France

Hauts-de-France : Il faudra attendre pour surveiller l’eau contaminée par un dérivé de pesticide récemment repéré

Risque sanitaire ou non ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) vient de publier un rapport concernant sa dernière campagne pour mesurer la présence de certains composés chimiques dans l’eau. Dans ses conclusions, un dérivé de pesticide semble préoccupant : le métabolite du chlorothalonil R471811, un dérivé du benzène. L’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France annonce la mise en place d’une surveillance, mais pas tout de suite

Car la région est particulièrement touchée, pas uniquement par le chlorothalonil, mais par les concentrations de pesticides et autres dérivés en tout genre. Les Hauts-de-France présentent ainsi la plus forte concenttration maximale de France (14,3µg/l d’eau), devant la Bourgogne-Franche-Comté (7,3µg/l).

Dépassements de la limite de qualité

Tous les trois ans, l’Anses se penche sur le cas de molécules pas ou peu recherchées lors des contrôles réguliers de l’eau de consommation courante effectués par les ARS. Dès qu’une nouvelle substance issue de pesticides est repérée, elle est intégrée au protocole de ces contrôles sanitaires.

Les prélèvements ont notamment concerné 157 pesticides et métabolites de pesticides, c’est-à-dire des composants issus de la dégradation des produits phytopharmaceutiques, révèle l’Anses, sur son site. Dans les eaux traitées, c’est-à-dire propre à la consommation humaine, sept de ces composés chimiques ont conduit à des dépassements de la limite de qualité, avec notamment le cas particulier de ce chlorothalonil.

« Il a retenu l’attention des scientifiques sur deux points particuliers. D’une part, c’est le métabolite de pesticide le plus fréquemment retrouvé, dans plus d’un prélèvement sur deux. D’autre part, il conduit à des dépassements de la limite de qualité dans plus d’un prélèvement sur trois », souligne l’Anses qui précise qu’il est régulièrement retrouvé dans les eaux de consommation en Suisse.

En 2020, il avait même été découvert dans des bouteilles d’eau Evian. La société avait alors indiqué que sa présence était sans risque pour la santé. L’association Générations futures, qui milite contre l’utilisation de pesticides dans l’agriculture, n’est pas du même avis.

Classée cancérogène 2

« Cette molécule est classée cancérogène 2, c’est-à-dire que le danger est certain sur l’animal, et inconnu sur l’homme, faute d’étude sur le sujet, déplore François Veillerette, porte-parole de Générations futures. Or, on sait depuis dix-sept ans par la commission européenne que le chlorothalonil a la capacité de produire des métabolites en quantité importante. Et les autorités ne font rien. »

Contactée par 20 Minutes, l’ARS des Hauts-de-France a assuré que le chlorothalonil R47181 « est en cours d’intégration au contrôle sanitaire ». « L’intégration nécessite cependant au préalable que les laboratoires en charge du contrôle sanitaire de l’eau dans la région fiabilisent les techniques d’analyse pour ce métabolite, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », avoue l’ARS. Rien n’a été anticipé alors que les autorités connaissaient les risques potentiels depuis 2006.

Alors un changement de braquet s’opère. L’autorité sanitaire a « expressément demandé aux laboratoires de développer des techniques robustes et accréditées après quoi cette molécule pourra bien être intégrée au contrôle ». Il faudra donc attendre pour d’éventuelles restrictions de consommation.

Le ministère de la Santé a fixé à 3 µg/l d’eau la limite transitoire de concentration lors des futurs contrôles. Une limite totalement arbitraire puisque aucune étude ne peut montrer au-delà de quel seuil le chlorothalonil se révèle toxique chez un individu. En tout cas, la barre n’a pas été placée trop bas car « l’enquête exploratoire de l’Anses ne révèle pas de dépassement de cette norme [3 µg/l] », tient à préciser l’ARS.

« Nous ne saurions être tenus pour responsables »

Cette concentration fait néanmoins réagir les régies de distribution d’eau Noreade, qui fournissent l’eau potable à environ un million de personnes dans les Hauts-de-France. Dans un communiqué, elles appellent les pouvoirs publics « à prendre leurs responsabilités ». « Nous ne saurions être tenus pour responsables de la situation actuelle qui résulte, en effet, de pratiques agricoles qui ont été autorisées par les pouvoirs publics jusqu’à une époque extrêmement récente (jusqu’en 2019, en, l’occurrence) », soulignent-elles.

Ce chlorothalonil a, en effet, été utilisé à partir des années 1970 comme fongicide, notamment dans la lutte contre certains champignons pour la culture des céréales, des légumes et l’entretien de la vigne. Il a été interdit en 2020 par l’Union européenne.