France

Economie : Sur Google, les commerces ne veulent plus subir les conséquences des faux avis en ligne

Nous sommes au mois d’octobre 2022 et sur Twitter, c’est le déferlement. De nombreux internautes relaient un mot affiché dans les toilettes d’une entreprise de Seine-Saint-Denis*. Sur l’affiche, l’entreprise demandait à ses salariés d’utiliser du papier toilette, et non des bouteilles d’eau « contraires aux règles élémentaires d’hygiène en vigueur dans l’entreprise ». « L’islamophobie jusque dans les chiottes », s’insurgeaient alors des internautes.

Très vite, les commentaires se sont multipliés et ont même traversé les frontières de Twitter jusqu’aux avis Google. Désormais, la petite entreprise dépasse à peine les trois étoiles sur cinq et les avis négatifs se sont multipliés, quand le scandale a éclaté sur Twitter. « Chez eux rien n’est lavé à l’eau tout est essuyé avec du papier vraiment pas propres du tout. La direction sent mauvais », raconte un premier avis. « Matériel de mauvaise qualité, hygiène douteuse, couverts lavés avec du papier et non avec de l’eau », critique un second. « Entreprise à l’hygiène douteuse qui exerce une pression psychologique sur ses salariés. À fuir ! », complète un autre. Tous les avis convergent vers les mêmes critiques : l’hygiène, l’eau et le papier. Une certaine référence à l’affiche critiquée sur Twitter.

Regagner des vies

A contrario, d’autres internautes essayent de sauver les meubles et tentent d’aider la société à récupérer les étoiles perdues. « Très bonne entreprise qui veille à l’hygiène des employés, quelles que soient leurs religions », « ne tenez pas compte des avis négatifs laissés en vague ici. Cette société est top, je ne peux que la recommander », « excellent produit, service irréprochable, hygiène parfaite », peut-on par exemple lire parmi les avis. Au moment des faits, nous avions contacté l’entreprise en question qui, après un premier échange, avait coupé court aux communications. Leurs adresses mail avaient également été désactivées.

Or, cette entreprise est bien loin d’être le seul commerce à avoir subi une vague de haine en ligne. Au mois de février, le gérant de deux drogueries* dans l’Est de la France a subi un déferlement d’avis négatifs sur sa page Google. La raison ? L’homme avait alerté d’une vente en ligne suspecte à la suite d’une commande de plusieurs kilogrammes de précurseurs d’explosifs, alerte désormais obligatoire au sein de l’Union européenne. Finalement, une plainte déposée plus tard, le même gérant a obtenu gain de cause et les faux avis haineux ont été retirés de sa fiche lui permettant de retrouver ses cinq étoiles.

Un coup dur pour le chiffre d’affaires

Pour la (FFEP) – qui représente toutes les entreprises du détail, les drogueries et les arts de la table –, ces actes malveillants en ligne sont « totalement injustifiés » et deviendraient même de plus en plus courants. « Tout le monde peut laisser des avis et créer de faux comptes. Sauf qu’il n’y a aucun moyen de vérifier l’identité de la personne. A-t-il vraiment acheté dans le commerce ? », questionne la fédération, interrogée par 20 Minutes.

Face à ce constat, s’en dessine un autre : d’après le Spiegel Research Center, « 95 % des consommateurs consultent des avis en ligne avant de réaliser un achat ». Ainsi, les faux avis peuvent être réellement préjudiciables pour un commerçant : sa fréquentation pourrait être réduite et son image détériorée. « Un vrai problème pour le chiffre d’affaires », regrette la FFEP. Sur son site, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) partage le même constat : « Qu’il s’agisse de faux avis positifs postés par un professionnel, son entourage ou une agence de communication, ou bien d’avis négatifs rédigés par un concurrent ou toute autre personne malveillante, ces commentaires trompent le consommateur et faussent la concurrence. »

Google tente de contrôler

De son côté, Google promet être pleinement mobilisé pour assurer aux internautes des informations fiables sur son moteur de recherche. Mais comment ? « Nous utilisons une combinaison de systèmes de détection automatisés et des équipes d’opérateurs et d’analystes formés qui travaillent 24 heures/24 afin de détecter et de supprimer les faux contenus », répond le célèbre moteur de recherche. Le site insiste également sur ses règles strictes obligeant l’internaute à s’appuyer sur « des expériences réelles ».

« Lorsque nous constatons des violations de ces règles, nous prenons des mesures allant de la suppression du contenu abusif à la désactivation des comptes d’utilisateurs », signale également Google. Et s’il est possible de modérer ces contenus, certains commerces restent encore aujourd’hui pleinement touchés par ces actions haineuses en ligne… à l’instar de la première entreprise citée plus haut.

Anonymat ou preuve concrète ?

Afin de limiter les conséquences économiques, des acteurs du commerce – notamment la FFEP – étaient conviés ce vendredi à Bercy pour évaluer les problématiques et trouver des solutions à long terme. Pour la fédération, la levée de l’anonymat serait par exemple la clé pour éviter à l’avenir ce genre de déferlement. Mais quand il est question de numérique, l’anonymat est un serpent de mer. « La levée de l’anonymat ne peut s’envisager sans étudier les conséquences sur la liberté d’expression », avait tranché un rapport parlementaire rendu en 2021. Pour la FFEP, d’autres solutions seraient également possibles, par exemple l’obligation de fournir une preuve d’achat pour pouvoir laisser un commentaire.

A la suite du rendez-vous à Bercy, la Fédération française de l’équipement du foyer promet « de continuer à défendre ce sujet » et espère rencontrer de nouveaux acteurs du commerce afin de trouver des solutions communes pour éviter de nouvelles vagues de haine en ligne.

*Par choix et pour éviter un nouvel épisode de haine en ligne, nous avons décidé de ne pas republier le nom de l’entreprise.