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Record du monde du marathon en marche arrière : « Je suis le roi des idiots », se marre Guillaume de Lustrac

« Bonjour, c’est Guillaume, le recordman du monde de marathon en marche arrière. Je ne sais pas si c’est plus de la fierté et de la gênance de me présenter ainsi. » Lorsqu’il nous a rappelés ce mercredi, trois jours après avoir battu un sacré record en retrorunning (42 km parcourus en 3h25 contre 3h38), sur le marathon « classique » de Saint-Paul-lès-Romans (Drôme), Guillaume de Lustrac a d’emblée assumé le côté décalé de sa performance. Cet Isérois de 29 ans, consultant en bilan carbone et en transition écologique, raconte à 20 Minutes comment il a pris goût aux défis improbables aux côtés de sa fiancée Constance. Et comment il vient donc de faire son entrée dans le Guiness, grâce à une discipline pour laquelle il ne s’est entraîné que depuis quatre mois.

Quels étaient vos plus gros défis jusque-là, avant de prendre le départ du marathon de Saint-Paul-lès-Romans dimanche ?

J’ai participé à des courses d’ultra-cyclisme comme la Race across France (2.500 km du Touquet à Mandelieu), pour laquelle Constance était bénévole. L’été dernier, j’ai aussi fait un triple Ironman, avec 12 km dans le lac d’Annecy, 600 km de vélo d’Annecy à Périgueux, puis 126 km de course à pied de Périgueux jusqu’à Bordeaux, le tout en 63 heures. Avec Constance, on aime bien mettre en avant la beauté du territoire français par des défis sportifs en off. On est tous les deux sensibilisés par l’écologie, et le message, c’est qu’il n’y a pas besoin d’aller à l’autre bout de la planète pour tenter un défi difficile. Cette fois, ce n’était pas un défi pour la planète mais un truc pour rigoler avec les copains.

Comment est née cette étrange idée de courir un marathon en marche arrière, au juste ?

En décembre, j’ai fait un temps pas mal au marathon de Valence (Espagne) avec 2h33. On s’est alors mis à regarder les records du monde un peu marrants qui pouvaient exister avec mon ami Duncan Perrillat (champion de France de marathon). Comme j’aime bien les défis qu’on pense au départ quasi impossibles, Duncan m’a chauffé pour le record du marathon en marche arrière. Il a lancé un pari via une story Instagram le 1er janvier : s’il y avait plus de 1.000 commentaires, alors je me lançais. Comme un autre ami, le biathlète Fabien Claude, a partagé cette story, c’était fini (sourire). Enfin, ça s’est joué à pas grand-chose, avec 1.006 commentaires pile avant la fin des 24 heures de la story.

Vous ne seriez pas allé au bout de l’aventure sans ce millier de commentaires ?

Franchement, je ne sais pas, j’aurais peut-être fait deux ou trois entraînements en arrière. Comme j’aurais vu que ça me gonflait, je n’aurais pas poussé ce délire-là. Au début, il n’y a pas beaucoup de plaisir, et même après quand on prend l’habitude en fait. On se rend vite compte à quel point c’est plus chouette de courir en avant.

Le passage au retrorunning vous a-t-il valu des blessures ?

J’ai rapidement eu mal aux genoux. Un copain ostéo m’a fait prendre conscience que j’étais probablement en train de faire de la merde. Je me suis vraiment posé la question de continuer ou pas ce défi. J’ai surtout arrêté de courir en avant car c’est l’alternance avant-arrière qui me faisait vraiment mal. Il faut apprendre à utiliser la voûte plantaire, qu’on ne sent quasiment pas en course avant. Là, au début, j’avais l’impression de marcher sur du verre.

A quoi ressemblaient exactement vos premiers entraînements ?

Pour ma première séance le 2 janvier, je n’ai fait que deux fois 500 m. J’avais l’impression de redécouvrir la course à pied, comme si j’étais un débutant absolu. J’ai augmenté les distances petit à petit, avec des séances en côte, du fractionné, et jusqu’à un entraînement de 33 km. J’ai fait toute ma préparation avec Constance, donc elle était toujours à mes côtés pour me prévenir quand il y avait un trou, un chien ou un vélo. Elle était vraiment mes yeux.

Il ne faut jamais se retourner pour réussir dans cette discipline insolite ?

Le moins possible en tout cas. C’est un peu le secret car ça bouffe quand même de l’énergie de le faire. Même musculairement, ça finit par tirer sur les hanches. Sur la fin du marathon, vu que le cerveau commençait à être un peu moins irrigué en sang, j’ai moins fait confiance aux copains, donc instinctivement je me suis plus souvent retourné.

Guillaume de Lustrac, juste après avoir franchi la ligne d'arrivée du marathon de Saint-Paul-lès-Romans dimanche, avec un record du monde insolite à la clé.
Guillaume de Lustrac, juste après avoir franchi la ligne d’arrivée du marathon de Saint-Paul-lès-Romans dimanche, avec un record du monde insolite à la clé. – Laure Martinez

Quelle différence d’allure avez-vous personnellement constaté entre marche avant et marche arrière ?

Au marathon de Valence, j’étais à 3’36/km, et là j’ai tourné à 4’51/km. C’est donc significativement plus lent. Le précédent record du monde (3h38), fait par le spécialiste de retrorunning, l’Allemand Markus Jürgens, était à 5’11/km et je n’avais personnellement aucun repère d’allure en arrière.

Comment votre tentative de record barré a-t-elle été accueillie sur un marathon programmé dans le « bon » sens ?

On a prévenu en amont les organisateurs que je visais le record du monde. Tous les bénévoles étaient donc au courant et ils nous ont encouragés tout au long de l’épreuve. Des gens venaient même assister à la course juste pour voir… le phénomène (rires) !

Quels ont été vos échanges avec les participants « classiques » ?

J’ai senti de l’incrédulité chez la plupart d’entre eux. Deux participants ont fait la première partie de la course avec moi en m’indiquant quand il fallait que je me décale un peu à gauche ou à droite. Ce n’était pas de trop, même si j’avais déjà trois amis à mes côtés. Dix mètres après la ligne de départ, je me suis fait une belle frayeur en me prenant une dame et en étant à deux doigts de tomber. Comme quoi j’ai bien fait de choisir ce marathon peu fréquenté (150 participants). A Paris, je me serais mangé un nombre de personnes hallucinant.

Finalement, quel a été votre classement au général dimanche ?

J’ai fini 19e, donc je n’étais pas censé être sur le podium. Mais les organisateurs m’ont invité à y monter pour faire péter la Clairette de Die.

A quel point avez-vous galéré, pendant et après la course, par rapport à un marathon en marche avant ?

J’ai vraiment commencé à souffrir sur les sept derniers kilomètres. Puis dans la nuit de dimanche à lundi, même quand je dormais, ça me faisait mal musculairement. J’ai eu droit aux mêmes douleurs qu’un lendemain de marathon, mais avec en plus la voûte plantaire et les orteils qui brûlaient, et les hanches qui ont aussi pris le tarif. Mais mardi, je suis retourné courir 6 km, cette fois dans le bon sens ! Je vais laisser le retrorunning de côté, même si c’est possible que je participe dans l’avenir à quelques courses en arrière sympas qui m’ont déjà invité.

Vous aviez déjà bouclé plusieurs gros défis, mais il s’agit là de votre premier record du monde. Ça change quoi concrètement ?

Ça officialise peut-être le fait que je suis le roi des idiots (rires) ! Sinon, je n’ai pas vraiment de points de fierté en plus. Il y a juste un engouement médiatique que je n’avais encore jamais vécu, c’est tout.

Il y a un mois, le grand public découvrait Aurélien Sanchez, premier finisher français de l’histoire de la Barkley (course d’ultra-trail de 200 km et de 20.000 m de dénivelé positif aux Etats-Unis). Cette semaine, c’est vous…

C’est incomparable, il a fait une perf de malade, et moi une perf d’idiot (rires). Mon objectif, c’était de faire rire les copains, et je pense que c’est réussi. Je reçois d’ailleurs plein de messages de gens qui trouvent ce défi marrant voire génial, et d’autres de personnes qui ne comprennent pas le délire. Dans ce climat un peu anxiogène au sujet notamment des retraites, si j’ai pu faire rigoler des gens cinq minutes, j’en suis déjà très content. Je ne suis pas athlète de haut niveau, je ne suis pas sponsorisé, j’ai un boulot à côté, je suis un Monsieur tout le monde.