont échoué. La dernière en date était une initiative parlementaireLien externe de Lukas Reimann, de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice), qui a été rejetée par le gouvernement et la majorité en juin 2022. Lukas Reimann affirme que son parti prépare une nouvelle proposition.

«L’aide financière aux organisations palestiniennes doit cesser immédiatement, le Hamas doit être classé comme organisation terroriste et interdit, et ses partisans et sympathisants doivent être surveillés par les agences de renseignement avec effet immédiat», a réagi l’UDC lundi sur XLien externe (ex-Twitter).

Le Parti libéral-radical (PLR, droite libérale) a également publié une déclarationLien externe demandant au Conseil fédéral de classer le Hamas comme organisation terroriste et de ne pas le considérer comme un interlocuteur légitime.

«Jusqu’à présent, il était justifiable de dialoguer avec toutes les parties, mais les attaques honteuses des terroristes du Hamas ne le permettent plus, estime le parti. La situation actuelle montre que le dialogue avec des personnes qui planifient et soutiennent de tels actes n’est pas possible.»

Le PLR souhaite aussi «que l’on examine si l’aide au développement envers la Palestine doit être suspendue ou annulée et si l’aide aux organisations palestiniennes liées au Hamas doit être arrêtée».

La Suisse contribue à hauteur d’environ 20 millions de francs par an au budget ordinaire de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), et à une trentaine d’ONG sur place (à hauteur de 5 millions de francs en 2022).

Le groupe parlementaire Suisse-Israël a également exhorté le Conseil fédéral et le Parlement à reconsidérer leur position et leurs relations avec le Hamas et l’Iran.

Quelle est la position des organisations suisso-palestiniennes?

Les membres du «Groupe d’amitié Suisse – Palestine», un groupe parlementaire composé de dix personnes, semblent prendre publiquement leurs distances avec le Hamas.

«Le Hamas est une organisation criminelle et un groupe corrompu», a déclaré le socialiste Fabian Molina, au journal 20MinutesLien externe lundi. Beat Flach, parlementaire vert-libéral, a qualifié l’attaque de samedi de «désastre absolu».

Fabian Molina a néanmoins accusé les deux parties de violations: «Enlever des personnes civiles israéliennes et tirer des roquettes sur des villes est ignoble. Mais couper l’électricité des hôpitaux palestiniens par vengeance est tout aussi condamnable», a-t-il estimé.

Geri Müller, président de la Société Suisse-Palestine, a mis en garde contre une interdiction du Hamas, qui, selon lui, empêcherait la Suisse de poursuivre son «bon travail de négociation».

«La violence n’est jamais acceptable, même pour Israël», a déclaré l’ancien parlementaire écologiste au Tages-Anzeiger, ajoutant qu’au cours des six derniers mois, des colons israéliens avaient attaqué 70 villages palestiniens.

Environ deux millions de personnes sont cloîtrées dans la bande de Gaza, il n’est donc pas surprenant que des réactions extrêmes se produisent, a ajouté Geri Müller. «Israël est un État d’apartheid. Point. Si la Suisse veut déclarer le Hamas organisation terroriste, elle doit aussi appeler le terrorisme d’Etat israélien par son nom.»

Traduit de l’anglais par Pauline Turuban

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