High-tech

Pourquoi TikTok fait peur aux Occidentaux

Est-ce que le fait de visionner de courtes vidéos ou d’en publier sur les formats “tendance” du réseau TikTok pose un réel problème de sécurité ? Pour l’expert belge en cybersécurité, Olivier Bogaert, il y a là une évidence. “En fait, le souci de l’application utilisée généralement sur des smartphones – notamment par des personnalités politiques – est qu’elle utilise un navigateur Internet qui lui est propre. Ce qui signifie que, outre les données recueillies sur l’utilisateur dans le cadre de l’inscription au service, l’application a accès à toutes les données échangées lors de son utilisation sur les sites visités, des contenus jusqu’aux identifiants et mots de passe”, assure-t-il.

Il faut savoir que 59 % des jeunes utilisateurs utilisent TikTok comme moteur de recherche, ce qui fait qu’ils transmettent à l’entreprise TikTok une multitude d’informations sur ce qui les intéresse, produits, contenus ou encore thématiques. Et l’on est loin ici d’une production de résultats neutres. S’ils recherchent de l’information sur le réchauffement climatique et qu’ils cliquent sur des résultats niant ce phénomène, ils en recevront automatiquement d’autres abondant dans ce sens. Une étude a montré que 30 % de jeunes utilisateurs se posent la question de savoir si la terre est ronde ou plate… En ce sens, il est préoccupant de savoir qui contrôle ces données puisque, dans une certaine mesure, le réseau pourrait être utilisé pour influencer des utilisateurs au moment d’élections en Europe, par exemple”, assure encore Olivier Bogaert.

Revoir les paramètres d’accès

Que faire pour réduire le pouvoir de cette app sur nos smartphones ? “Le niveau de protection diffère selon les systèmes d’exploitation, mais il est possible déjà de modifier les paramètres d’accès aux données, de définir un navigateur par défaut qui bloque les accès aux éléments de navigation, d’utiliser une adresse mail spécifique réservée à cette app ou encore de vérifier les autorisations données à l’application.” Ce qui n’est pas la manière de fonctionner de la majorité des utilisateurs qui ne lisent jamais les conditions d’utilisation des applications qu’ils installent sur leurs machines.

Cela étant, aux États-Unis, le débat est déjà ancien, amorcé sous l’administration Trump, que l’on aurait pu soupçonner de tenter de casser l’avancée de réseau social en plein boom, aux fins de favoriser les champions américains. En décembre dernier, le Congrès notifiait à ses membres et à son personnel l’interdiction de disposer de l’app chinoise sur leurs appareils professionnels. Mercredi, un projet de loi (baptisé DATA Act pour Deterring America’s Technological Adversaries) visant à interdire purement et simplement ce service aux États-Unis a été approuvé par un des comités de la Chambre des représentants menés par les Républicains.

« Un cheval de Troie »

Et, si le parcours du texte est encore incertain, le Wall Street Journal (WSJ) rapporte que le président de cette commission, le Républicain texan Michael McCaul, a assuré que la société ByteDance, qui chapeaute le réseau, serait tenue de partager les données des utilisateurs avec le pouvoir chinois, et a qualifié TikTok de “cheval de Troie des temps modernes”. Il a même comparé le service aux ballons espions récemment interceptés par l’armée de l’air américaine. Le projet de loi doit encore être approuvé par la Chambre des représentants, puis passer au Sénat où, selon le WSJ, l’on devrait privilégier à l’interdiction brutale, des solutions plus larges, conformément à l’approche démocrate. Il est vrai que ce blocage couperait aussi une partie du monde de la culture actuelle qui prévaut à l’ouest, sans compter que sur le fond, elle contreviendrait au Premier amendement qui garantit la liberté d’expression des Américains.

Chez nous, apparemment, la prise de conscience est liée à des incidents qui font qu’au sein même du pouvoir judiciaire et des administrations, une instruction circule, déconseillant l’usage de cette application très populaire, décrite l’an dernier par les professionnels du marketing comme le principal outil de communication numérique du moment. “On a reçu un courrier à ce propos”, nous explique un membre de l’administration fédérale.