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À Mayotte, les difficiles débuts de l’opération “Wuambushu”

Mardi matin, à Koungou, la première des six vagues de destruction de l’habitat insalubre prévue dans le cadre de l’opération “Wuambushu” n’a pas eu lieu en raison d’une décision de justice rendue la veille. “Je suis déçu […] c’est un sujet qui a été travaillé depuis plusieurs mois”, confie Assani Saindou Bamcolo, maire de la commune. Une déception d’autant plus vive que le site concerné présente, selon lui, des risques de glissement de terrain. “C’est le monde à l’envers car je pense que c’est en restant dans ces bidonvilles que ces gens-là sont menacés”, s’étonne pour sa part le sénateur de Mayotte Thani Mohamed Soilihi. Outre des risques sanitaires liés à l’insalubrité de ces quartiers avec le manque d’eau, d’assainissement, le parlementaire n’hésite pas à les considérer comme des “nids à délinquants”.

”Il faut peut-être en tuer” : un élu de Mayotte appelle au meurtre pour les évacuations des bidonvilles !

Un dispositif de sécurité sans précédent en Outre-mer

Le 101e département français est en effet sujet à une délinquance galopante, caractérisée par sa jeunesse, son extrême brutalité et l’apparition du phénomène de bandes. Entre 2008 et 2019, des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus ont explosé (+ 153,5 %), ainsi que les faits de vols violents (+ 263,8 %).

Le week-end dernier à Tsoundzou 1, commune située à quelques kilomètres au sud de Mamoudzou, les festivités religieuses de l’Aïd el-Fitr – la population de Mayotte est musulmane à 95 % – n’ont pas empêché certaines échauffourées. “Ils ne respectent rien”, tempête Abdallah Hassani, également sénateur de l’île.

Afin d’endiguer cette criminalité, l’opération “Wuambushu” a permis de renforcer les effectifs des forces de l’ordre. Au total, 1 800 policiers et gendarmes sont actuellement déployés dans le département. Il s’agit, selon les mots du préfet Thierry Suquet, de “donner de la sécurité aux Mahorais […] que tous les jours on puisse travailler normalement et que l’on reprenne une vie normale”. Toutefois, la grande mobilité des assaillants qui n’hésitent pas à prendre à partie les forces de l’ordre et les automobilistes, tend à limiter l’efficacité des interpellations.

Des relations franco-comoriennes ambivalentes

Si l’Union des Comores conteste toujours le rattachement de l’île à la France et revendique depuis 1974 sa souveraineté, les autorités du pays ont décidé en début de semaine de ne plus accueillir pendant trois jours les navires assurant la traversée régulière entre Anjouan et Mayotte. Cette décision, officiellement motivée en raison de travaux portuaires, a placé la France devant le fait accompli, les liaisons maritimes quotidiennes assurant notamment les reconduites des ressortissants comoriens entrés irrégulièrement sur le territoire français. En effet, malgré les milliers d’expulsions chaque année, les candidats à l’exil en provenance majoritairement des Comores ne renoncent pas à la périlleuse traversée entre Anjouan et Mayotte. Cette pression migratoire rend caduc, selon le sénateur Thani Mohamed Soilihi, toute anticipation sur les politiques publiques à mener, en ne sachant pas “pour combien de personnes il faut construire des écoles, des logements”.

Lundi soir, en direct sur la chaîne publique régionale, le premier vice-président du Conseil départemental de l’île a déclaré : “ces voyous, ces délinquants, ces terroristes, il faut peut-être à un moment donné en tuer”. Des propos qui ont suscité une indignation de la classe politique française.