France

L’autorisation de construction d’une route annulée, un chantier à l’arrêt

Les pelleteuses et autres engins de chantier sont désormais à l’arrêt. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé vendredi l’autorisation environnementale accordée par la préfecture du Bas-Rhin pour la construction d’une route, pointant le non-respect de « plusieurs conditions majeures » posées par le code de l’environnement.

La préfecture avait autorisé, en 2019, la construction d’une portion de cinq kilomètres pour contourner la commune de Châtenois. La Collectivité européenne d’Alsace (CeA) assurait la maîtrise d’ouvrage du chantier. L’autorisation de construction avait été contestée en justice par l’association Alsace Nature.

Absence de raison « d’intérêt public majeur »

Dans leur jugement, les magistrats relèvent « plusieurs vices » dans l’autorisation accordée. Ils soulignent que sept hectares de zones humides sont détruits par le projet, et que la préfecture et la CEA « n’ont pas justifié de compensations suffisantes. » Ils pointent également l’absence de raison « d’intérêt public majeur » qui justifierait de porter atteinte aux « 29 espèces protégées » (mammifères, oiseaux, reptiles…) présentes dans l’aire du projet.

Pour la préfecture, cet intérêt public majeur était établi par le « caractère accidentogène » de la route actuelle, et la « pollution de l’air » qu’elle engendre. Le tribunal « ne conteste pas la nécessité d’améliorer la sécurité sur cet axe », mais note qu’il n’est « pas démontré » que des aménagements sur la route actuelle « ne seraient pas suffisants ». Il souligne également que le projet « est à l’origine d’une pollution supplémentaire par dix substances ». Face à ces manquements, le tribunal écarte la possibilité d’une régularisation ultérieure et déclare « l’illégalité de l’ensemble de l’autorisation ».

« Ubuesque »

« Ce n’est pas une décision fréquente pour un projet routier, car le juge a beaucoup de pouvoir pour régulariser une procédure illégale », analyse Hubert Delzangles, professeur de droit public et expert en droit de l’environnement. « Ici, il considère qu’il n’est pas possible de régulariser, en l’absence de raison impérative d’intérêt public majeur. » « Il y a aussi sûrement un problème sur la compensation écologique, régulièrement sous-estimée. Or c’est une question devenue fondamentale, sur laquelle le juge est de plus en plus regardant », poursuit M. Delzangles.

« C’est ubuesque de juger quatre ans après le recours », a réagi de son côté le maire de Châtenois, Luc Adoneth. « Le chantier est en phase terminale, ils en sont presque à la pose du macadam », a-t-il observé. « C’est une gabegie d’argent public, l’arrêt du chantier va coûter plusieurs millions d’euros à la CeA ». La CeA et la préfecture peuvent faire appel. Sollicitées, elles n’ont pas donné suite.