Belgique

« Si j’étais honnête, je ne serais pas ici »: au tour des accusés de s’exprimer au procès des attentats de Bruxelles

Pour débuter l’interrogatoire, Laurence Massart a commencé par poser trois questions concernant la reconnaissance des faits : « Êtes-vous en aveu d’avoir participé aux faits qui ont abouti à la double explosion à Zaventem ? », a-t-elle interrogé, avant de poser des questions similaires pour Maelbeek et la participation à une organisation terroriste. À trois reprises, l’accusé a répondu par l’affirmative.

La présidente de la cour a ensuite demandé à Bilal El Makhoukhi de revenir sur plusieurs aspects de sa vie, notamment sa relation avec sa famille à l’heure actuelle. « Quand j’étais plus jeune, ça se passait bien avec les parents et, maintenant, ils viennent me voir en prison, on a toujours des contacts », a raconté l’accusé, confirmant ensuite que les rapports étaient plus compliqués avec l’un de ses trois frères.

Abordant le parcours scolaire chaotique et le début de vie active compliqué du trentenaire, Laurence Massart a indiqué que la mère de Bilal El Makhoukhi avait expliqué que son fils avait du mal à trouver du travail et que c’était difficile pour lui, car ses frères avançaient dans la vie. « Elle a dit ça pour me protéger », a soutenu l’accusé.

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Éludant le passage en Syrie de l’intéressé, qui sera abordé plus tard, l’interrogatoire s’est ensuite dirigé vers son retour en Belgique. « J’étais bien amoché », a reconnu Bilal El Makhoukhi. « Je devais recommencer à marcher, car j’ai une prothèse en dessous du genou. Je n’ai pas été au centre de rééducation, je l’ai fait par moi-même. » Sur sa santé psychologique : « le moral n’était pas bon, quand je suis revenu, ça a été un choc. J’étais tellement dans l’ambiance là-bas que j’avais l’impression de n’avoir jamais vécu ici (…). Je ne suis pas revenu volontairement. J’ai essayé de me faire soigner en Syrie, ça n’a pas marché. On m’a placé des broches extérieures, puis j’ai été en Turquie et on m’a mis des broches intérieures. J’avais encore mon pied à ce moment-là, mais il ne fonctionnait plus, la balle avait transpercé et coupé les nerfs. J’ai donc été amputé ici en Belgique. »

« À mon retour, je suis déprimé, j’ai envie de retourner en Syrie. Je n’avais pas de loisirs, je lisais des livres religieux. J’avais gardé des contacts avec des gens sur place pour essayer de repartir », a déclaré l’accusé. « Quand j’ai été arrêté, j’avais une fenêtre pour repartir grâce à Laachraoui et El Bakraoui. »

Interrogé sur ses relations avec les autres protagonistes du dossier, Bilal El Makhoukhi a expliqué avoir connu Hervé Bayingana Muhirwa par un ami commun. « On allait au café tous les trois », a-t-il dit.

En Syrie, il admet avoir rencontré Abdelhamid Abaaoud, le coordinateur des attentats de Paris. C’est aussi là-bas qu’il se liera d’amitié avec Najim Laachraoui, l’un des kamikazes de Zaventem, qu’il ne connaissait que de vue lorsqu’il vivait en Belgique. Il a également admis avoir bien connu Khalid El Bakraoui, qui s’est fait exploser à Maelbeek.

La présidente de la cour a ensuite demandé à l’accusé quelles étaient ses qualités et ses défauts. Face à l’absence de réponse, elle a alors déroulé les attributs cités par Bilal El Makhoukhi lors de ses auditions et celles données par sa famille. « Vous êtes protecteur envers vos frères, pas méchant, pas extravagant, réfléchi, pas influençable, honnête… ». « Si je l’étais, je ne serais pas ici », a réagi le trentenaire. Concernant les défauts, ce dernier a reconnu à demi-mot être têtu, parfois sec et renfermé.

Pour finir, Laurence Massart l’a questionné sur sa kounia (nom de guerre, NDLR). « Vous avez longtemps nié porter la kounia Abou Imrane, mais en juillet 2022, vous l’avez reconnu. Pourquoi ce revirement ? » « Il y a le fait que mes avocats m’ont convaincu, mais aussi les écoutes à la prison de Bruges. Sans ça, j’aurais peut-être continué à nier », a reconnu Bilal El Makhoukhi.

Connu pour son départ en Syrie où il est parti combattre le régime dans les rangs de l’État islamique (EI), Bilal El Makhoukhi a, selon l’enquête relative aux attentats du 22 mars, apporté son aide à la cellule bruxelloise en tenant un rôle logistique. Il aurait également été à l’origine du recrutement de Hervé Bayingana Muhirwa.

BRUSSELS, BELGIUM - APRIL 05 : Start of the trial of the attacks of Brussels. On March 22 2016, 32 people were killed and 324 got injured in suicide bombings at Zaventem national airport and Maalbeek/ Maelbeek metro station. Hervé Bayingana Muhirwa pictured on 05, 2023 in Brussels, Belgium, 05/04/2023 ( Photo by Philip Reynaers/ Photonews
Hervé Bayingana Muhirwa ©PRE

« J’ai une part de responsabilité » dans les attentats, reconnait Hervé Bayingana Muhirwa

Hervé Bayingana Muhirwa a reconnu, mercredi, lors de son interrogatoire de personnalité par la présidente de la cour d’assises de Bruxelles, avoir « une part de responsabilité » dans les attentats du 22 mars 2016. « Je m’expliquerai au moment voulu », a-t-il déclaré. Il a cependant une nouvelle fois démenti être « Amine », et a répété ne pas savoir de qui il s’agissait. Laurence Massart a de nouveau retracé le chemin de vie de l’accusé, de sa naissance à Kigali à aujourd’hui, revenant sur les étapes marquantes de son existence, comme l’assassinat de son père, opposant politique, l’exil du reste de la famille lors du génocide en 1994, son arrivée en Belgique ou encore le décès de son petit frère en 2011.

Après un début de vie compliqué pour des raisons géopolitiques, Hervé Bayingana Muhirwa parvient tout de même à mener une vie « classique » en Belgique, il suit des études secondaires en comptabilité, qu’il finira par compléter par un bachelier dans le domaine. Tout son entourage travaille dans le social, où il finit également pas trouver sa voie : il travaille dans un centre de la Croix-Rouge pour réfugiés lors de son arrestation en avril 2016. Un travail « d’ordre social, c’est plus gratifiant que la comptabilité. On travaille avec des humains, c’est venir en aide à des gens qui ont eu quelque part le même parcours que moi, des gens qui ont dû quitter leur pays pour une vie meilleure ici », a-t-il déclaré.

« Mais que faites-vous dans un box d’accusés ? », lui a demandé la présidente après la présentation de son curriculum vitae des plus classiques, soulignant le total décalage entre sa volonté affichée de faire le bien et sa présence dans un tel dossier. « Ce sont des circonstances (…) que je regrette énormément. Pas les rencontres, mais ce qui m’a amené ici. »