France

C’est quoi ce projet de ferme solaire sur une réserve d’eau potable ?

Elle assure la desserte en eau potable de 300.000 habitants de Marseille et de petites communes limitrophes. La réserve du Vallon dol, alimentée par les eaux du Verdon, torrent qui prend sa source dans les Alpes, construite en 1973 sur les hauteurs du nord de la ville, va également bientôt fournir de l’électricité. Après les feux verts de l’ARS (Agence régionale de santé) et de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), la préfecture a accordé en février un permis de construire pour un projet de ferme photovoltaïque flottante.

Dix des dix-sept hectares de ce bassin stockant trois millions de mètres cubes d’eau, soit l’équivalent de 3-4 jours de consommation totale de l’agglomération marseillaise, selon un calcul de l’Anses, vont pouvoir être couverts de panneaux solaires. Une première en France. Car s’il existe déjà des fermes d’énergies solaire flottantes, comme à Peyrolles-en-Provence, au nord d’Aix, cela n’a jusqu’à présent jamais été réalisé sur une retenue d’eau destinée à la consommation.

L’hypothèse de flotteurs en inox

C’est ce qui a attiré l’attention des riverains et collectifs citoyens, qui s’inquiètent d’une possible contamination en micro et nanoplastiques qui passeraient au travers des filtres de l’usine de traitement. « Pour les flotteurs, ce sont 447 tonnes de plastiques polyéthylène qui devraient être utilisées, un plastique qui se dégrade au soleil. Et le passage dans les organismes des micros et nanoplastiques a été documenté assez récemment. Notre crainte se situe à ce niveau-là », explique Philippe Musarella, médecin et président de l’association Pour la sauvegarde et l’animation du poumon vert de Saint-Mitre, quartier voisin du Vallon Dol.

Une crainte alimentée par le rapport de l’Anses, remis en octobre 2020, qui dans ses conclusions et recommandations attire notamment l’attention sur les « étapes de traitement de potabilisation qui ne sont pas efficaces pour traiter les polluants organiques qui pourraient éventuellement être relégués par les matériaux de la centrale flottante ».

Pour autant, ces riverains qui ont lancé une pétition « pour que le principe de précaution s’applique » ne sont pas opposés au projet. Ils se veulent plutôt « force de proposition et de surveillance ». « Ce sera une première en France, et il faut faire quelque chose d’exemplaire », estime Philippe Musarella, qui considère qu’il peut y avoir des alternatives, tel l’inox, à l’emploi du plastique pour les flotteurs. « Nous demandons la création d’un comité de suivi et d’avoir un droit de regard sur le cahier des charges de l’appel d’offres », résume-t-il.

Le souhait semble avoir été entendu du côté de la Société canal de Provence (SCP), concessionnaire de l’ouvrage et porteur du projet à 50/50 avec EDF renouvelable. Du moins sur le principe d’un comité de suivi « auquel seront associés les collectifs citoyens », assure la SCP. Elle l’est moins au sujet de l’inox. Pour la SCP « cette solution ne présente pas de faisabilité technique et le plastique est conforme aux réglementations sanitaires ». L’appel d’offres et son cahier des charges, prévus pour l’automne 2023, devraient confirmer cela.

Marseille surveille

La mairie de Marseille pourrait également surveiller de près ce cahier des charges. Dans une lettre adressée au préfet, à l’ARS, l’Anses et aux porteurs de projets (SCP et EDF), Sébastien Barles et Michèle Rubirola, élus écologistes de la ville de Marseille délégués à la transition énergétique et à la santé, demandent « l’étude d’alternative au plastique » et des « analyses complémentaires avec des retours d’expériences de Londres et Singapour », villes qui ont déjà expérimenté de tels dispositifs. Ils réclament par ailleurs « la levée du secret des affaires », notamment pour avoir accès aux compositions précises des plastiques et additifs employés.

Flotteur en inox ou plastique, ce projet de centrale photovoltaïque, qui attend toujours l’accord de la Commission de régulation de l’énergie – une simple formalité a priori –, devrait injecter dans le réseau une puissance de 10 mégawattheures. Les travaux pourraient être terminés dès la fin 2024, pour un montant que la SCP ne souhaite pas communiquer – d’autant plus que son plan de financement, qui pourrait être éligible à des dispositifs publics, n’est pas bouclé.

La SCP, qui gère plusieurs centaines de kilomètres de canaux et plusieurs ouvrages, produit déjà de l’électricité grâce à des aménagements hydroélectriques. Elle espère toutefois quadrupler, grâce au solaire, ses capacités de production à l’horizon 2027 pour atteindre l’autonomie énergétique. Dans ce cadre, les kilomètres de canaux, avec une exposition au soleil de Provence, présentent un potentiel inexploité. En espérant que ce ne soit pas un bien énergétique pour un mal sanitaire.