Belgique

Ces scandales qui font vaciller la démocratie en Belgique

La montée du PTB ces dernières années au sud du pays et à Bruxelles ainsi que le retour en grâce du Belang auprès de nombreux Flamands sont-ils des conséquences de ces affaires ?

”Les scandales politiques de ces dernières semaines sont dangereux pour la démocratie parlementaire belge”

Circonscrit au niveau local

Il est évident qu’on ne peut répondre à cette question de manière simpliste. Quatre politologues belges (Caroline Close-ULB, Jérémy Dodeigne-UNamur, Sofie Hennau- UHasselt et Min Reuchamps-UCLouvain) se sont penchés sur cette question à l’occasion du scrutin communal d’octobre 2018. En plein scandale Publifin-Nethys, les universitaires ont questionné 3 978 personnes à la sortie des urnes dans une quarantaine de communes wallonnes, bruxelloises et flamandes. “L’originalité de notre contribution fut d’analyser si de tels scandales avaient un effet circonscrit au niveau local, ou si un effet boule de neige était observé pour l’ensemble des autres niveaux de pouvoir. On a vu que les partis traditionnels ont souffert à l’inverse de ceux qui n’étaient pas au pouvoir, explique Caroline Close du Cevipol (Centre d’études de la vie politique-ULB). Nous avons constaté que le taux de confiance était plus bas à l’égard des bourgmestres et des échevins des communes visées par les scandales. Ce manque de confiance n’atteignait pas les autres niveaux de pouvoir. On peut donc en déduire que les citoyens peuvent clairement identifier qui sont les responsables dans une affaire.”

Et donc, clairement, les partis non concernés sont vus d’un œil plus favorable par l’électeur. C’est ce qui se produit aujourd’hui avec le PTB, qui surfe sur les bonus pensions des députés dans différentes assemblées du pays. “Ils sont vus comme un parti hors du système. C’était le cas d’Écolo par le passé qui jouait aussi beaucoup sur les questions de bonne gouvernance. On constate désormais que lorsqu’ils sont au pouvoir ils apparaissent comme faisant partie de la particratie rejetée par les citoyens.”

Les quatre auteurs de cette étude soulignent “l’importance des comportements éthiques des mandataires politiques pour limiter l’émergence d’un sentiment de méfiance envers la classe politique ». « La baisse de confiance politique n’est donc pas une fatalité, font-ils valoir, mais la conséquence de l’intégrité du personnel politique.” L’étude se garde cependant bien d’établir un lien direct. “Ces données nous permettent de souligner un lien statistique entre scandales politiques et confiance politique, mais non d’affirmer un lien de causalité directe. Il nous aurait fallu pour cela mesurer la confiance des citoyen (nes) avant et après l’irruption de chaque scandale politique – un exercice difficile, car on ne peut prédire ce type d’évènement.”

Une affaire de cadrage

Les auteurs de l’étude considèrent aussi que la perception d’un scandale politique est aussi une affaire de cadrage. “Il faut voir à quel point les citoyens sont informés de ces scandales mais aussi la manière dont les politiques eux-mêmes vont les cadrer. À chaque fois, il faut voir si les partis concernés parviennent à circonscrire la faute aux personnes incriminées. Prenons l’exemple de Marc Tarabella (NdlR : député européen PS englué dans le Qatargate) qui a été suspendu très rapidement par son parti. Dans ce cas-ci, on blâme l’individu”, analyse encore Caroline Close.

La politologue détaille trois comportements d’électeurs face au scandale. “Il y a d’abord ceux qui n’ont absolument pas confiance dans le monde politique. Chez ceux-là, bien entendu, ça érode encore la confiance. Il y a ceux, ensuite, qui conservent une certaine confiance dans les institutions. Chez ceux-là l’effet est plus limité. Enfin, il y a le biais militant. Plus vous êtes attachés à un parti, plus vous aurez du mal à croire ce que l’on vous présente et plus il vous sera difficile de changer votre vote.”

Pour conclure, si on peut considérer que les comportements négatifs d’un mandataire détériorent l’image de ce dernier, personne ne s’est encore vraiment penché sur la manière dont un homme ou une femme politique peut “regagner la confiance ». « On peut même se demander s’il est possible de la regagner ?”, explique Madame Close. Les scrutins (fédéral, régional et européen) de juin 2024 et d’octobre 2024 (communal et provincial) seront à ce titre intéressant à suivre. “Même si on constate que plus un scandale est éloigné d’une élection et moins il a d’impact”, conclut Caroline Close.

Quel est l’impact des affaires sur le comportement électoral ? Une étude universitaire a tenté de répondre à cette question.
Quel est l’impact des affaires sur le comportement électoral ? Une étude universitaire a tenté de répondre à cette question. ©IPM

Les principaux scandales politiques récents

2008-2022 : l’affaire Intradel-Alain Mathot. Une longue affaire de marché public concernant un incinérateur qui trouvera son épilogue avec la condamnation de l’ancien député-bourgmestre de Seraing Alain Mathot (PS).

2014 : le Kazakhgate. Une affaire internationale de trafic d’influence qui touche directement l’ancien président de la Chambre Armand Dedecker (MR) – décédé en 2019 – qui était aussi l’avocat de l’homme d’affaires belgo-kazakh Patok Chodiev, dont le nom revient souvent dans cette histoire. L’affaire clôturée en Belgique est toujours à l’instruction en France.

2014-2023 : l’affaire Duferco. L’histoire se terminera en 2023 par la condamnation de l’ancien ministre et ancien bourgmestre de Waterloo, Serge Kubla (MR) pour corruption et blanchiment d’argent.

2014 : les collaborateurs fantômes de Joëlle Milquet. Une affaire qui traîne en longueur. L’ancienne ministre et ancienne présidente du CDH (Les Engagés) est inculpée pour prise illégale d’intérêts. On la soupçonne d’avoir engagé des collaborateurs au sein de son cabinet dans le but de mener sa campagne électorale.

2016-2020 : Publifin-Nethys. L’affaire des affaires. La mise en évidence d’un scandale politico-financier qui touche le monde politique liégeois dans la gestion de l’intercommunale Publifin. Stéphane Moreau (PS), André Gilles (PS) et consorts devront quitter leurs fonctions. Ils seront exclus du PS.

2017 : le Samusocial. Le bourgmestre de Bruxelles de l’époque, Yvan Mayeur (PS), est contraint à la démission dans l’affaire du Samusocial qui le touche directement ainsi que la présidente du CPAS, Pascale Peraïta (PS), qui touche une rémunération illégitime comme administratrice du Samusocial.

2017 : l’affaire de la machine à rata à l’ISPPC. Il est reproché au bourgmestre de Merbes-le-Château, Philippe Lejeune (PS) qui est aussi directeur général de l’ISPPC (une intercommunale de santé publique à Charleroi) d’avoir utilisé du matériel de l’hôpital qu’il dirige pour un souper qu’il organisait en tant que bourgmestre. L’affaire prendra une tournure politique avec des règlements de comptes entre libéraux et socialistes au sein de l’intercommunale.

2017 : l’affaire Publipart. Corollaire de l’affaire Publifin, l’affaire Publipart (holding flamand semi-public lié à Publifin) touche l’ancien président de la Chambre et élu gantois Siegfried Bracke (N-VA). Il arrondissait ses fins de mois comme consultant chez Telenet. Il a fini par quitter la société de télécoms. L’affaire emportera aussi un échevin SP.A, Tom Balthazar.

2018 : l’affaire Fourny. L’ancien bourgmestre de Neufchâteau Dimitri Fourny (CDH) est jugé en ce moment pour une affaire de procurations litigieuses lors du scrutin d’octobre 2018.

2021 : l’affaire El Kaouakibi. La députée flamande Sihame El Kaouakibi, au cœur d’un scandale de malversations financières, sous certificat médical et absente du Parlement flamand depuis la mi-octobre 2020, continue à percevoir son salaire de députée d’environ 6 000 euros.

2022 : l’affaire du greffier et de l’extension du Parlement wallon. Le greffier du Parlement wallon, Frédéric Janssens, fait l’objet de plaintes auprès de l’auditorat du travail de Namur. Dans la foulée, il lui est reproché l’explosion des coûts de l’extension du Parlement wallon. L’affaire précipitera la démission du président de l’assemblée, Jean-Claude Marcourt (PS).

2022 : le Qatargate. Le député européen Marc Tarabella (PS) est suspendu de son parti suite à des soupçons de corruption. L’affaire n’en est qu’à ses débuts.

2023 : les pensions des parlementaires. Les bonus de pension octroyés à certains députés de différentes assemblées du pays posent question.

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