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Couronnement de Charles III : La prétendue indifférence des Britanniques pour l’événement est-elle feinte ?

Elton John, pourtant associé de longue date à la monarchie britannique, a décliné l’invitation. Harry Styles, Adele, les Spice Girls auraient aussi fait savoir qu’ils ne sont pas disponibles pour se produire lors du concert organisé dimanche au château de Windsor pour fêter le sacre du roi Charles III.

Il n’y a pas que chez les artistes que l’événement manque de soulever l’enthousiasme. Le gouvernement canadien, deuxième pays le plus peuplé du Commonwealth, a tardé à annoncer le programme des festivités sur son sol. En Australie, on se demande de plus en plus ouvertement si l’avenir n’est pas la république.

A première vue, au Royaume-Uni, l’enthousiasme n’est guère plus partagé. Dans les rues de Londres, jeudi, seules les boutiques sont pavoisées. Pas ou peu de drapeaux aux fenêtres des appartements. Sondage après sondage, les Britanniques déclarent leur indifférence pour l’événement, voire estiment qu’ils ne doivent pas payer pour les trois jours de festivités. 51 % d’entre eux jugent que le gouvernement ne doit pas financer le couronnement, selon un sondage YouGov réalisé le 18 avril. Le pourcentage monte à 64 % chez les sympathisants du parti travailliste et à 58 % en Ecosse, une terre où le soutien à la monarchie fluctue traditionnellement.

« Devrions-nous payer pour la fête du roi ? »

La question du financement fait débat jusque dans les councils, ces autorités locales chargées de l’administration de la vie quotidienne. « Devrions-nous payer pour la fête du roi ? », s’interrogeait en février le Southern reporter, un journal du sud de l’Ecosse. En cause, une subvention de 50.000 livres (56.700 euros) pour aider les Ecossais qui veulent organiser des street parties. Le week-end du sacre, tous les Britanniques sont invités à organiser des fêtes de rue, souvent sous forme de banquet.

Une manière traditionnelle de célébrer un événement royal, mais dont le financement en partie public passe mal dans certains endroits. Dans cette région de l’Ecosse, le council conservateur a annoncé en février son intention d’aider les communautés locales à organiser ces fêtes. « Les gens peuvent choisir de célébrer le couronnement du roi en mai mais à une période où les gens ont du mal à chauffer leur maison et à mettre de la nourriture sur la table à cause de la crise du coût de la vie, nous ne pensons pas qu’il est juste d’utiliser de l’argent public de cette manière », avait expliqué en février au Southern reporter Fay Sinclair, une élue locale du Scottish national party. Une trentaine de communautés de cette région ont finalement reçu des subventions allant de 200 à 500 livres.

« Cette indifférence [proclamée], c’est tout à fait normal »

Même la pluie est annoncée pour jouer les trouble-fêtes samedi. Alors, les Britanniques vont-ils bouder l’événement ? Malgré ce qu’ils déclarent aux sondeurs, ils pourraient bien profiter de la fête quand même. Une grande majorité de councils ont autorisé la tenue de fêtes et ont même alloué de petites subventions pour aider à l’achat de fournitures.

« Cette indifférence [proclamée], c’est tout à fait normal. On l’a retrouvée avant les Jubilés de la reine, avant les Jeux Olympiques, rappelle à 20 Minutes le docteur Sean Lang, maître de conférences en histoire à l’université Anglia Ruskin. Cela fait partie d’être Britannique d’être un peu cynique. »

La défiance envers la monarchie n’est pas nouvelle, elle existait déjà à l’époque de la reine Victoria, au XIXe siècle, rappelle l’historien. « Même en 1977, c’était la même chose, on critiquait le jubilé [pour fêter les 25 ans du couronnement de la reine Elisabeth II] et finalement ça a été un succès. En 2002, cinq ans après la mort de Diana, pour le jubilé d’or, c’est inouï, personne n’aurait prédit le succès qu’il y a eu. »

Le Times, qui se demande si le Royaume-Uni ne serait pas une nation « de royalistes en secret », le rappelle : l’enterrement de la reine en septembre a réuni plus de téléspectateurs que la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Londres en 2012. « La famille royale est notre grand feuilleton national », souligne le quotidien conservateur.

« Ce qui me frappe, c’est la façon dont Charles et sa femme, Camilla, ont regagné beaucoup d’affection parmi le peuple, enchaîne Sean Lang. En septembre, quand il a été acclamé roi, moi-même, j’ai été surpris de l’intérêt qu’il y a eu. A mon avis, la monarchie a toujours la capacité de surprendre. » Réponse ce week-end.