France

Dix ans après, l’affaire Fiona garde toujours « autant de mystères »

Il y a dix ans jour pour jour, le 12 mai 2013, la France ne le sait pas encore mais elle s’apprête à suivre l’une des histoires les plus marquantes de la décennie : celle de Fiona. Ce jour-là, la fillette âgée de 5 ans est portée disparue après que sa mère, Cécile Bourgeon, s’est endormie dans un parc de Clermont-Ferrand. S’ensuivent des heures de recherches, une mobilisation citoyenne impressionnante et de moyens considérables par la police. L’enfant restera introuvable.

Dix ans plus tard, toujours aucune trace de Fiona. Sa mère et son ex-beau-père ont depuis été respectivement condamnés à vingt et à dix-huit ans de prison en décembre 2020. Dix ans après, 20 Minutes revient sur l’affaire Fiona qui a marqué le pays, tant elle a touché, et touche encore, « les tabous de la maternité et de l’infanticide, dissimulés par des mensonges », selon Dalie Farah, autrice du livre Retrouver Fiona.

Que s’est-il passé le 12 mai 2013 ?

Le 12 mai 2013, en fin d’après-midi, Cécile Bourgeon, 25 ans à l’époque, signale la disparition de sa fille aînée, Fiona, âgée de 5 ans. Elle déclare aux policiers s’être endormie dans le parc Montjuzet à Clermont-Ferrand où la fillette et sa petite sœur de 2 ans et demi étaient en train de jouer. Des recherches importantes sont immédiatement entreprises mais ne permettent pas de retrouver Fiona. Quatre jours plus tard, le 16 mai, la mère de famille lance un appel devant les caméras, réclamant, des sanglots dans la voix, qu’on lui rende sa fille. Un SOS qui émeut la France entière.

Comment l’enquête a-t-elle été menée ?

Le 24 septembre de la même année, Cécile Bourgeon et son compagnon à l’époque, Berkane Makhlouf, 35 ans, sont interpellés et placés en garde à vue, à Perpignan où ils ont déménagé. Les enquêteurs ont des doutes sur leurs déclarations, d’autant que le couple est rongé par la drogue.

Lors de son audition, la mère de Fiona avoue qu’elle a simulé la disparition de la fillette. Son compagnon l’aurait battue à mort et elle aurait menti pour le couvrir. Cécile Bourgeon révèle également qu’il lui donnait des coups régulièrement. Ce dernier conteste : il aurait trouvé l’enfant de 5 ans décédée dans son lit, étouffée par son vomi. Il aurait voulu appeler les secours mais Cécile l’en aurait empêché, par peur de se faire enlever la garde de ses autres enfants. Le duo serait alors parti enterrer le corps de Fiona dans la forêt d’Aydat, à une trentaine de minutes au sud-ouest de Clermont-Ferrand. La petite sœur aurait assisté à la scène.

Le 22 octobre 2013, Cécile Bourgeon et Berkane Makhlouf sont mis en examen pour « violences aggravées ayant entraîné la mort », « non-assistance à personne en danger » et « recel ou dissimulation de cadavre ». Ils sont incarcérés. Lors du dernier procès du couple, en 2020, François Bernard, ancien directeur régional de PJ de Clermont-Ferrand, avait déclaré avoir « balayé un espace de 300 km carrés » avec des équipes cynophiles, des militaires et même des employés municipaux mais sans jamais retrouver le corps de la fille.

Quand et comment les procès se sont-ils déroulés ?

Le premier procès du couple débute le 14 novembre 2016, à Riom, devant la cour d’assises du Puy-de-Dôme. Après deux semaines de débats, Berkane Makhlouf est reconnu coupable des violences ayant entraînant la mort de Fiona et est condamné à vingt ans de réclusion criminelle. La mère de la fillette est, quant à elle, acquittée de ces chefs d’accusation mais est condamnée à cinq ans de prison pour « non-assistance à personne en danger », « recel ou dissimulation de cadavre », « modification de l’état des lieux d’un crime » et « dénonciation mensongère d’un crime ». Trois jours plus tard, le parquet de Clermont-Ferrand fait appel.

Le deuxième procès s’ouvre un an plus tard, le 9 octobre 2017, au Puy-en-Velay, avant d’être renvoyé après que les avocats de la défense ont quitté la salle d’audience s’estimant « personnellement mis en cause » par les parties civiles. La cour d’assises de la Haute-Loire renvoie le procès en appel à fin janvier 2018. Ce troisième procès se clôt le 11 février 2018. Les deux accusés écopent de vingt ans de prison. Leurs avocats déposent un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation casse le verdict le 20 février 2019, estimant qu’il y avait de sérieux litiges dans la procédure réalisée en 2018. Un nouveau (et dernier) procès aura donc lieu. En attendant, Cécile Bourgeon est libérée, ayant déjà effectué cinq années en détention, peine écopée en première instance.

L’ultime procès ne se déroulera qu’en décembre 2020. Entre-temps, la mère de Fiona est tombée enceinte, a accouché – elle n’obtiendra pas la garde de ce bébé –, puis, le Covid-19 est arrivé. A l’issue de ce jugement ? Toujours autant de mystères autour des circonstances de la mort de Fiona et sur le lieu où se trouve le corps de la fillette. Cécile Bourgeon est finalement condamnée à vingt ans de prison, Berkane Makhlouf, à dix-huit ans.

Pourquoi ce fait divers a-t-il marqué la France entière ?

Pour Dalie Farah, autrice de Retrouver Fiona (Ed. Grasset), l’affaire Fiona a touché la France entière parce qu’elle concerne « deux tabous majeurs de notre société : celui de la maternité et celui de l’infanticide. » « Ça vient résonner dans chacun de nous. La mort d’un enfant rompt l’ordre de la mort. Dès qu’il y a une rupture, il y a un déséquilibre. Dans ce cas-là, il est devenu national et tout le monde a voulu le rétablir », analyse encore l’autrice.

Dalie Farah ajoute : « Ces tabous-là ont, en plus, été dissimulés derrière un mensonge qui a extorqué une compassion. Au départ, les gens ont eu un désir d’aide puis, ce sentiment s’est transformé en haine autour de la figure de la mère. » L’écrivaine a par ailleurs constaté, à la suite de la publication de son livre, qu’au bout de dix ans, « le malaise » est toujours autant présent. Pour elle, cette affaire est composée de ce qu’on pense être « des exceptions » mais qui sont en réalité « révélatrices de choses banales dans la société » comme la violence faite aux enfants, la complexité juridique, la personnalité de la mère ou la présence de la drogue.

Dalie Farah, qui a suivi l’affaire au plus près depuis le début, pointe également les « questions auxquelles personne n’aura jamais la réponse ». Dans son ouvrage, l’experte tente d’apporter des pistes même si certaines ne peuvent être, selon elle, élucidées : « même s’il y a des hypothèses fortes, la sépulture demeurera le plus grand mystère de l’affaire Fiona. »