Belgique

Plus d’endroits interdits aux fumeurs, le prix du paquet en hausse : le plan anti-tabac du gouvernement laisse les tabacologues perplexes

Il faut dire que le tabagisme est un puissant accélérateur de maladies cardiovasculaires et de cancer. Chaque année, il provoque en effet près de 15.000 décès prématurés en Belgique et il reste le facteur numéro un pour de nombreux cancers, et pas seulement celui du poumon. Selon la Fondation contre le Cancer, 24 % de la population de notre pays fume, dont 19 % quotidiennement (et ce, à raison d’environ 14 cigarettes par jour).

Face à cette situation, le gouvernement fédéral s’est engagé au début de cette législature à œuvrer en faveur d’une génération sans tabac. Ce qui signifie que les enfants et les jeunes nés à partir de 2019 peuvent grandir sans tabac et donc, ne jamais commencer à fumer eux-mêmes. “Nous misons résolument sur un plan anti-tabac avec de grandes ambitions pour une génération sans tabac, explique le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke. Pour ce faire, nous allons rendre le tabagisme moins attrayant et plus difficilement accessible. Notre objectif ultime est que les enfants soient de moins confrontés aux cigarettes dans l’espace public. Nous voulons créer une génération sans tabac, c’est la raison pour laquelle nous voulons supprimer toutes les incitations qui peuvent pousser à fumer”.

Ce mardi, le ministre de la Santé publique a présenté dix actions concrètes du Plan Tabac qui seront mises en place prochainement. L’objectif ? Créer une véritable génération sans tabac.

Consommation de tabac en Europe
Consommation de tabac en Europe ©IPM Graphics

De plus en plus d’endroits interdits aux fumeurs

À partir du 1er janvier 2025, une interdiction de fumer sera appliquée dans de nombreux endroits du pays, notamment là où se rendent beaucoup d’enfants et de jeunes.

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On regrette le décalage entre l’annonce et la mise en place des mesures »

“Nous continuons à élargir la liste des lieux publics où il est interdit de fumer. Ainsi, il est également interdit de fumer sur et à côté des terrains de sport, à l’exception des terrasses horeca situées à proximité d’un terrain de sport, dévoile le ministre de la Santé. Une zone fumeurs à l’abri des regards peut toutefois être aménagée à ces endroits. Nous voyons souvent des personnes fumer à l’entrée et à la sortie des établissements de soins et des écoles. Nous voulons donc également éviter à l’avenir ce “rideau de fumée” (ce qui s’applique heureusement déjà à plusieurs endroits)”.

À partir du 1er janvier 2025, il sera interdit de fumer dans un périmètre de 10 mètres à l’entrée et à la sortie des établissements de soins, d’accueil et d’enseignement, ainsi que des bibliothèques publiques. L’obligation de signaler cette zone non-fumeurs sera également introduite. La Chambre a voté récemment une loi qui interdit la vente de cigarettes via des distributeurs automatiques à partir de 2024. La volonté fédérale est de réduire encore les points de vente. Il est question, par exemple, d’interdire l’achat de paquets de cigarettes au bar, dans les cafés et dans les festivals à partir du 1er janvier 2025.

Face à ces changements, plusieurs tabacologues regrettent leurs entrées en vigueur assez tardives. “Attendre 15 mois n’est pas un délai déraisonnable, estime pour sa part le ministre. Il faut laisser le temps aux hôpitaux de pouvoir s’organiser, tout comme les supermarchés. Je ne crois pas qu’on doit rendre totalement impossible cela immédiatement, il faut une transition pour rendre cela le plus efficace et adapté possible. C’est un changement important qui nécessite une période d’adaptation”.

Interdiction de vendre des produits du tabac

Les points de vente temporaires – tels que les festivals – ne seront plus autorisés à vendre des produits du tabac à partir de 2025. Le gouvernement fédéral a également conclu un accord pour mettre fin à la vente de tabac aux supermarchés d’ici 2028. L’interdiction de la vente de produits du tabac dans les supermarchés de plus de 400 m² sera avancée. Quant à eux, les établissements horeca pourront continuer à vendre du tabac. Les espaces fumeurs resteront également autorisés, mais leur accès sera interdit aux mineurs.

Consommation de tabac chez les femmes
Consommation de tabac chez les femmes ©IPM Graphics

Interdiction d’exposer des produits du tabac

Une interdiction d’étalage (display ban) sera d’application à compter du 1er janvier 2025. À partir de cette date, il sera illégal pour quiconque d’exposer des cigarettes, des vapes, etc. de manière visible dans le magasin. Les produits devront être placés dans une pièce séparée ou rangés dans un tiroir ou une armoire afin de ne pas être exposés.

Le prix du paquet à 10 euros

Les prix des cigarettes, du tabac à rouler et des cigarettes électroniques augmenteront fortement le 1er janvier. L’impact d’une série de décisions qui ont été prises au moment de la formation du gouvernement et lors de la confection du budget 2024 se traduit par une augmentation des accises nominales totales de 52 euros par 1000 cigarettes et de 42,6 euros par kilo de tabac à fumer.

Pour un paquet de cigarettes, le prix augmenterait donc d’environ 2 euros (donc plus ou moins 25 %, en fonction du prix fixé par le fabriquant, évidemment). Pour les cigarettes électroniques, une accise de 0,15 euro par ml est instaurée.

Pour Laurence Gilson, tabacologue au sein de l’institut Jules Bordet depuis 2006 et qui intervient dans des écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, une augmentation des prix, seule, ne suffit pas. “Une hausse de 2 euros est toujours plus impactante qu’une augmentation de 20 centimes mais je trouve que dans ce nouveau plan, on ne mentionne pas l’aide aux jeunes, souligne-t-elle. Encore hier, un patient me disait que c’est bien beau d’augmenter le prix du paquet mais qu’il faut aussi rendre plus accessibles les substituts à la nicotine. Une boîte de patchs pour trois semaines coûte près de 60 euros et n’est pas remboursée, c’est un point qui n’est jamais relevé. De plus, les séances chez les tabacologues restent méconnues et elles ne sont remboursées que partiellement”.

Contrôles plus stricts, avec possibilité de fermeture

En 2024, nous organiserons une vaste campagne de contrôle par rapport à la vente et à la publicité du tabac. Les services d’inspection de la DGAPF au sein du SPF SPSCAE, chargés du contrôle de la législation sur le tabac et le tabagisme, disposeront à partir de l’année prochaine de compétences supplémentaires dans le cadre de la protection de la santé publique. Ainsi, s’ils constatent des infractions, ils pourront procéder à une éventuelle fermeture de l’établissement contrôlé (celle-ci pouvant aller d’une heure à 30 jours). La même extension des possibilités d’action est également envisagée pour l’administration des douanes et accises.

Politique plus stricte en matière de cigarettes électroniques

L’arrêté royal concernant la cigarette électronique interdit déjà les fonctionnalités attrayantes de l’objet, telles que les lumières. De même, l’arôme de la cigarette électronique ne peut figurer sur l’emballage que de manière neutre. Cet AR est en vigueur depuis juillet 2023, mais une phase transitoire reste d’application pour les détaillants jusqu’au 11 janvier 2024. Nous voulons également interdire la cigarette électronique jetable à partir de 2025.

Extension de l’interdiction de fumer dans les moyens de transport

Il était déjà interdit de fumer dans les transports publics (train, tram, bus, etc.), mais nous étendons désormais cette interdiction aux transports professionnels de personnes : taxis, bus, etc. Cette interdiction entrera immédiatement en vigueur au moment de la publication de la loi (printemps 2024).

”Il est plus logique d’interdire la consommation dans les différents lieux publics, au moins la règle est la même partout, réagit Laurence Gilson. Toutefois, on peut regretter la mise en place tardive de certaines mesures (notamment en 2025 pour les interdictions de lieux). On sait qu’en politique, le fait de reporter l’application d’un plan au prochain gouvernement peut poser certains soucis ou retards supplémentaires, c’est dommage de constater un décalage entre les annonces et la mise en place des mesures. D’autant plus qu’on parle d’un réel problème de santé publique. Il faut aussi souligner le manque d’investissement en matière de prévention dans les écoles, les interdictions sont importantes mais le volet préventif et pédagogique auprès de nos jeunes est tout aussi important”.

Interdiction des sachets de nicotine

Les sachets de nicotine – comme les cigarettes électroniques/vapes – peuvent être un tremplin vers le tabagisme à un âge précoce. Depuis le 1er octobre 2023, la vente de sachets de nicotine est interdite dans notre pays. Nous agissons de la sorte parce que la protection de la santé des enfants et des jeunes est une priorité absolue.

Traitement par substituts nicotiniques

Le remboursement des thérapies de substitution nicotinique pourrait apporter aux fumeurs l’aide dont ils ont besoin pour arrêter de fumer. La littérature montre que ces TSN (thérapies de substitution nicotinique) peuvent être une aide au sevrage tabagique à long terme. Un dossier sur les substituts nicotiniques est en cours d’examen par la Commission de remboursement des médicaments. Une décision sera prise au printemps 2024.

Extension de la réglementation à tous les produits du tabac et produits similaires

Certaines règles déjà imposées aux cigarettes classiques ne s’appliquent pas encore aux autres produits du tabac. En 2024, nous étendrons donc la réglementation existante. Les cigares et les cigarillos feront notamment l’objet d’un avertissement sanitaire combiné et un emballage standardisé sera obligatoire pour tous les produits du tabac et les produits à fumer à base de plantes. La vente de tabac en ligne était déjà interdite, mais nous allons maintenant étendre cette interdiction aux appareils permettant de fumer des produits à base de tabac ou des produits à base de plantes (vapes, pipes à eau, etc.). Nous prévoyons également d’ores et déjà l’obligation d’inclure une notice dans chaque unité de conditionnement de tous les produits du tabac. La forme que devrait prendre cette notice est en cours d’élaboration.