France

Alimentation : « On a envie de pouvoir en profiter un peu »… Les agriculteurs pas pressés de voir les prix baisser

Les uns tirent la tronche au moment de passer à la caisse tandis que les autres se frottent les mains. Consommateurs et agriculteurs n’ont clairement pas la même perception de la hausse des prix qui touche les produits alimentaires depuis plusieurs mois. Pour les ménages, la flambée de près de 15 % sur un an de la facture des courses au supermarché pèse en effet lourd dans les dépenses. Et cela risque encore de durer selon Emmanuel Macron qui prévient que « ça va être dur jusqu’à la fin de l’été. »

Pour les producteurs de viande, de fruits ou de légumes en revanche, cette inflation, à un niveau inédit depuis 1985, a du bon. En Bretagne, première région agricole et garde-manger de la France, les exploitants agricoles ont ainsi retrouvé le sourire depuis un an avec des prix beaucoup plus rémunérateurs. Et presque toutes les filières en profitent comme le porc qui a atteint fin mars un niveau record de 2,38 euros le kilo ou le lait dont le prix des 1.000 litres payé aux éleveurs approche désormais les 500 euros. « Personne n’aurait pu imaginer de tels prix », souligne André Sergent, président de la puissante Chambre régionale d’agriculture de Bretagne, se réjouissant de cette « embellie » pour les producteurs.

« Cette conjoncture peut être éphémère »

Comme tout le monde, les paysans bretons doivent toutefois faire face à l’inflation avec la flambée des prix des matières premières et de l’énergie. « Le coût de l’alimentation des porcs a par exemple augmenté de 31 % en un an et la facture d’énergie de 30 % pour le lait », souligne André Sergent, éleveur de porcs et de vaches laitières à Beuzec-Cap-Sizun à la pointe du Finistère. Mais cette hausse des charges a été largement compensée par l’envolée des prix alimentaires, qui a permis à de nombreux producteurs de refaire leur trésorerie.

« Un juste rattrapage de décennies où on a habitué les consommateurs à des prix alimentaires toujours plus bas », selon André Sergent. Profitant de cette période « inédite », les paysans bretons n’en restent pas moins lucides. Dans un marché mondial très incertain où les prix font le yoyo, ils savent pertinemment que « cette conjoncture peut-être éphémère », souligne Laurent Kerlir, président de la Chambre d’agriculture du Morbihan.

Une production bretonne qui recule

En France, le gouvernement pousse d’ailleurs les acteurs de la filière alimentaire à rouvrir des négociations commerciales au plus vite pour faire baisser les prix. Un empressement malvenu selon les agriculteurs. « Pour une fois qu’on gagne un peu d’argent, on a envie de pouvoir en profiter un peu », estime Laurent Kerlir, producteur laitier à Plœmeur.

D’autant que ces meilleurs revenus ne suffisent pas à « remonter le moral des troupes », selon André Sergent. Entre le ras-le-bol de certains et l’éternel défi de la transmission, l’agriculture bretonne voit en effet sa production reculer depuis plusieurs années. « Il y a des causes conjoncturelles comme la sécheresse l’été dernier mais ce sont surtout des causes structurelles avec des cheptels et des surfaces semées qui diminuent, indique le président de la Chambre régionale d’agriculture de Bretagne. Pour rester compétitif et attirer des jeunes, il faut donc que les prix soient rémunérateurs afin que les producteurs puissent vivre décemment. Sinon, on risque de voir encore la production bretonne reculer. »