International

La France et l’Allemagne expérimentent un point d’accès au droit transfrontalier

Divorce, héritage, électroménager défectueux…

« C’est parfois douloureux », constate le magistrat en évoquant des cas de garde d’enfants ou de versement de pensions alimentaires concernant des couples mixtes séparés, des questions d’héritage, des retards dans le versement des salaires de travailleurs transfrontaliers, etc. « Cela peut aussi être très irritant, par exemple lorsqu’une machine à laver achetée en Allemagne par un ménage français tombe en panne ! »

Fort de ce constat – et de l’expérience des « points justice » lancés en France dans les années 1990 -, Thierry Ghera vient d’engager un projet judiciaire inédit en Europe : la mise en place, à partir de ce 11 mai, de points d’accès au droit transfrontalier international. Les permanences se tiendront à Kehl, ville allemande toute proche de Strasbourg.

« Les citoyens français et allemands pourront y consulter des professionnels du droit – avocats, notaires et huissiers de justice – tous bilingues et à même de fournir des consultations juridiques gratuites permettant de faire le point sur toutes les matières du droit civil : droit de la famille et droit du travail – domaines très prisés – droit des personnes lié, par exemple, à la nationalité ou à l’adoption, droit des consommateurs, droit des contrats, droit fiscal, etc.« , décrit-il. Basées sur un « tri » préalable permettant une orientation vers le professionnel du droit concerné, « ces consultations permettront au citoyen de savoir si son cas justifie, ou pas, un procès. À moins qu’un médiateur puisse le résoudre. »

Pourquoi pas en Belgique ?

Inédit en Europe et largement financé par la Commission européenne, ce projet a été initié en 2019, ralenti par la pandémie et relancé en 2021. En France par Thierry Ghera, en Allemagne par le président du Landgericht et le procureur du parquet d’Offenburg. L’installation à Kehl de ce premier point d’accès au droit transfrontalier s’explique aussi par la présence du Centre européen de la Consommation. Partenaire du projet, celui-ci en accueillera les permanences de consultations juridiques.

« Nous avons été soutenus par les collectivités locales et territoriales des deux côtés de la frontière, précise Thierry Ghera, mais aussi par différents ministères dont le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères de la République française, ce qui est totalement nouveau en matière juridique. »

Nouveau et logique car, ajoute-t-il, ces points d’accès au droit représentent « un élément de citoyenneté européenne », un gage de « paix privée » qui permettra aux citoyens de « passer plus facilement la frontière et de vivre de manière plus confiante le transfrontalier et le pendulaire ». Son rêve : voir ce projet pilote se décliner dans d’autres pays européens, dont la Belgique… « qui ne manque pas de frontières ».