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Crises dans les fédérations : Que peut-on attendre du comité chargé de révolutionner le sport français ?

A qui le tour ? Voilà la question qui se pose, ces derniers mois, quand on s’intéresse à la vie des fédérations sportives. Le rugby, le football, le handball, maintenant le tennis… les disciplines les plus populaires du pays sont touchées une à une par des scandales retentissants en tout genre, financiers, sexuels, managériaux, comportementaux. Alors que la France s’apprête à accueillir deux événements majeurs, la Coupe du monde de rugby puis les Jeux olympiques et paralympiques, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera entend siffler la fin de la récré. C’est dans ce but, en tout cas, qu’elle a décidé de mettre en place un comité national chargé de renforcer l’éthique et la vie démocratique dans les fédérations, dont le lancement officiel a eu lieu mercredi.

« Les caméras sont braquées sur nous, et ce qui se passe dans nos fédérations interpelle à l’étranger », a-t-elle alerté en introduction devant les 12 membres de ce groupe de travail triés sur le volet. Présidé par l’ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet et le champion du monde d’athlétisme Stéphane Diagana, il comprend des personnalités de tous bords, connaisseurs du monde sportif, de ses arcanes mais aussi de la chose publique. « Des poids lourds dans leur domaine, expérimentés, à la légitimité incontestable », s’est félicitée la ministre, qui note dans un sourire qu’elle n’a pas eu « un seul reproche » quant à sa compo d’équipe. Dans le détail :

  • Jean-François Lamour, champion olympique d’escrime et ancien ministre des Sports
  • Arsène Wenger, ancien entraîneur d’Arsenal
  • Stéphanie Frappart, arbitre internationale
  • Emmanuelle Assmann, ancienne présidente du Comité paralympique et sportif français
  • Béatrice Barbusse, handballeuse et sociologue du sport
  • Brigitte Deydier, championne du monde de judo en 1982, 1984 et 1986 et membre du Comité éthique du CNOSF
  • Isabelle Autissier, navigatrice et présidente d’honneur du WWF-France
  • Jacques Donzel, membre de l’Observatoire international des politiques sportives
  • Bernard Foucher, président du Comité fédéral d’éthique et de déontologie du rugby et de la Commission d’éthique de l’Union cycliste internationale
  • Franck Latty, professeur agrégé à l’Université Paris Nanterre et président du Comité d’éthique de la Fédération française de tennis
Les douze membres du comité national d'éthique dans le sport entourant la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, le 29 mars 2023 à l'Insep.
Les douze membres du comité national d’éthique dans le sport entourant la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castera, le 29 mars 2023 à l’Insep. – N.CAMUS

Ces douze personnalités ont du pain sur la planche. Les récentes affaires ont montré à quel point la gouvernance des principales fédérations était obsolète, régies par des barons tout-puissants qui marchent sans trop de scrupules sur les notions d’opposition et de transparence. Un dysfonctionnement qui entraîne des abus, et par ricochet un rejet de plus en plus fort de la population à prendre une licence. « Faire du sport dans un club est une formidable aventure humaine, mais pour s’y lancer, elle doit faire envie, paraître saine », souligne en creux Amélie Oudéa-Castera, qui n’a pas manqué de constater que de plus en plus de gens se mettaient au sport en dehors du cadre fédéral.

Pour que ça change, ce comité sur-mesure a carte blanche. Au-delà de ses idées propres, ce dernier compte aussi sur l’investissement et la coopération des fédérations. Pas une mince affaire, quand on voit comment se sont passées les successions de Bernard Laporte et Noël Le Graët, par exemple. Le vent de la révolution va devoir souffler très fort. « On est dans une logique de co-construction. Beaucoup de gens dans les fédérations comprennent cette nécessité de modernité, de vivre avec son temps, veut croire Stéphane Diagana. Le sport est en retard sur les questions de responsabilité sociétale. »

« Il faut que ça bouillonne, qu’il y ait des débats sur les options possibles. Et pour ça il faut déverrouiller la vie démocratique des fédés, appuie Marie-George Buffet. Ça peut passer par un électorat plus large, ou l’introduction de la proportionnelle pour élire les instances, un peu comme dans les conseils municipaux. Mais on verra, on n’en est pas encore là. »

Urgence

Après la première séance mercredi en fin d’après-midi à l’Insep, le groupe de travail a prévu un point régulier pour rendre compte des avancées et des blocages. La ministre attend des propositions au sortir de la Coupe du monde de rugby, à l’automne prochain. Le plus compliqué sera sans doute qu’elles n’en restent pas au stade de bonnes idées. « J’ai choisi des personnalités qui ont du caractère, de l’indépendance, et qui savent que des rapports qui s’accumulent sur les étagères dans les ministères, ce n’est pas ce qui m’intéresse, assure Amélie Oudéa-Castera. Je veux qu’on atterrisse sur du concret. »

Les solutions qui auront émergé pourront faire l’objet de proposition de loi ou de modifications des statuts des fédérations. « On doit recréer l’envie, pour des jeunes femmes et des jeunes hommes, de prendre des responsabilités dans les instances, leur montrer qu’ils peuvent se mêler de leur direction avec des idées neuves », assène Marie-George Buffet avant de retourner dans la petite salle où l’attendent ses collègues. Il n’y a plus de temps à perdre pour sortir la gouvernance du sport français de l’ornière.