France

Immeubles effondrés à Marseille : « Antoinietta Vaccaro était une femme très seule »

Il est 16 heures, ce mardi, quand le père Rémy de Mauvoisin accepte de nous recevoir dans son bureau de la paroisse du Saint-Michel Archange, au cœur du quartier du Camas à Marseille. L’homme d’Eglise est vigilant, presque méfiant à notre égard :  « Je ne veux pas qu’on enjolive son histoire. » L’histoire à laquelle fait référence le père Rémy est celle d’Antoinietta Alaimo, épouse Vaccaro. Cette octogénaire occupait le premier étage du 17 rue Tivoli, l’immeuble qui s’est effondré dans la nuit de samedi à dimanche.

Elle fait partie des victimes déplorées ce mardi matin en conférence de presse par la procureure de la République de Marseille, Dominique Laurens. Dans la presse justement on lit d’Antoinietta qu’elle était « quelqu’un de très joyeux, de coquet et très connue des commerçants », comme le confiait sa nièce Martine à nos confrères de La Provence. Pourtant après avoir interrogé les commerçants du quartier et les quelques paroissiens autour de Saint-Michel Archange ce mardi, très peu se souviennent de cette vieille dame.

Et pour cause. « Antoinietta, personne ne la connaissait vraiment ici », nous confesse le père Rémy de Mauvoisin. Le prêtre veut prendre un peu de distance avec cette idée de village qui entoure son quartier depuis l’heure du drame : « Antoinietta, c’est une femme qui était très seule. » 

« Après la messe, elle ne voulait parler qu’à moi »

L’octogénaire qui était aussi très pieuse, ne ratait pas une messe du dimanche. Assise toujours à la même place, tout à gauche de la paroisse et face à la Vierge. « Après la messe, elle ne voulait parler qu’à moi et attendait parfois de longues minutes que je puisse lui accorder un tête à tête », raconte ainsi le père Rémy de Mauvoisin. Le prêtre se souvient de cet accent italien très marqué qu’elle avait hérité de ses origines siciliennes. Il se souvient aussi de ce ton très saccadé, cette diction parfois difficile : « j’entendais à sa façon de s’adresser à moi qu’Antoinietta avait une grande souffrance intérieure ».

Ses proches, l’octogénaire, les comptaient visiblement sur les doigts de la main. C’est ce que confie Isabelle, l’une d’entre elles : « dans la vie d’Antoinietta il y avait moi, Michel, un bénévole de l’association Les Petits Frères des Pauvres, Martine, sa nièce et Annette, sa voisine du rez-de-chaussée. » Mais contrairement au père Rémy de Mauvoisin, Isabelle ne se souvient pas de cette souffrance : « mon amie Antoinietta c’était une vedette, un phénomène même. » Très coquette en effet, le père comme la paroissienne s’accordent tous deux sur ce point. « Elle portait toujours des talons et ne sortait jamais sans maquillage », raconte ainsi Isabelle. 

Selon l’homme d’Eglise, il y avait aussi chez Antoinietta une très grande générosité envers la paroisse. « Depuis plusieurs mois, elle m’apportait chaque dimanche un panier de fruits et légumes », raconte-t-il. Seulement ce panier, il lui arrivait de plus en plus souvent de l’oublier. « Elle me disait régulièrement que les gens lui volaient ses affaires mais je pense plutôt que c’est elle qui les perdait », raconte ainsi le prêtre. Celui qui la voyait chaque semaine et qui avait même partagé un déjeuner en sa compagnie rue de Tivoli en juin dernier, confie en effet que depuis quelque temps Antoinietta semblait plus fatiguée, plus confuse parfois : « depuis quelques semaines elle me disait qu’elle n’en avait plus pour longtemps. »