Belgique

Le gouvernement bruxellois impose l’écharpe non genrée aux bourgmestres et échevins: « Je ne vois aucun argument historique pour valider ce choix »

En un sens, la décision est historique… Depuis 1837, les bourgmestres et échevins de la Région bruxelloise sont soumis à un arrêté royal qui leur impose le port de l’écharpe autour de la taille.

Les changements concernent la manière dont devra être portée l’écharpe, mais aussi le modèle de l’étoffe.

En pratique, les couleurs des écharpes des échevins, jaune et noire, qui représentaient les couleurs du Brabant, sont remplacées par les couleurs de la Région bruxelloise, bleu et jaune, pour “valoriser l’ADN bruxellois”, comme le précise le ministre bruxellois Bernard Clerfayt (Défi), dont émane la proposition. Il veut ainsi, à quelques jours de la fête de l’Iris, rendre hommage à l’histoire de Bruxelles

Les trois couleurs de l’écharpe du bourgmestre (noire, jaune et rouge) restent inchangées.

Il sera donc demandé aux bourgmestres et échevins de modifier leur manière de porter l’écharpe, de manière à l’uniformiser “à la française”, de l’épaule gauche à la main droite, pour tous les bourgmestres et échevins. Le cabinet du ministre assure qu’il “ne sera donc plus question de masculiniser la pratique qui imposait jusqu’à présent le port autour de la taille”.

Le port à la ceinture, c’est masculin ?

Le présupposé de cette réforme, toutefois, étonne. En quoi le port d’une écharpe autour de la taille serait-il au fond plus masculin que féminin ? “C’est la coutume qui associe le port à la taille aux hommes”, se borne à répondre la porte-parole du ministre Clerfayt.

Face à la féminisation de la fonction, il était urgent de proposer une écharpe non genrée qui convient à toutes et tous”, ajoute Bernard Clerfayt. Le ministre des Pouvoirs locaux, qui, par le passé, n’a que rarement été suspecté de wokisme, prolonge son argumentaire. “Nous comptons maintenant cinq femmes bourgmestres en Région bruxelloise et je me réjouis que la fonction se féminise. Nous devons donc adapter le port de l’écharpe et ne plus faire de distinction entre les sexes. Le port de la ceinture est historiquement plus masculin.

L’argument serait donc historique. Qu’en pensent les spécialistes ?

guillement

Historiquement, le port de l’écharpe à française était plutôt associé protocolairement aux bourgmestres, et à la ceinture aux échevins. Je ne vois pas donc pas d’argument historique dans cette décision. »

Historiquement, le port de l’écharpe à la française était plutôt associé protocolairement aux bourgmestres, et à la ceinture aux échevins. Je ne vois donc pas d’argument historique dans cette décision”, analyse Marieke De Baerdemaeker, conservatrice du musée de la Ville de Bruxelles, qui nous soumet une représentation du costume d’Adolphe Max, bourgmestre de Bruxelles au début du XXe siècle, d’un échevin en 1920, mais aussi d’une échevine, en 1955, qui porte l’écharpe à la ceinture. “À l’époque, il n’y avait pas que l’écharpe, mais aussi tout un costume d’apparat, avec le col brodé et le chapeau.”

guillement

Je ne trouve a priori pas que le port de la ceinture soit genré. Historiquement, les femmes mettent davantage leur taille en valeur par la ceinture. »

Stop à la déconstruction du genre !

Alexandre Samson, historien de la mode et commissaire d’expo au Palais Galliera, musée de la mode de Paris, approuve l’analyse. “Je ne trouve a priori pas que le port de la ceinture soit genré. Historiquement, les femmes mettent davantage leur taille en valeur par la ceinture. Dans ce cas-là, il me semble plus non genré de laisser le choix de l’écharpe ou de la ceinture. Je ne vois pas, moi non plus, d’argument historique pour valider ce choix”.

L’argument de confort est évoqué. “C’est une vieille demande que j’entends d’échevines qui me disent que porter l’écharpe à l’ancienne n’est pas adapté pour elle”, précise Bernard Clerfayt.

Mais pourquoi, s’il ne s’agit que de confort, ne pas avoir suivi l’exemple de la Wallonie qui, en 2006, a choisi de laisser le libre choix entre le port à la taille ou “à la française ?

Il s’agit “d’imposer le port en diagonal pour ne pas faire de distinction entre les genres”, précise le cabinet du ministre bruxellois des Pouvoirs locaux.

Depuis très longtemps déjà, plus personne ne porte l’écharpe à la ceinture dans notre commune. Pour moi, le port à la ceinture ou à l’épaule, cela n’a rien de masculin ou féminin. C’est juste plus pratique à l’épaule”, souligne Claire Vandevivere (Les Engagés), bourgmestre de Jette, qui n’a, selon nos informations, pas été sanctionnée pour son entorse au règlement.

La Région flamande a quant à elle modifié en 2007 son règlement mais en instaurant la possibilité de porter l’écharpe à la ceinture ou à l’épaule.

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“Que chacun la porte comme il le souhaite”

Certains, au sein de l’opposition, ne sont pas loin de soupçonner le gouvernement bruxellois d’avoir tenté un coup de communication…

Quand on voit les problèmes de la Région bruxelloise, on est rassuré sur le fait que le gouvernement s’attaque aux priorités”, ironise David Leisterh, président du MR bruxellois.