France

Une étude s’intéresse aux conséquences du passage à l’âge adulte en prison

En France, il existe deux types de détenus : les majeurs et les mineurs. Ceux qui n’ont pas encore 18 ans sont séparés des prisonniers adultes et placés dans des établissements spécifiques. En 2021, 598 jeunes ont fêté leur majorité entre quatre murs. Un anniversaire qui a de nombreuses conséquences, comme le souligne une étude publiée mardi par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire. « Ils changent de régime et de statut civil au cours de leur détention, avec des effets sur les conditions d’incarcération, leurs droits en prison, les liens familiaux, l’accompagnement socio-éducatif, mais aussi sur la perception et le vécu de la prison et de l’enfermement », écrivent Yaëlle Amsellem Mainguy et Isabelle Lacroix, les autrices de l’étude.

Durant 49 jours, en 2021 et 2022, les deux sociologues ont été à la rencontre de 108 jeunes, âgés de 15 à 23 ans, détenus dans sept prisons : deux établissements pénitentiaires pour mineurs, quatre maisons d’arrêt et un centre de détention pour femmes. Premier constat émanant de leurs entretiens et de leurs observations : près de la moitié des personnes interrogées ont arrêté leur scolarité avant 15 ans et « gagnent leur propre argent à partir d’activités légales ou non ». Quatre sur dix ont quitté le domicile familial ou l’institution où ils ont été placés dès leur 14-15 ans. « Nombre d’entre eux décrivent ensuite une grande précarité résidentielle, alternant hébergement chez des amis, à l’hôtel, dans des locations temporaires d’appartement via Internet, et font quelques allers-retours chez leurs parents. »

« La rupture est parfois brutale »

Les jeunes qui n’ont pas 18 ans peuvent être placés dans l’un des six établissements pénitentiaires pour mineurs, ou dans l’une des 47 maisons d’arrêt pour adultes qui disposent de places pour eux. Le passage en détention, remarquent les sociologues, permet de leur redonner quelques repères. « Ils sont contraints de reprendre l’école, n’ont plus de téléphone portable, ne peuvent plus boire d’alcool ni fumer » et sont encadrés par des éducateurs. Dans la cellule où ils vivent seuls, la télé est le plus souvent coupée la nuit. Contrairement aux détenus adultes, ils prennent leurs repas avec les autres et n’ont pas à cuisiner. « La prison pour mineurs réassigne ces jeunes au statut d’enfant tandis qu’ils avaient souvent déjà l’habitude de  » [se] débrouiller seuls  », d’être sujets de leur propre vie » , soulignent les deux autrices.

Et les sociologues notent que ces jeunes sont « peu préparés aux changements qu’implique le passage à la majorité » : « la fin de la prise en charge assurée par la PJJ, et donc la fin du lien avec des éducateurs, l’arrêt d’éventuels projets éducatifs commencés, et la diminution du nombre d’activités ». Or, signalent-elles, « la rupture est parfois brutale ». Une fois qu’ils ont rejoint une prison pour adultes « où il y a moins d’activités et où l’accès aux douches est variable », ils partagent leur cellule avec un autre détenu et redoutent d’être victimes de vols, de rackets ou de violences physiques. Certains jeunes qui s’apprêtent à fêter leurs 18 ans « dorment peu », se disent « inquiets », « tracassés », « angoissés » du changement de prison. « Ils appréhendent la prison pour majeurs comme un lieu où s’exerceraient davantage de violences lors des promenades en raison du nombre de détenus présents (…), de l’âge et des peines des autres détenus. »

Un manque d’informations

Globalement, les jeunes majeurs interrogés ont indiqué « ne pas avoir eu d’informations spécifiques sur les conditions et conséquences du passage à 18 ans en prison ». « C’est au cours de discussions informelles auprès des surveillants et des éducateurs qu’ils obtiennent des renseignements, s’appuyant sur les récits d’expériences de ceux qui ont déjà travaillé en prison pour adultes. » S’ils savent que c’est à partir du jour de leurs 18 ans qu’ils peuvent être transférés, les jeunes détenus « ignorent le plus souvent la date exacte de leur transfert », poursuivent les autrices, ajoutant que « cette période d’incertitude est anxiogène ». 

Les deux sociologues expliquent que la loi prévoit pourtant « que les jeunes puissent être maintenus dans leur établissement pour mineurs et quartiers des mineurs pendant six mois après leur majorité ». « Mais dans les faits, cela reste rare. »