France

Manger moins de viande, une réflexion qui s’ancre peu à peu dans les esprits ?

De moins en moins de viande dans nos assiettes, vraiment ? De plus en plus de Français disent en tout cas avoir revu leurs habitudes alimentaires en ce sens dans un baromètre que publient ce mardi le Réseau action climat (RAC), fédération d’ONG environnementales, avec l’institut de sondage Harris Interactive. 57 % des Français affirment ainsi avoir réduit leur consommation de viande ces trois dernières années et 39 % souhaitent le faire dans les trois prochaines. Dans les deux cas, c’est neuf points de plus par rapport à la première édition du baromètre, en 2021.

Manger mieux et moins de viande est au cœur des enjeux sur le bien-être animal mais aussi de la transition écologique, alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime l’élevage à l’origine de 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Une inflation qui pousse la consommation à la baisse

Pour autant, la consommation de viande diminue encore assez peu dans les pratiques effectives des Français. « Elle a atteint un pic à la fin des années 1990 et a diminué ensuite de façon avérée entre 1990 et 2012, commence Benoît Grarnier, responsable alimentation au RAC. Mais, depuis, ça ne baisse plus ou très peu. Les chiffres varient d’une source à l’autre mais on est autour de 100 grammes par jour et par Français, soit tout de même à peu près deux fois plus que la génération de nos grands-parents et deux fois plus aussi de ce qu’il faudrait pour avoir une alimentation saine et durable. »

Néanmoins, la démarche de consommer moins de viande s’inscrit de plus en plus dans les esprits, se console le RAC en s’appuyant sur les résultats du baromètre. Pour 53 % des répondants, cette baisse qu’ils ont engagée ou qu’ils disent vouloir faire, vise d’abord à faire des économies dans le contexte actuel de l’inflation. Cette préoccupation arrive ainsi en tête des raisons invoquées, passant devant la santé. Mais les considérations écologiques grimpent aussi au classement. 45 % des répondants évoquent ainsi cet argument parmi les raisons les ayant poussées à faire évoluer leurs habitudes alimentaires. Soit six points de plus qu’en 2021.

Manger de la viande tous les jours, un précepte qui a du plomb dans l’aile

Par ailleurs, ils ne sont plus qu’une minorité (41 %) à considérer qu’il faut manger de la viande tous les jours. En parallèle, les alternatives s’affirment petit à petit. Pour compenser l’apport des nutriments de la viande, les Français privilégieraient les légumes secs et les légumineuses (80 %) [ce qui ne se vérifie pas à ce jour dans les assiettes], les céréales et les graines (78 %), et les aliments peu transformés qui en sont issus, toujours selon ce baromètre. En revanche, la consommation d’algue (41 %), les viandes de synthèses (26 %) et les insectes (21 %) sont des solutions encore peu envisagées pour l’instant.

Voilà pour les évolutions alimentaires. « Ce baromètre a cherché aussi à tester l’avis des Français sur un certain nombre de mesures que pourraient prendre les pouvoirs publics pour inciter à une moindre consommation de viande », poursuit Benoît Granier. Parmi celles-ci, les menus végétariens dans la restauration collective. La loi Climat et résilience d’août 2021 a rendu obligatoire la proposition d’un menu végétarien dans les cantines scolaires, de la maternelle au lycée. « Elle leur donne aussi la possibilité de proposer une option quotidienne végétarienne ou deux repas végétariens par semaine là où un seul menu peut être proposé, rappelle le responsable alimentation du RAC. Mais le gouvernement ne pousse pas du tout dans ce sens, si bien que peu de cantines n’ont été jusque-là à ce jour. » Pourtant, rendre obligatoire cette option quotidienne végétarienne était une mesure phare de la convention citoyenne pour le climat. « Et, selon notre baromètre, 81 % des Français y sont favorables », reprend Benoît Granier.

Des rendez-vous politiques à ne pas louper

Le sujet pourrait revenir sur la table de l’Assemblée nationale jeudi prochain alors que les députés écologiques souhaitent profiter de leur niche parlementaire pour pousser un projet de loi « Mieux manger », dont l’un des articles reviendrait au principe d’un menu végétarien quotidien dans les cantines. « Mais la majorité présidentielle l’a retiré lors de l’examen du projet de loi commission », déplore Benoît Granier qui garde tout de même l’espoir que des amendements de députés poussent dans le sens inverse jeudi prochain.

Le RAC ne s’arrête pas aux repas végétariens dans les cantines scolaires. Avec 38 autres associations, il signe aussi, ce mardi, un appel « pour une véritable Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat ». La loi Climat et résilience, encore elle, a chargé le gouvernement de publier sa Snanc d’ici le 1er juillet prochain. « Elle devrait être discutée dans la foulée par le parlement », précise Benoît Granier. 

Ce collectif liste une vingtaine de mesures pour que cette stratégie aille dans le sens d’une alimentation plus durable et plus saine en France. « Sur la consommation de viande, tout l’enjeu est d’aller vers le moins et le mieux, précise Benoît Granier. Dans cette optique, on pousse pour l’interdiction de la publicité et du marketing pour les produits mauvais pour la santé et la plante, ce qui inclurait les produits carnés issus d’élevages intensifs et non durables. » Là encore, selon le baromètre, 83 % des Français se disent pour.