France

Bordeaux : Marre des « pâtes à l’huile », une tribune pour de meilleurs plats végétariens dans les restos du Crous

« Il y a peu, il y avait un seul sandwich sans viande, à base de fromage et de beurre, je me suis aussi souvent retrouvé à prendre des pâtes à l’huile et quand c’est viande-frites, si je veux manger, je dois prendre une assiette de frites », raconte Pablo Patat, végétarien et élève ingénieur à l’école nationale supérieure de matériaux, d’agroalimentaire et de chimie à Pessac, sur la métropole bordelaise.

A l’instar de 75 universitaires et sept associations étudiantes de Bordeaux, il ne veut pas se résoudre à une telle monotonie alimentaire. Il est porte-parole d’une tribune qui part du constat qu’il « est difficile aujourd’hui d’avoir accès à une alimentation végétarienne équilibrée au Crous : tous les restaurants universitaires ne proposent pas une option végétarienne quotidienne, et quand elle existe, celle-ci n’est pas suffisamment mise en avant et travaillée. »

Manque d’attractivité des plats

La loi qui oblige les restaurants universitaires à proposer une option végétarienne quotidienne a été votée en août 2021 mais pour laisser le temps aux structures de s’adapter, elle est entrée en vigueur en janvier 2023. Pourtant les menus ne sont pas vraiment au goût des adeptes du végétal qui s’impatientent. L’urgence climatique impose une végétalisation de l’alimentation, notamment pour diminuer son empreinte carbone.

« Il y a une erreur d’appréciation de ces signataires, estime Pascal Mergui, conseiller technique restauration au Crous de Bordeaux, qui sert 15.000 repas en moyenne sur la métropole. On propose une option végétarienne depuis 2019, dans le cadre du lundi vert, donc on avait largement devancé la loi. Et très vite, on a mis une option végétarienne par jour dans chacun de nos restaurants. » Il met aussi en avant le succès des bocaux végétariens, mis à la disposition des étudiants dans les Crous Market, qui proposent de la vente à emporter. Il reconnaît cependant rapidement qu’il reste des efforts à faire pour apporter davantage de variété dans les propositions : « On va affiner nos recettes pour être plus attractifs et plus dans la norme, c’est vrai qu’il manque parfois des protéines végétales. »

Le service de restauration bordelais se défend en disant que certains plats lui restent sur les bras. On sait par exemple que les filières où les garçons sont majoritaires (sciences ou sport) sont très peu adeptes des plats végétariens, alors qu’ils ont beaucoup de succès chez les étudiants en médecine, par exemple. D’où une certaine difficulté à anticiper un volume de plats végétariens. « C’est vrai qu’il y a des végétariens malgré eux, si je puis dire, en fin de service s’il ne reste que ces plats-là et, au contraire, on peut en manquer dès 12h30 », constate Pascal Mergui.

Un besoin de formation des équipes

« Environ 75 % respectent cette obligation d’option végétarienne quotidienne, complète Keyvan Mostafavi, chargé des campagnes de végétalisation chez Assiettes Végétales, une association qui propose notamment des formations aux restaurations collectives. La plupart ont une option travaillée qui a du goût et faite pour plaire aux étudiants. » C’est peut-être sur ce dernier aspect que le bât blesse pour le Crous de Bordeaux.

En cuisine, le personnel du Crous a été formé à cuisiner principalement une viande et son accompagnement et se retrouve un peu pris de court. Près de 70 fiches de recettes végétariennes ont été mises à disposition par le Cnous, et des livrets édités pour les sensibiliser mais tous n’ont pas encore été formés. « Il ne suffit pas d’enlever de la viande pour que ça devienne un plat végétarien, appuie Pascal Mergui. Une alliance correcte entre légumineuses et céréales est nécessaire pour que cela soit suffisamment nutritif pour ceux qui ne mangent jamais de viande. »

Or, si cuisiner des produits bruts végétariens coûte « environ 25 % moins chers » que leurs équivalents carnés, il faut davantage travailler les produits (lavage découpe, trempage des légumineuses etc.) Des formations sont prévues pour les chefs et seconds (une vingtaine de personnes) des Crous de Bordeaux Métropole. « On est conscients des enjeux et on n’est pas restés les mains croisées jusque-là », tente de résumer Pascal Mergui.

L’appui des étudiants est nécessaire

A écouter Assiettes végétales, il n’y a pas de recette magique. « Les Crous où ça marche bien, c’est là où les équipes se sont emparées du sujet, où elles ont parlé aux étudiants pour voir les plats végétariens qui leur plaisaient, qui ont formé leurs équipes et qui font des animations autour des plats végétariens, souligne Keyvan Mostafavi. C’est une dynamique globale. » Pour Pablo Patat, la tribune est aussi l’occasion de tendre la main au Crous pour lui dire que les associations étudiantes sont à sa disposition si elle souhaite mieux connaître leurs besoins, leurs envies.

Quand les plats végétariens mettent l’eau à la bouche, ils séduisent au-delà des végétariens purs sucre. « A Rennes, le plus gros Crous français en nombre de repas, 50 % choisissent le plat végétarien et à Grenoble, ils sont 25 %. Ces structures ont pris les devants depuis plusieurs années », pointe Keyvan Mostafavi. C’est seulement 10 à 20 % à Bordeaux, qui est sommée de mettre les bouchées doubles.