Maroc

AMO : les détails des financements innovants proposés

Taxes sur le tabac, l’alcool, le transport aérien et le temps de communication téléphonique…

Couverture sociale: Depuis la généralisation de la couverture médicale, la question du financement de la santé au Maroc se pose avec acuité. Les responsables rassurent tout en lançant des réflexions sur la pérennisation des moyens de financement. Eclairages.

Des financements innovants sont d’ores et déjà proposés dans le cadre de la généralisation de l’Assurance-maladie obligatoire (AMO). La Chambre de commerce britannique au Maroc a organisé récemment une conférence hybride sous le thème « Financement de la santé au Maroc: entre progrès et défis» avec la participation d’intervenants de premier plan à l’instar de Abdelouahab Belmadani, directeur de la planification et des ressources financières au sein du ministère de la santé et de protection sociale, Dr. Ilham Mouhlal, directrice des affaires médicales au sein de la Caisse nationale de la sécurité sociale (CNSS), Said Addi, chef de la division des secteurs sociaux à la direction du budget au sein du ministère délégué du budget, et Myriem Tamimy, présidente de l’Association des entreprises de médicaments au Maroc (LEMM) et directrice générale de GSK Maroc et Tunisie. Dans son intervention, M. Abdelouahab Belmadani a commencé par présenter le contexte général de la santé au Maroc, en soulignant les avancées significatives réalisées ces dernières années, notamment en matière de couverture médicale, de réduction des prix des médicaments, d’amélioration de l’offre de soins et de l’augmentation du budget de l’Etat consacré à la santé, soit plus de 90% en 5 ans. Ainsi pour renforcer l’efficacité et l’efficience dans l’utilisation des ressources en santé publique, plusieurs mesures sont proposées.

Il s’agit notamment d’adapter le financement en fonction des priorités de santé, de réviser la gouvernance des hôpitaux publics en instaurant des Groupements de santé territoriaux pour plus d’autonomie et d’autofinancement, ainsi que d’utiliser l’Assurance-maladie obligatoire (AMO) comme levier pour améliorer le financement du système de santé. Ces mesures visent à optimiser les ressources et à améliorer les résultats de santé de la population de manière équitable et accessible à tous. « Nos priorités sont de mettre en œuvre la nouvelle refonte du système de santé. Aujourd’hui nous sommes dans une phase de transition. Nous sommes en train de muter vers un système de la généralisation de la couverture médicale », explique le responsable.

Pour sa part, Said Addi a présenté en détail le financement du système de santé au Maroc, en se concentrant sur les défis actuels, les opportunités de réforme et les perspectives pour l’avenir. Selon lui, la généralisation de l’Assurance-maladie obligatoire (AMO) de manière progressive sur 5 ans permettra d’atteindre la couverture sanitaire universelle, avec des retombées positives sur les plans social et économique, notamment une réduction des dépenses de santé supportées par les ménages. Pour garantir la viabilité financière du régime AMO, des financements innovants sont proposés, tels que des taxes sur le tabac, l’alcool, le transport aérien et le temps de communication téléphonique. Il est également recommandé d’encourager le secteur privé à investir dans les régions où l’offre de soins est insuffisante, en mettant en place une nouvelle Charte de l’investissement.

Optimisation

D’autre part, afin d’améliorer l’efficience dans l’utilisation des ressources, plusieurs mesures sont proposées. Il s’agit de mieux dépenser les ressources disponibles en optimisant les moyens et en développant des ressources propres. Cela comprend l’élimination des dépenses inutiles liées aux médicaments, l’amélioration de la gestion de la chaîne d’approvisionnement, le contrôle de la qualité des médicaments, l’optimisation du système de gestion des stocks, ainsi que la promotion des médicaments génériques. De son côté, Dr. Ilham Mouhlal a présente les objectifs de la loi n° 09-21 relative à la protection sociale qui vise à généraliser la couverture médicale de base CNSS pour tous les citoyens marocains, à améliorer la qualité des soins de santé et à renforcer la solidarité nationale. Ensuite, le document décrit les mesures prises par la CNSS pour étendre la couverture médicale aux travailleurs non salariés, notamment la mise en place d’une nouvelle organisation, l’extension du réseau CNSS ainsi qu’une large sensibilisation au niveau national.

Par ailleurs, Dr. Mouhlal a abordé les avantages de la dématérialisation des procédures de remboursement des soins de santé pour les patients et les professionnels de santé, notamment la réduction des délais de remboursement, la simplification des procédures administratives et la réduction des coûts. « La CNSS a lancé un projet de dématérialisation des procédures de remboursement des soins de santé en 2018, qui a permis de réduire les délais de remboursement de 30 jours à 10 jours en moyenne», précise la directrice des affaires médicales au sein de la CNSS.

La présidente de l’Association des entreprises de médicaments au Maroc a expliqué dans sa présentation l’importance de l’innovation dans le secteur de la santé et plus spécialement celui des médicaments. En effet, un meilleur accès aux médicaments innovants permet de réaliser d’importantes économies et de réduire les dépenses de santé et cela en diminuant le nombre d’hospitalisations et d’autres coûts directs. «Si nous nous intéressons au patient en tant qu’acteur économique, une personne atteinte d’un cancer par exemple a 4 fois plus de chance de se retrouver au chômage qu’une personne en bonne santé. Aujourd’hui, grâce aux thérapies innovantes, 4 sur 5 personnes et qui ont été guéries arrivent à reprendre le travail et donc une réinsertion économique et sociale», a commenté Mme Tamimy.

Fonds

Par ailleurs et en réponse à une autre question orale sur «Le financement du chantier de la protection sociale», le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, avait relevé il y a quelques jours au Parlement que les ressources du Fonds de cohésion sociale devraient atteindre 23 MMDH d’ici la fin de l’année en cours. A cet égard, il a expliqué que jusqu’à fin mai dernier, le solde du Fonds s’élevait à 12 MMDH, auxquels s’ajoutent 8 MMDH de solde reporté et 3 MMDH de ressources prévues du Fonds d’ici la fin de l’année, notant que ces crédits permettront le versement de 9,5 MMDH au profit des personnes incapables de s’acquitter des cotisations de l’AMO, et puis le financement de la partie restante au cours de l’année dans le cadre du transfert des allocations familiales. Il a aussi fait savoir que le gouvernement a maintenu tous les programmes sociaux en faveur des femmes veuves ainsi que le programme «Tayssir» et autres, à hauteur de 2,5 MMDH, ajoutant que le financement du chantier de la protection sociale est géré de manière maîtrisée.

Il est également recommandé d’encourager le secteur privé à investir dans les régions où l’offre de soins est insuffisante, en mettant en place une nouvelle Charte de l’investissement. (D.R)

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Bilan

Assurance-maladie. Près de 5 millions de professionnels, de travailleurs indépendants et personnes non-salariées ont bénéficié de la couverture médicale jusqu’au 10 avril 2023. Au cours d’une réunion consacrée à l’examen du parcours du chantier de la généralisation de la couverture médicale obligatoire il y a quelques semaines à la deuxième Chambre, le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, avait fait savoir que 1,9 million de ces nouveaux bénéficiaires sont des assurés principaux et 3 millions des ayants droit.

M. Lekjaa a aussi signalé que le nombre de dossiers de remboursement déposés par ces catégories auprès de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) a atteint environ 640 000 dossiers jusqu’à la date du 10 avril 2023. S’agissant des personnes incapables de s’acquitter des cotisations et soumises auparavant au régime d’assistance médicale (Ramed), M. Lekjaa a indiqué que la voie a été ouverte pour bénéficier du régime AMO à partir du 1er décembre 2022, précisant que le nombre de bénéficiaires s’est élevé à 9,6 millions d’assurés, y compris les ayants droit.

Le budget de l’Etat a pris en charge les cotisations de cette catégorie auprès de la CNSS, avec un montant global de 9,5 milliards de dirhams. Le ministre a fait remarquer que cette catégorie bénéficie du même panier de soins, avec la gratuité de la médication et de l’hospitalisation au sein des établissements publics de santé, assurant que l’Etat prendra en charge le reliquat, dont le taux atteint 30% du montant des services facturés. Au niveau des services fournis à cette catégorie dans le secteur privé, M. Lekjaa a révélé que le nombre de dossiers déposés a atteint 680.000 dossiers du 1er décembre 2022 jusqu’au 10 avril 2023 dont 480.000 dossiers de demande de remboursement, 40.000 dossiers de demande de prise en charge essentiellement pour les maladies coûteuses et chroniques, ainsi que 160.000 dossiers de soins dans les hôpitaux publics.

M.Lekjaa a fait savoir que 1,4 million de dossiers n’ont pas été encore transférés par les hôpitaux publics, notant que 1.229.978 personnes de cette catégorie ont bénéficié des services fournis par ces hôpitaux jusqu’au 20 avril dernier, dont plus de 1.048.092 personnes inscrites dans l’AMO et 163.713 bénéficiaires sont en cours d’inscription à ce régime.

Chiffres clés

Financement de la protection sociale

Les ressources du Fonds de cohésion sociale devraient atteindre 23 MMDH d’ici la fin de l’année en cours selon le ministère chargé du budget.

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A fin mai dernier, le solde du Fonds s’élevait à 12 MMDH, auxquels s’ajoutent 8 MMDH de solde reporté et 3 MMDH de ressources prévues du Fonds d’ici la fin de l’année.

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Les crédits disponibles du Fonds de cohésion sociale permettront le versement de 9,5 MMDH au profit des personnes incapables de s’acquitter des cotisations de l’AMO.