Belgique

”Pour bien lire, c’est comme pour bien jouer au football, il faut s’entraîner”

L’opération “Tout le monde lit” a été lancée dans la foulée des résultats catastrophiques de l’étude PIRLs (Programme international de recherche en lecture scolaire) en 2016. Ceux-ci révélaient que la compréhension à la lecture des élèves belges francophones, à 9 ans, ne dépasse pas le niveau de compétence le plus élémentaire. Plutôt que de rester les bras croisés face à ce constat, l’Adeb (Association des éditeurs de Belgique), la Foire du livre de Bruxelles et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont mis cette opération sur pied avec pour objectif de redonner le goût de la lecture.

Comment ? En instaurant un quart d’heure de lecture quotidienne en classe, en distribuant des boîtes à livres et un feuillet pédagogique aux enseignants.

Les résultats ne se sont pas fait attendre. Les enseignants ont remarqué une plus grande curiosité chez les enfants, un esprit critique plus aiguisé et même un mieux-être général au sein de l’établissement. Pour l’heure, 175 classes ont relevé le défi. Un bon début…

Écrivains en herbe

Lauréats du concours d’écriture initié par l’opération “Tout le monde lit”, les élèves de la classe de quatrième primaire de Jessica Castronovo sont fiers de rencontrer Marie Colot et de leur poser les questions qui leur brûlent les lèvres : Pourquoi est-elle devenue autrice ? Quel est son livre préféré ? Les Zozos existent-ils réellement ?

Marie Colot, c’est l’autrice, une des belles plumes de la littérature jeunesse, qui, dans le cadre de l’opération “Tout le monde lit”, a écrit un début de roman pour les enfants. Les élèves devaient inventer la suite de Carrément zarbi !, ou l’histoire des inséparables zozos, Zhong, Zéphir, Abdelaziz et Zazou.

Voisins d’immeubles, aux parois bien fines, ces quatre-là sont toujours montrés du doigt lorsqu’un problème surgit. Pour y échapper, ils se réfugient dans la cave, leur repaire de reporters. Mais voilà qu’arrive un nouveau voisin, pour le moins menaçant. Quelle suite vont imaginer les apprentis écrivains ? Et bien, figurez-vous que le voisin sera journaliste et peut-être pas si bizarre…

Les élèves, désormais aguerris au schéma narratif, décrivent avec talent l’intérieur du nouveau venu, manient l’art du dialogue et proposent une suite très cohérente et intéressante au lancement de Marie Colot. La preuve par ce petit livre imprimé, édité par “Tout le monde lit”, qu’ils découvrent des étoiles plein les yeux le jour de la remise du prix.

Un beau cadeau et le résultat concret de leur engagement, soutenu par une institutrice très impliquée, Jessica Castronovo, à l’enthousiasme communicatif. “Ce projet propose aux enfants autre chose que ce qu’ils connaissent. Aujourd’hui, ils vont spontanément vers le livre. Ils ont compris qu’il y avait plein de mots qu’ils ne connaissaient pas. Pour eux, la lecture est un moment d’évasion”.

Les élèves belges francophones parmi les pires lecteurs d’Europe

Les livres préférés de Mohammed et d’Othniel

Très motivé, Mohammed nous annonce qu’il sera, plus tard, architecte, ingénieur et écrivain. “Mon livre préféré, c’est les Dalton, car cela parle de prison. Chaque fois, ils essayent de s’enfuir mais cela ne marche pas. Des quatre, c’est Joe que je préfère car il est le plus petit et le plus intelligent.

Moi, nous dit d’Othniel, “c’est Les trois étoiles (NdlR : de Gwenaëlle Boulet et Aurélie Neyret, Bayard jeunesse). La famille de Tarek doit quitter la Syrie. Leurs visages tristes, cela m’a touché. Surtout quand je voyais Tarek pleurer. C’est triste car il y a la guerre dans son pays.

« Mon livre préféré, c’est “Les trois étoiles” avec la famille de Tarek qui doit quitter la Syrie. Leurs visages tristes, cela m’a touché.”

Président de l’Adeb, Simon Casterman, présent lui aussi lors de la remise du prix, insiste sur la présence de livres dans les classes pour que l’opération soit efficace. Et si les résultats de l’enquête PIRLS sont si médiocres, c’est, selon lui, parce que “on ne demande plus aux élèves de se plonger dans un texte long, on ne demande plus l’effort d’approfondir le texte. Il importe de maîtriser la langue, de pouvoir analyser l’oralité, de travailler la poésie. Cela demande aussi de l’imagination, de la persévérance et une formation plus complète des enseignants. La langue est un outil que les enfants devront maîtriser pour s’inscrire dans la société de demain. Je leur dis souvent que pour bien lire, c’est comme pour bien jouer au football, il faut s’entraîner “.

Plus d’infos : toutlemondelit.be