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Alexander De Croo avant le Tour des Flandres : “Je me verrais bien dans la peau d’un puncheur”

Monsieur le Premier ministre, à quelle fréquence roulez-vous ?

”Disons que j’essaie de rouler une fois par semaine, souvent le week-end. Parfois, c’est du VTT, parfois, du vélo sur route. J’essaie de faire entre 40 et 60 kilomètres par sortie.”

Avez-vous une idée du nombre de kilomètres que vous roulez par année ?

”Je pourrais regarder sur Strava, mais en roulant trente fois par an… Je dois être à 1 500 kilomètres par année. Ce n’est clairement pas assez. J’aimerais vraiment en faire plus, mais c’est une question de temps.”

guillement

Rouler sur des rouleaux, je trouve ça pelant.”

Beaucoup d’hommes d’affaires ou de gens à l’emploi du temps très chargé roulent sur rouleaux avec l’application Zwift. Est-ce votre cas ?

”Je pourrais, parce que j’ai l’installation chez moi, mais je n’aime vraiment pas ça. Parfois, j’en fais, surtout l’hiver. Mais pour moi, le cyclisme se pratique dehors. C’est voir et sentir la nature. Rouler sur des rouleaux, je trouve ça pelant. Et en plus, ça finit par faire mal à force de rester toujours dans la même position.”

Participez-vous à des cyclosportives ?

”Oui oui, quand j’en ai la possibilité, je n’hésite pas. Comme chaque année, je participerai samedi au Tour des Flandres pour amateurs. Avant, quand j’avais plus de temps pour me préparer, il m’arrivait de faire les 140 kilomètres mais, samedi, je devrai me contenter du petit tour, à savoir 70 bornes. C’est comme si je courais dans mon jardin, puisque le parcours passe devant chez moi. J’ai parfois tendance à rouler davantage sur ma connaissance du terrain que sur mon excellente condition physique (rires).”

Vous arrive-t-il de rouler en Wallonie ?

”Oui. Dans le Hainaut. De chez moi, je suis vite à Lessines, bref dans le pays des Collines. D’ailleurs, il y a des belles côtes à faire.”

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J’aime bien les montées, même si je suis assez grand.”

En parlant de montée, le Mur de Huy pourrait-il vous attirer ?

”Oui, pourquoi pas ? De manière générale, j’aime bien les montées, même si je suis assez grand. Avec mon fils, nous faisons également du VTT quand nous avons la possibilité de partir en week-end. Dans ce cas, on roule à Durbuy et dans ses environs.”

Quelles ascensions iconiques avez-vous faites à l’étranger ?

”Il y a une dizaine d’années, j’ai escaladé l’Alpe-d’Huez. Comme j’étais mal préparé, j’ai vraiment souffert. Mais j’aimerais bien en faire d’autres avec mon fils de 14 ans. Pour l’instant, j’arrive à le garder dans ma roue mais ça ne devrait plus durer très longtemps. On se dit tous les deux que nous essaierons d’escalader plusieurs cols dans les Alpes ou les Pyrénées.”

Y a-t-il une ascension mythique qui vous fait rêver ?

”Non, pas vraiment. C’est un peu comme quand je roule près de chez moi. Je ne recherche pas les ascensions connues. J’essaie de trouver des coins un peu plus discrets qui sont aussi amusants. Et il y en a ! De toute façon, la prochaine fois que je m’attaquerai à un col célèbre, je serai mieux préparé. Parce que cela ne doit pas être que de la souffrance. Je rêverais de faire une randonnée cycliste d’une ou deux semaines à travers un pays que l’on ne connaît pas forcément bien. Le vélo permet de découvrir un pays d’une autre manière. L’année passée aux États-Unis, mon fils et moi avons eu l’occasion de faire pas mal de VTT dans l’Utah. Les paysages et la nature étaient assez bluffants.”

Êtes-vous un fan de matériel ?

”Oui, ça m’intéresse, mais je ne suis pas obsédé par le vélo le plus léger. Je pourrais perdre quelques kilos, ça aurait plus d’impact (rires). Mais bichonner mon vélo et m’en occuper me plaît assez. Ça me détend, même.”

Quel genre de coureur seriez-vous dans le peloton ?

”Disons que j’aime bien les bosses, mais je suis quand même assez grand et je n’ai pas du tout le physique du grimpeur. Je me verrais bien dans la peau d’un puncheur qui franchit une bosse à un bon rythme régulier.”

Pourquoi aimez-vous autant le vélo ?

”J’aime pratiquer un sport dehors. Cela permet de regarder autour de soi, de profiter de la nature. Rouler procure également une sensation très grisante. Même s’il pleut ou qu’il fait froid, je prends du plaisir. Disons qu’une saine fatigue s’installe après l’effort. C’est un sport où on est tous les mêmes. On doit se faire la même montée, lutter contre le vent de face. J’aime partir de chez moi sans plan bien précis. En roulant, je découvre des chemins. Ce qui est bien avec le cyclisme, c’est que l’on peut, nous amateurs, emprunter les mêmes routes que les pros. On peut donc se prendre au jeu. Un joueur de foot ou un tennisman amateur ne jouera jamais dans un stade plein à craquer. Le cyclisme permet de s’identifier aux coureurs pros. En ayant roulé soi-même sur le parcours de la course, on la regarde autrement. Être sur le même terrain que les pros est propre au cyclisme.”

Gamin, rêviez-vous de devenir un champion ?

”Non, pas vraiment. J’allais à vélo à l’école et c’est vrai que j’habite dans une région qui respire le cyclisme. Puis, j’ai grandi aux côtés de coureurs professionnels comme Peter Van Petegem ou Serge Baguet. Il y a toujours plein de courses locales. Mais je n’ai jamais rêvé de devenir coureur professionnel. C’est un sport tellement exigeant !”

Quelle est la plus belle course de l’année, selon vous ?

”J’aime bien regarder une course de manière générale. Parce qu’il y a toute une histoire, tout un cheminement pour arriver au résultat. C’est un peu comme si on lisait un livre. Le Tour des Flandres, comme il est aujourd’hui, c’est le meilleur qui gagne. Avant, il y avait un grand élément tactique entre le Mur de Grammont, le Bosberg et Meerbeke qui le rendait plus imprévisible. Aujourd’hui, c’est le plus fort qui fait la différence dans la dernière ascension du Quaremont et du Paterberg. D’un autre côté, les deux dernières heures, c’est du spectacle pur. Une course comme Milan-Sanremo m’attire moins, parce que tout se joue dans les quinze dernières minutes. J’apprécie aussi beaucoup les Strade Bianche. Il y a deux ans, j’en ai découvert certains sentiers et c’était magique. Puis, il y a le Tour de France. Comme il a lieu en été, à un moment où la Belgique vit un peu au ralenti, c’est un événement que tout le monde regarde, même celui qui n’est pas fan de vélo.”

Wout van Aert et Remco Evenepoel, pour ne citer qu’eux, s’inscrivent dans une Belgique qui gagne dans plein de domaines, comme la recherche, la culture. Qu’est-ce que cela vous inspire en tant que Premier ministre ?

”Cela me fait dire que la Belgique est un pays de moyenne taille qui n’a plus peur d’afficher ses ambitions. Nos sportifs actuels n’ont pas honte d’être ambitieux. Van Aert, il se dit : ‘Ce n’est pas parce que je fais du cyclo-cross que je ne peux pas être à un très bon niveau sur les pentes du Mont Ventoux’. Evenepoel, il a annoncé à 18 ans vouloir gagner le Tour de France. C’est comme les joueurs de hockey et, maintenant, les Diables rouges. Sans oublier une Nafissatou Thiam, qui veut toujours gagner. Je me souviens de l’attitude de Kevin De Bruyne au retour de la Coupe du monde 2018. Il se demandait pourquoi tout le monde faisait la fête sur la Grand-Place de Bruxelles alors que la Belgique n’avait pas remporté le Mondial. Cette mentalité qu’ont ces sportifs est une source d’inspiration pour moi. Ça me plaît beaucoup.”

guillement

Si le cyclisme est aussi populaire, c’est également parce que ses champions restent accessibles.”

On a aussi l’impression que derrière le sport, il n’y a plus de clivages linguistiques ou politiques…

”Le sport nous unit et nous rassemble, oui. Mais je trouve que les Belges, de manière générale, aiment bien vivre. Qu’ils soient Bruxellois, Flamands ou Wallons. On voit ça dans l’évolution du cyclisme en Belgique. Lors d’une course, le spectateur mange, boit un verre, fait la fête tout en regardant la course. Si le cyclisme est aussi populaire, c’est également parce que ses champions restent accessibles. On peut les croiser après une course, alors qu’ils ont passé six heures sur un vélo. Par rapport au football, les meilleurs du monde restent abordables.”

Dimanche, on attend un million de spectateurs le long des routes du Ronde. Pourquoi cet événement est-il si populaire ?

”Le Tour des Flandres est une fête populaire. Cette région des Ardennes flamandes est restée très authentique. Il n’y a pas des lotissements modernes partout. C’est une région qui aime le vélo. Les gens qui sont là ont l’impression de participer à l’écriture d’une belle histoire. En fin de journée, quand on démonte les tentes, que l’on range les fûts de bière et que les gens s’en vont, on a un sentiment de fierté. Notre région retrouve son calme, mais on est fier qu’elle ait pu être le théâtre d’un événement qui a rassemblé autant de monde.”

De quel ministère pourrait s’occuper un gars comme Wout van Aert ?

”Je ne sais pas s’il en a envie (rires). C’est quelqu’un qui est tellement polyvalent qu’il pourrait tout faire. Aucun défi ne lui fait peur.”

À 18 ans déjà, Remco Evenepoel s’exprimait parfaitement en néerlandais, en français et en anglais. N’est-il pas l’exemple même du bon Belge ?

”Je dirais qu’il illustre notre atout numéro 1 : le multilinguisme. Par le passé, on a trop souvent dit que c’était un inconvénient. Je ne suis pas d’accord. On a trop tendance à se dire qu’en Belgique, tout est compliqué. C’est faux : en Belgique, ce n’est pas plus compliqué qu’ailleurs. Nos multilinguisme et pluriculturalité constituent nos principaux atouts. Nous sommes des citoyens du monde. Pour en revenir à Remco, il est incroyablement fier de son pays. À mes yeux, il peut être une grande source d’inspiration pour beaucoup de monde.”

Alexander De Croo avant le Tour des Flandres : “Je me verrais bien dans la peau d’un puncheur”
©serch carriere