France

Comment la consigne de bouteilles en verre fait tâche d’huile

Elle était courante jusque dans les années 1970, avant de quasiment disparaître dans les années 1990. Trente ans plus tard, la consigne des bouteilles en verre fait son grand retour. Prise en compte de l’impact écologique, raréfaction des matières premières et par effet de dominos, hausse des coûts de production : les planètes semblent s’aligner. Née du groupement de dix opérateurs, l’association France Consigne a été présentée à Montpellier fin janvier 2023 lors du salon Millésime bio. Son ambition : fédérer la filière et favoriser le réemploi des bouteilles en verre, dans toute la France.

En 2017, Clémence Richeux a créé « Ma bouteille s’appelle reviens », dont le siège social, dans la Drôme, accueille celui, désormais, de France Consigne. « Au début, il a fallu convaincre producteurs, consommateurs, magasins. Depuis le Covid-19 et la crise ukrainienne, on assiste à une pénurie du verre blanc qui a fait exploser les coûts. Une bouteille neuve achetée 28 centimes, coûte 52 centimes un an plus tard, détaille-t-elle. Non seulement on devient compétitif en matière de prix, mais cela permet de garantir un approvisionnement local et donc de le sécuriser. Ce qui a été un gros problème durant la crise sanitaire. »

Derrière la standardisation, un processus technique

La réutilisation d’une même bouteille partout en France, passe nécessairement par sa standardisation. Les étiquettes, la colle ont fait l’objet de recherches. Et les bouteilles elles-mêmes, qui devaient être capables, par exemple, de subir le choc thermique lors de l’embouteillement des jus de fruits ou d’être assez solides pour subir la fermentation de la bière. Le tout, sans conséquence sur le goût. « Une démarche pas compliquée, avec un processus technique complexe », détaille Thomas Lemasle, cofondateur d’Oé, start-up lyonnaise spécialisée dans la vente de vins bios, l’un des clients de France Consigne : « Chaque élément du packaging devait être inspecté pour ne pas être un frein au réemploi de la bouteille. »

Selon l’Ademe, le réemploi d’une bouteille permet de diminuer drastiquement les consommations d’énergie (de l’ordre de 79 %) de CO2 (76 %) et d’eau (51 %) par rapport à la production d’une bouteille neuve. « France consigne a pour objectif de certifier les producteurs au national. On accompagne le producteur sur son format de bouteille, son changement d’étiquette, on regarde où il est distribué, reprend Clémence Richeux. S’il remplit les critères, on lui propose un certificat de réemployabilité. Cela signifie que tous les projets au national peuvent le collecter, le laver localement et le réinjecter dans le circuit local, de sorte qu’ils soient revendus à des producteurs locaux. »

10 % du nombre de bouteilles en verre réemployables en 2027

En 2022, 1,4 million de bouteilles en verre ont été réemployées en France. Une goutte d’eau dans l’océan de contenants gaspillés. Si 77,9 % du verre est recyclé en France, selon l’Ademe, seule une partie de cette matière peut être réellement recyclée, en fonction de sa teinte notamment. Mais la goutte d’eau s’étend avec 400 producteurs partenaires de France consigne, 700 points de collecte en France et cinq centres de lavages (en 2023).

La loi Agec (antigaspillage pour une économie circulaire) de 2020, fixe à 10 % le nombre de contenants réemployables à l’horizon 2027, pour les producteurs. Encore faut-il inciter les consommateurs à entrer dans la boucle. Car sans eux, pas de retour de bouteilles. « On s’est totalement retrouvés dans cette démarche en accord avec nos ambitions », souligne Kamel Ouazani, gérant du magasin Biocoop de Romans-sur-Isère. La chaîne est partenaire du projet. Dans ce magasin, le taux de retour y atteint 80 %. « Chez nous, Manon et Corinne qui ont la charge du rayon sec ont pris le projet à bras-le-corps. On a fait de l’affichage dans le magasin et expliqué aux clients l’importance de participer à ce cercle vertueux ».

Pour augmenter le nombre de points de collecte, France Consigne mène des tests avec une cible incontournable, la grande et moyenne distribution. L’intégrer au projet est l’un des deux grands enjeux de la filière. L’autre étant la mise en place de mesures incitatives envers les clients pour accroître le taux de retour. Notamment par la mise en place d’une consigne monétaire. « Certains projets la mettent en place, d’autres non, reprend Clémence Richeux. La consigne monétaire n’est pas le seul levier à explorer. A mon avis, si elle est mise en place, ce doit être au niveau national et inscrit dans la loi. » Car derrière la consigne monétaire, se cache un coût à l’achat plus important pour le consommateur…