France

Pyrénées-Orientales : Minés par la sécheresse, les producteurs d’abricots font face à « une véritable catastrophe »

Il n’y a presque plus une seule goutte d’eau, dans la vallée de l’Agly (Pyrénées-Orientales). Sur la rive gauche du fleuve, à sec depuis belle lurette, Guy Banyuls est dévasté. Ce producteur d’abricots rouges du Roussillon, stars du département, assiste, impuissant, à la mort à petit feu de son verger, ravagé par la sécheresse. « Nous n’avons pas d’eau du tout, les forages sont complètement à sec, confie cet agriculteur d’Espira-de-l’Agly. Restrictions ou pas, on ne peut pas arroser. Les vergers meurent. » Et les fruits ne repartiraient pas, si jamais, par miracle, il pleuvait. « C’est dommage, parce qu’on n’était pas si loin que ça de la récolte, poursuit-il. Mais les arbres n’y arriveront pas. »

Guy Banyuls, qui a monté l’exploitation Chez Roberte en 2009, n’en est même plus à pleurer sa récolte d’abricots de l’année. Désormais, c’est à l’avenir, qu’il pense. « Je ne sais pas quelles mesures vont être mises en place [par l’Etat], s’interroge-t-il. Mais désormais, c’est à la survie des exploitations sur le long terme qu’il faut réfléchir. »

« J’ai demandé à des salariés de scruter, et de réparer la moindre fuite, pour essayer de récupérer de l’eau »

Denis Basserie, qui produit, lui aussi, des abricots dans les Pyrénées-Orientales, n’a pas encore tout à fait tiré un trait sur sa récolte, cette année. Mais la sécheresse, couplée aux nombreuses restrictions d’eau, marquera, pour lui aussi, cette saison d’une croix rouge. Alors, dans son verger, à Rivesaltes, il est à fois « en colère et malheureux », confie cet agriculteur, et président de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) des Pyrénées-Orientales. « Ce matin, on n’avait même pas un Bar, dans les réseaux d’irrigation, poursuit-il. Il n’y a quasiment plus d’eau, c’est une véritable catastrophe. Et on ne peut rien faire. Ou presque. J’ai demandé à des salariés de scruter, et de réparer la moindre petite fuite, pour essayer de récupérer un tout petit peu d’eau. On ne parle que de ça, toute la journée, tout le temps. L’eau, l’eau, l’eau… »

Denis Basserie ne se fait pas, malheureusement, trop d’illusion sur ses abricots, cette année. « Ils n’arriveront pas au bout, soupire-t-il. Déjà que l’on souffre maintenant, au début du mois de mai, alors en juin, qu’est-ce que ce sera… Au-delà de la récolte, on joue la culture, là. C’est la vie des arbres, qui est en jeu, aujourd’hui. J’en suis malade. Et tous mes copains, aussi. » L’arboriculteur, très engagé localement dans la défense de l’agriculteur, ne voit qu’une seule solution durable, pour l’instant, à cette sécheresse, qui risque de se répéter : la construction de retenues d’eau, qui permettront de conserver les pluies, pour les mauvais jours. « On sait qu’il y aura moins d’épisodes pluvieux, désormais, mais qu’ils seront intenses, poursuit Denis Basserie. Il faut que l’on soit capable de stocker de l’eau. Sinon, sans eau, on n’arrivera plus à rien. »

Au Verger bio de Véronique, « on arrosait, déjà, au minimum, par rapport aux besoins de la plante »

Jean Pratx, producteur d’abricots au Verger bio de Véronique, suit de très près cette guerre de l’eau, qui se joue dans les Pyrénées-Orientales. « Un arrêté devait tomber, il a été reporté au 10 mai, détaille-t-il. Après le 10 mai, on ne sait pas… » Mais cet arboriculteur catalan, installé à Rivesaltes et à Claira, n’a pas attendu que le département vire au rouge, pour diminuer l’arrosage de son verger. « Ici, tout est au goutte-à-goutte, avec des programmateurs, confie-t-il. On choisit les durées, et les heures d’arrosage. On a aussi des sondes, qui mesurent l’humidité dans le sol, pour restreindre l’irrigation. On arrosait, déjà, au minimum, par rapport aux besoins de la plante. »

Puis sont tombées, à la fin de l’hiver, les premières restrictions, appelant les agriculteurs à un usage minimal de l’eau. Au Verger bio de Véronique, on a revu l’irrigation à la baisse d’à peu près 40 %. C’est plus que l’effort de 25 %, exigé par les services de l’Etat. « On a fait plus, parce qu’on s’est dit que si jamais, en plein été, on nous dit « Vous n’avez plus le droit d’arroser du tout », les arbres peuvent mourir en quelques semaines à peine, poursuit Jean Pratx. Si on les arrête d’un coup, ça peut aller, très, très vite. » Alors en baissant l’arrosage de plus d’un tiers, tout de suite, le verger s’habitue, un peu, au manque d’eau.

« Les fruits ont plus de mal à grossir que d’habitude », déplore un arboriculteur des Pyrénées-Orientales

Mais, quoi qu’il en soit, ce ne sera pas la plus belle année, déplore-t-il, pour les abricots rouges du Roussillon. « Les fruits ont plus de mal à grossir que d’habitude, ils devraient perdre un peu de calibre, explique Jean Pratx. Et souvent, c’est le calibre qui fait le prix. Le risque, ce sont d’importantes pertes de chiffres d’affaires. Mais le plus important, tout de suite, c’est de parvenir à cueillir les fruits. Et surtout, sauver les arbres. » Certains producteurs d’abricots s’en tirent toutefois, malgré le climat aride qui s’impose, dans le département. A Latour-Bas-Elne, près d’Argelès-sur-Mer, Frédéric Capbet n’a pas de craintes quant à l’avenir de sa récolte, cette année. « Pour le moment, la nappe [phréatique] se maintient, confie l’agriculteur, qui utilise un système de goutte-à-goutte pour son verger. Je parviens à respecter les efforts de restrictions d’eau, sans soucis. Mais je propose mes produits en vente directe, alors, bon, je ne cours après les calibres. »

Les producteurs d’abricots ne sont pas les seuls à souffrir de la sécheresse, dans les Pyrénées-Orientales. La culture de la pêche, l’autre vedette du Roussillon, est elle aussi lourdement affectée. Quant à la vigne, si un climat plus clément ne se pointe pas d’ici quelques mois, le millésime risque d’être, lui aussi, dans le rouge vif.