High-tech

« Nous prévenons Google, Meta ou Twitter dès que nous détectons une campagne de propagande russe »

De quelle façon LetsData intervient auprès des entreprises et des organisations gouvernementales ?

Notre objectif principal est de lutter contre la désinformation qui passe aujourd’hui principalement par les supports numériques. Nous avons développé un algorithme d’intelligence artificielle qui permet d’analyser en temps réel l’environnement web pour détecter les risques et les opportunités pour nos clients. Par exemple, il est possible de réaliser une étude en amont si une entreprise souhaite lancer une nouvelle branche dans un autre pays. On peut analyser les stratégies et la présence marketing de la concurrence, ainsi que la popularité du type d’offre concerné sur le nouveau territoire. L’analyse se fait en temps réel, donc nous pouvons aussi prévenir nos clients en cas d’activité anormale.

Nous travaillons par exemple pour une firme dans la finance, pour laquelle nous avons découvert qu’une entreprise frauduleuse plagiait environ 70 % des contenus marketing : mêmes slogans, mêmes images… Cette “scam compagny” était très discrète et passait par différents canaux numériques, ce qui rendait la campagne de désinformation difficile à détecter. Notre logiciel à permis de mettre à jour ces pratiques.

En quoi la guerre en Ukraine influe-t-elle dans vos activités ?

Nous sommes basés en Ukraine et la guerre fait que nous avons logiquement centré beaucoup de nos activités au service des organisations nationales. L’Ukraine est en effet victime de nombreuses campagnes de désinformation. Notre but est d’aider les entreprises, l’État et les organisations gouvernementales à prendre conscience de ce phénomène et à mettre en place des mesures pour y remédier. C’est un travail de longue haleine car la désinformation en Ukraine ne date pas d’hier.

La propagande russe comme quoi l’Ukraine “n’est pas un vrai pays” ou que la guerre est nécessaire, et sur laquelle Poutine s’est appuyé pour lancer l’offensive, a commencé il y a déjà huit ans… Nous travaillons notamment pour le ministère ukrainien des Affaires Etrangères, le centre ukrainien pour la communication stratégique ou encore des associations comme StopFake, Brand Ukraine, Detector Media ou PR Army.

Quels exemples concrets de désinformation avez-vous pu combattre ?

La Russie bombarde depuis plusieurs mois les sources d’électricité en Ukraine. Nous avons identifié une chaîne russe sur l’application Telegram et sur Facebook qui avançait qu’un accord avait été passé entre le gouvernement et des oligarques ukrainiens pour fournir en priorité de l’électricité à ces plus riches et léser les plus pauvres.

Un autre message conspirationniste expliquait que l’Ukraine vendait de l’électricité à la Hongrie, alors que dans le même temps plusieurs millions d’Ukrainiens étaient privés de courant. Ces chaînes incitaient les gens à aller manifester dans la rue, et des lieux et des heures de rendez-vous pour ces rassemblements se sont propagés. Ces messages étaient écrits en mauvais ukrainien car les Russes ne parlent pas ou très peu cette langue. Mais certains internautes ont tout de même pu être trompés. Avec LetsData, nous avons mis au jour ces messages de désinformation et prévenu Google, Meta et Twitter qui ont essayé d’en bloquer un maximum. Nous n’avons en revanche aucun moyen de communiquer avec Telegram qui prône en toute circonstance être “une place de la liberté d’expression”.