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Paris : Coup de frein aux meublés touristiques, tours limitées à 37 mètres… Voici le prochain PLU

Habemus accord ! Point de fumée blanche ce vendredi matin dans le bureau du groupe écologiste à Paris, mais des mines réjouies. Après des semaines de tractations intenses, pleines de frustrations mais aussi d’espoirs, les partenaires de l’exécutif parisien se sont enfin mis d’accord sur les contours du prochain plan local d’urbanisme (PLU), qui dessinera le visage de la capitale de demain. Cet accord est présenté comme un « PLU de rupture » par les écologistes, qui se félicitent de s’être impliqués sur le texte. « Notre état d’esprit, vu l’urgence sociale et climatique, c’était de ne pas faire de l’eau tiède », a commenté Emile Meunier, le négociateur du groupe.

Des écologistes qui se sont tellement impliqués qu’ils n’ont pas hésité à en annoncer les contours avant même l’exécutif, lui grillant ainsi la priorité. « C’est un moment historique dans la majorité, nous avons renversé le rapport de force, avant on essayait d’amender le PLU, aujourd’hui les amendements viennent du PS », a lâché David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public et tête de liste à Paris pour EELV. De son côté, Emmanuel Grégoire n’était sans doute pas du même avis, puisque le premier adjoint a salué « une belle victoire collective. » 20 Minutes vous livre les points importants de ce PLU, qui devra être entériné au mois de juin au Conseil de Paris, avant le lancement de l’enquête publique au mois de septembre.

Logement social dopé, Airbnb freiné

Alors que le coût du logement à Paris est particulièrement élevé, entraînant l’exode d’une partie des classes populaires vers la petite voire la grande couronne, l’un des enjeux forts de ce nouveau PLU réside dans la capacité à produire du logement abordable, sans « bétonner » la ville, dans un contexte de changement climatique. Le nouveau PLU impose donc que toute construction de logements de plus de 500 mètres carrés de surface intègre 30 à 50 % de logements sociaux là où la proportion de logements sociaux est insuffisante (30 % dans les quartiers déficitaires, 50 % dans les quartiers hyperdéficitaires, selon les écologistes). Par ailleurs, toute réhabilitation lourde d’un immeuble de bureaux à l’est ou au centre de Paris devra obligatoirement transformer au moins 10 % de la surface en logement. « C’est un peu la mesure waouh », commente Emile Meunier, qui précise que le nouveau PLU interdit la création de nouveaux bureaux à l’Ouest et au centre.

La ville devrait leur mettre un coup de frein massif aux plateformes de logement de courte durée, type Airbnb, qui sont accusées de faire grimper les prix. Les nouveaux meublés touristiques professionnels seront purement interdits dans les immeubles d’habitation et dans le secteur touristique, annoncent les élus écologistes. Les logements loués toute l’année sur des plateformes comme Airbnb seront « examinés au cas par cas » par la mairie, qui sera en « position d’interdire » dans les zones déjà pourvues, nuance de son côté Emmanuel Grégoire.

Grandes tours stoppées, surélévations conditionnées

L’une des annonces les plus marquantes de cet accord concerne la hauteur des immeubles. Plus aucune tour ne pourra dépasser 37 mètres, énonce le texte, mettant fin à des années de débat sur le sujet, autour de la Tour Triangle notamment, qualifiée de « projet du siècle dernier » par les écologistes. L’objectif des écologistes est de lutter contre la surdensification, alors que Paris devra sans doute affronter des températures de 50 degrés en été dans les années qui viennent, et que les tours créent des effets d’îlots de chaleur.

Adieu donc probablement et sauf retournement de situation aux tours de 50 mètres du projet Bercy-Charenton et à celle du quartier Bruneseau. « On ne pourra plus densifier dans le ciel », résume Emile Meunier. Les règles de hauteur vont également diminuer pour les rues inférieures à 12 mètres de large, mais en revanche les immeubles pourront être surélevés dans les rues de plus de 15 mètres de large, avec l’idée d’y construire des toits végétalisés et du logement social.

Pleine terre encouragée, construction ralentie

Parallèlement à ce qui est présenté comme un effort pour limiter la densification de Paris, l’accord de la majorité promet d’accélérer sur la création d’espaces verts et de pleine terre. Chaque parcelle supérieure à 150 mètres carrés devra inclure au moins 30 % de pleine terre au sol, en fonction de la taille, sans dérogation, contre 10 à 20 % actuellement. Pour coller à l’objectif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 10 mètres carrés d’espaces verts ouverts au public par habitant d’ici 2040, ce sont 300 hectares d’espaces verts en plus qui devraient être créés, notamment via dix parcs dans les opérations d’aménagement en cours. Un grand parc de neuf hectares est notamment créé Porte de la Villette.

La construction sera drastiquement freinée à Paris si l’on en croit les écologistes, qui ont simulé le « reste à bâtir » selon le PLU en vigueur et le nouveau sur deux cartes, où le rouge représente l’impossibilité de construire :

La carte de constructibilité de l'actuel PLU.
La carte de constructibilité de l’actuel PLU. – Ecologistes Paris
La carte de constructibilité du nouveau PLU, avec en rouge les zones où il sera impossible de bâtir.
La carte de constructibilité du nouveau PLU, avec en rouge les zones où il sera impossible de bâtir. – Ecologistes Paris

Quant aux bâtiments qui se construisent malgré tout, ils devront respecter des normes plus écologiques, puisque le nouveau PLU interdit les constructions en béton. « Ces nouvelles règles d’urbanisme vont répondre à l’urgence d’adapter la ville pour pouvoir y vivre malgré les changements de températures et à celle de pouvoir se loger à des prix abordables », commente le premier adjoint, Emmanuel Grégoire, qui précise que l’application dès 2025 de la RE (réglementation environnementale) 2028 aux seuils carbone plus contraignants, amènera les promoteurs « à utiliser d’autres matériaux que le béton, ou à faire la démonstration qu’il n’y a pas d’alternative ».

Statu quo pour la petite ceinture

Alors qu’écologistes et communistes s’écharpaient sur le sort de la petite ceinture, c’est une sorte de semi-avancée qui a été obtenue, qui permettra surtout que rien ne bouge. Les uns voulaient classer la petite ceinture en zone urbaine verte, tandis que les communistes voulaient garder « une possibilité de réversibilité », et laisser les coudées franches à la SNCF. L’accord obtenu classe la zone en « secteur de renforcement végétal » qui impose à la SNCF, selon les écologistes, de devoir déclarer toute coupe d’arbre et surtout, de replanter deux fois plus d’arbres qu’elle n’en a coupés. « C’est un travail de compromis où les objectifs sont saufs pour tout le monde », commente Emile Meunier.

La Porte de Montreuil en suspens

Reste une inconnue sur un projet majeur, qui a divisé et va continuer de diviser la majorité : la Porte de Montreuil, dont le sort reste à cette heure incertain. Selon les écologistes, l’accord qui se dégage laisse la question en suspens, avec seulement l’impossibilité de créer de nouveaux immeubles ponts. Mais les écologistes accepteront-ils le projet simplement amputé de son immeuble-pont ?

« Nous sommes prêts à proposer la suppression de l’immeuble-pont de la Porte de Montreuil à condition que la mise en œuvre du projet global ne soit pas mise en danger. Il est nécessaire de pouvoir lancer dans les meilleurs délais la transformation des espaces publics afin d’améliorer le quotidien des habitants qui vivent aujourd’hui dans ce quartier », prévient Emmanuel Grégoire, qui envisage de déposer « en l’état » le permis d’aménager, susceptible d’être ensuite amendé. « On était prêts à concéder le fait de ne plus faire d’immeuble pont et de faire un espace végétalisé sur le rond-point mais à condition qu’on aménage dès ce mandat », prévient aussi Nicolas Bonnet-Ouladj, chef de file du groupe communiste à Paris.