France

Réforme des retraites : Reprendre la main en « 100 jours », le décompte très compliqué d’Emmanuel Macron

« La réponse ne peut être ni dans l’immobilisme, ni dans l’extrémisme ». Englué dans la crise provoquée par sa réforme des retraites, Emmanuel Macron a voulu lundi soir se projeter sur la suite de son second quinquennat. « Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France », a-t-il indiqué lors d’une allocution télévisée, donnant rendez-vous « le 14 juillet » pour faire « un premier bilan ». Mais faute de majorité à l’Assemblée nationale, et sans réponse concrète face au mouvement social, la reprise en main du président de la République s’annonce bien délicate.

Une situation sociale toujours explosive

Dès le début de son intervention, Emmanuel Macron a évoqué le conflit social qui secoue le pays depuis plus de trois mois. Le chef de l’Etat a ainsi « regretté » qu’aucun « consensus » n’ait « pu être trouvé » sur le projet de réforme des retraites. « Cette réforme est-elle acceptée ? A l’évidence, non », a-t-il admis. Mais le président est ensuite très vite passé à autre chose, sans apporter de réponse aux millions de personnes ayant manifesté ces derniers mois. Son allocution a d’ailleurs été conspuée par des concerts de casseroles dans plusieurs villes de France, où des milliers de personnes ont manifesté. Des rassemblements parfois émaillés d’incidents, preuve que la crispation demeure dans le pays.

« Il paraît difficile d’envisager une amélioration sociale d’ici au 3 mai, jour où le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur le second RIP (référendum d’initiative partagée) », assure Benjamin Morel, docteur en sciences politiques à l’ENS et maître de conférences à Paris II. « L’exécutif mise sur le pourrissement et l’affaiblissement du mouvement faute de débouchés. Mais faute de perspective, il y a un risque de radicalisation et de violence. C’est un pari risqué ».

Les syndicats refusent la main tendue

Emmanuel Macron a lancé de nombreux chantiers lundi soir sur l’immigration, la santé, l’éducation et le travail. Sur ce dernier sujet, le chef de l’Etat espère vite renouer le dialogue avec les syndicats pour travailler sur les dispositions invalidées par le Conseil constitutionnel sur le texte retraites, comme l’emploi des seniors, mais aussi sur le sujet des reconversions ou des rémunérations. Mais la porte ouverte par le président a vite été refermée par l’intersyndicale, qui a décidé de bouder son invitation à l’Elysée ce mardi. Le rétablissement du dialogue social n’est donc pas pour tout de suite. D’autant que les responsables syndicaux ont ciblé la journée du 1er-Mai pour réaliser une nouvelle démonstration de force contre la réforme des retraites.

Et après ? Laurent Berger (CFDT) a laissé entendre qu’il pourrait ensuite dialoguer avec l’exécutif. « L’espoir du gouvernement est de ramener à la table des négociations la CFDT pour parler du travail. Mais de quelle mesure concrète ? La hausse des salaires, qui sera mise sur la table par les syndicats, sera délicate à financer au regard de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie », nuance Benjamin Morel. « Par ailleurs, l’intersyndicale a tenu bon car elle a compris que son unité sur les retraites a été sa force », ajoute-t-il.

La situation politique bloquée

Emmanuel Macron espère également résoudre la crise politique provoquée par l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le président a demandé à Elisabeth Borne d’élargir la majorité présidentielle, mais la tâche s’annonce ardue. Les Républicains ont déjà prévenu qu’ils ne feraient pas de cadeau à l’exécutif. « L’alliance avec LR est mort-née avec la réforme des retraites. En réalité, aucun parti n’a vraiment intérêt à accepter la main tendue à un an des élections européennes…, assure Benjamin Morel. Emmanuel Macron a lancé tout un tas de chantiers et de concertations pour noyer le poisson des retraites et apaiser le pays, mais la stratégie relève plus de la gestion de crise que d’un réel plan gouvernemental ». 

Dans l’opposition, plusieurs élus ont d’ailleurs raillé l’expression des « 100 jours » utilisée par le chef de l’Etat, lui promettant « un Waterloo » à l’issue de ce décompte.